Publicité
Une speaker sous surveillance
Par
Partager cet article
Une speaker sous surveillance
La démocratie parlementaire repose sur un équilibre fragile. La speaker incarne cet équilibre. Elle garantit l’impartialité des débats, protège l’opposition et veille au respect des règles. Quand elle faillit à cette mission, elle devient un simple exécutant du gouvernement. L’histoire en est la preuve.
De mémoire récente, on pourrait dire que Maya Hanoomanjee a ouvert la voie aux dérives. Sooroojdev Phokeer l’a suivie, transformant l’Assemblée nationale en tribunal à charge contre l’opposition. Expulsions arbitraires, propos déplacés, mépris des règles : tout était permis. La Cour suprême a dû intervenir pour rappeler que la séparation des pouvoirs existait encore.
Il y a peu, Shirin Aumeeruddy-Cziffra est arrivée dans ce contexte. Son élection-nomination a suscité un espoir. Mais aussi une méfiance. On la sait capable. Mais elle devait prouver qu’elle est demeurée libre.
Son premier test est venu de Paul Bérenger. Celui qui l’a portée à ce poste. Lors d’un débat tendu, le vice-Premier ministre a lâché une phrase glaçante à l’opposition : «Al pandi do!»
Le silence de la speaker ce jour-là a surpris. Mais elle a réagi. Un peu tardivement, certes. Mais fermement. Paul Bérenger a été rappelé à l’ordre. Un geste symbolique. Un avertissement. Pourtant, l’épisode révèle une faille. L’ombre du pouvoir est là. Elle menace l’indépendance de cette fonction.
Le Parlement est déjà déséquilibré. Trois députés d’opposition face à une majorité écrasante. Deux Best Losers de Rodrigues ralliés au pouvoir. Dans ces conditions, toute complaisance serait une trahison de la démocratie.
Le précédent Phokeer est encore vif. Son mandat a démontré ce qu’un speaker servile pouvait infliger au pays. Il a protégé l’exécutif avec un zèle aveugle, allant jusqu’à insulter un élu de l’opposition en pleine séance. Il a cherché à faire taire. À dominer. À détruire l’opposition. L’Assemblée nationale s’est vidée de son sens.
Shirin Aumeeruddy-Cziffra a une responsabilité immense. Elle doit prouver qu’elle n’est pas un instrument. Elle doit restaurer un minimum de confiance dans l’institution.
La nouvelle speaker dit vouloir rétablir l’ordre. Elle promet une tolérance zéro face aux dérives. Mais les paroles ne suffisent pas. Il faut des actes. Elle devra refuser d’être une courroie de transmission du gouvernement.
Elle devra garantir un accès équitable aux débats. Elle devra résister aux pressions. Car elles viendront. Et elles seront fortes.
Le Premier ministre et Leader of the House concentre déjà un pouvoir immense. Il dicte l’agenda. Il contrôle l’exécutif. Il domine le législatif. Si la speaker se soumet, l’Assemblée deviendra une simple chambre d’enregistrement. Il n’y aura plus de débat.
Shirin Aumeeruddy-Cziffra peut éviter cet écueil. Mais elle devra être ferme. Elle ne devra craindre personne.
******
L’Assemblée nationale a connu ses heures sombres. Des présidences marquées par l’excès, la partialité et l’abus d’autorité. Maya Hanoomanjee et Sooroojdev Phokeer en ont été les figures les plus marquantes. L’une, rigide et sourde aux débats. L’autre, brutal et sans retenue. À eux deux, ils ont abîmé l’institution, en faisant du perchoir un outil de domination, un instrument de pouvoir au service de la majorité.
Hanoomanjee a inauguré l’ère du verrouillage. Expulsions rapides, refus d’entendre les contestations, favoritisme manifeste. La présidence n’était plus un arbitrage, mais une administration rigide du débat, coupant court aux tensions en muselant l’opposition. Phokeer a poussé cette logique plus loin encore. Il ne s’est pas contenté de favoriser le gouvernement, il a méprisé l’opposition. Il a insulté les élus, usé de son pouvoir pour exclure, et utilisé l’Assemblée comme une arène où il décidait qui avait le droit de parler et qui devait se taire.
Les scènes sont encore fraîches dans les mémoires. Un speaker hurlant «Look at your face!» à un député de l’opposition. Un autre, lançant un «Rest in Peace» à un dirigeant politique. Ce n’était plus du débat parlementaire ; c’était du mépris assumé.
Face à ces dérives, un modèle subsiste, celui d’Harilall Vaghjee. Lui, n’avait pas besoin de crier. Il n’avait pas besoin d’exclure. Son autorité reposait sur le respect et la rigueur. Il appliquait les règles avec fermeté, sans jamais donner l’impression qu’elles servaient un camp contre un autre. Le Parlement, sous sa présidence, fonctionnait avec dignité. Les débats étaient passionnés, parfois durs, mais jamais il ne laissait sa fonction être souillée par le mépris.
Shirin Aumeeruddy-Cziffra suivra-t-elle la ligne de ses prédécesseurs récents, où le speaker devient un bras du pouvoir ? Ou retrouvera-t-elle l’esprit de Vaghjee, où le speaker incarne la rigueur et l’équilibre ?
L’histoire jugera.
Publicité
Publicité
Les plus récents




