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Comité sur la pension à 60 ans
Vers un système à plusieurs vitesses, dénoncent des syndicalistes
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Comité sur la pension à 60 ans
Vers un système à plusieurs vitesses, dénoncent des syndicalistes

Un comité ministériel s’est réuni mercredi 25 juin au siège du ministère de l’Intégration sociale, à Port-Louis, pour plancher sur les mécanismes de soutien à offrir aux personnes âgées de 60 à 65 ans, qui se trouvent dans l’incapacité de travailler pour des raisons de santé. Ce comité, présidé par le ministre Ashok Subron, a attiré l’attention en publiant une série de données statistiques sur l’emploi des personnes âgées, et en esquissant les contours d’une réforme plus ciblée de la pension de vieillesse.
Mais cette démarche est loin de faire l’unanimité. Pour Reeaz Chuttoo, président de la Confédération des Travailleurs du Secteur Privé (CTSP), le gouvernement agit à contretemps : «C’est maintenant qu’on parle de statistiques, alors qu’une décision unilatérale a déjà été prise. Il n’y a pas eu de débat national. Ils se sentent aujourd’hui coupables.»
Le comité a pris connaissance de données indiquant qu’en moyenne, 27 % des personnes âgées de 60 à 65 ans sont encore salariées. Ce taux grimpe à 39,6 % pour la tranche des 60 à 61 ans, et descend à 15,9 % pour les 64-65 ans. Un argument qui justifierait, selon les autorités, une révision des critères d’accès à la pension vieillesse. Ainsi, environ 3 000 personnes âgées de 60 à 61 ans continueront de percevoir Rs 15 000 mensuellement jusqu’à 65 ans. Quelque 15 000 personnes devraient bénéficier du dispositif chaque année, selon le communiqué.
Mais au-delà de ces chiffres, ce sont les principes d’égalité, d’universalité et de dignité qui sont remis en question, estiment plusieurs syndicats.
«Une réparation, pas une faveur»
Reeaz Chuttoo insiste : «Cette pension à 60 ans représente une forme de réparation pour un système anticonstitutionnel qui discrimine les travailleurs du privé.» Il rappelle que depuis l’indépendance, Maurice a bâti son développement économique sur une main-d’œuvre bon marché, notamment dans la zone franche, sans véritable révision des structures salariales. «Le salaire d’un chauffeur dans le textile est trois fois inférieur à celui d’un chauffeur dans l’industrie sucrière. Dans la zone franche, le Remuneration Order n’a pas été revu depuis 38 ans.»
Conséquence : une majorité de travailleurs (87 % de la masse ouvrière du privé) n’ont pas accès à la négociation collective. «Ce sont des gens qui travaillent comme des bœufs, accumulent les heures supplémentaires pour survivre, mais ne vivent pas longtemps. À 55 ans, ils sont déjà usés physiquement. La science le prouve.»
Le syndicaliste estime que la pension à 60 ans n’est pas un luxe, mais une nécessité : «Ce n’est pas pour vivre dans l’opulence, mais pour survivre avec dignité.»
Ashvin Gudday, négociateur de la General Workers Federation (GWF), salue l’idée d’un accompagnement pour les personnes en situation de handicap ou les veuves. Toutefois, il s’interroge sur la logique de «triage» évoquée dans le communiqué. «On parle d’un système pour identifier les personnes inaptes au travail. Mais on sait à quel point il est difficile de diagnostiquer certaines pathologies, ou même de faire reconnaître une incapacité.» Il met en garde : «Certaines personnes malades, mais qui ne rentrent pas dans les critères d’éligibilité, risquent de se retrouver exclues. C’est injuste. La pension universelle est un droit acquis. Elle doit le rester.»
Une réforme contestée
Le comité ministériel affirme avoir examiné «plusieurs pistes» pour réformer le système actuel d’octroi des prestations sociales, notamment pour les personnes souffrant d’un handicap ou en incapacité de travail. Une session technique a d’ailleurs suivi la réunion ministérielle pour évaluer les options. Un rapport détaillé doit être soumis au gouvernement dans les jours à venir.
Mais pour la CTSP comme pour la GWF, le fond du problème réside ailleurs : «Depuis 1975, nous avons hérité d’une structure salariale fondée sur une discrimination constitutionnelle. Il est temps d’y mettre fin», martèle Reeaz Chuttoo.
Le syndicaliste appelle à revoir la manière dont les salaires sont attribués, non pas selon le secteur d’activité, mais en fonction de l’occupation et de la pénibilité du travail. «Une personne de la zone franche travaille 55 heures par semaine, touche Rs 800 de pension, et doit continuer à trimer pour espérer une retraite.»
Ashvin Gudday propose des pistes pour préserver la pension à 60 ans : «On dit qu’elle est insoutenable, mais il existe des moyens de renflouer les caisses de l’État : taxer davantage les plus riches, revoir la Corporate tax, récupérer les Rs 22 milliards distribués pendant la pandémie à travers le Wage Assistance Scheme, ou encore lutter contre le gaspillage comme le démontre chaque année le rapport de l’Audit.»
Il plaide également pour des réformes structurelles : «Encourager les jeunes à revenir au pays, améliorer le ratio entre actifs et retraités, et ainsi renforcer la base contributive.»
Au final, la question posée reste entière : une personne de 60 ans, toujours active, devrait-elle être exclue de la pension de vieillesse ? Le débat mérite d’être posé publiquement, selon les syndicats. «Le gouvernement, s’il est réellement démocratique, doit ouvrir un forum national où toutes les parties prenantes – société civile, syndicats, économistes – pourront faire entendre leur voix», affirme Reeaz Chuttoo.
La plateforme syndicale se rencontre ce matin pour discuter de la marche à suivre après le rassemblement de Port-Louis samedi dernier.
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