Publicité

[Dossier] Avant mai 1975

Une disparité criante entre écoles étatiques, privées et confessionnelles

20 mai 2025, 16:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Une disparité criante entre écoles étatiques, privées et confessionnelles

Tournant majeur de l’histoire post-Indépendance de Maurice, le soulèvement des étudiants en mai 1975 a marqué un profond bouleversement social et politique. Les répercussions de cette révolte, initiée par une jeunesse avide de justice et d’égalité, se font encore sentir aujourd’hui. Retour sur cette période effervescente de notre histoire contemporaine à travers les récits de quatre figures qui ont vécu ces événements de l’intérieur.

Alors que nous commémorons aujourd’hui la révolte estudiantine du 20 mai 1975, Michael Atchia, pédagogue et ancien directeur du Bureau de l’éducation catholique (BEC), revient sur le contexte éducatif de l’époque. Il décrit les inégalités flagrantes entre les établissements publics, privés et confessionnels. Lui-même avait pris part à la manifestation de mai 1975.

«J’ai enseigné au Queen Elizabeth College (QEC) de 1966 à 1972, mais j’ai été très tôt élu au syndicat des enseignants, le SPSTU. Avec Surendra Bissoondoyal et Guy Runghen, nous nous sommes battus pour améliorer les conditions dans les collèges privés», raconte-t-il.

Selon lui, d’énormes différences existaient alors entre les établissements. «Les Royal College Curepipe, Royal College Port-Louis et le QEC étaient bien dotés. Ils bénéficiaient de bons équipements de laboratoire et d’enseignants qualifiés. Les collèges confessionnels étaient moins bien pourvus, mais le diocèse, les paroisses et les ordres religieux apportaient des moyens supplémentaires. Cela a permis aux établissements catholiques d’assurer une éducation de qualité», explique-t-il.

Le même constat valait pour d’autres collèges confessionnels comme St Andrew’s, Hindu Girls et Islamic College. Quant aux collèges privés, conçus comme des entreprises, ils devaient se débrouiller avec les frais de scolarité perçus auprès des familles. «Dans bien des cas, les parents peinaient à payer, ce qui avait des répercussions directes. De nombreux collèges privés versaient les salaires des enseignants entre le 3 et le 7 du mois suivant, faute de fonds. Il arrivait aussi que le directeur doive rappeler aux élèves qu’ils seraient exclus s’ils ne réglaient pas leurs frais», souligne-t-il.

Malgré ces difficultés, certains collèges privés obtenaient de bons résultats, comme le London College, dirigé par Harold Chan Lam, ou encore le Trinity College de Claude Obeegadoo. Michael Atchia précise toutefois que la manifestation du 20 mai 1975 n’a pas tout changé du jour au lendemain. «Le mouvement de réforme était déjà amorcé, avec la participation du Mauritius Institute of Education, où j’étais chargé de cours, des syndicats, de la presse et de groupes comme le Club des étudiants militants. La révolte a cependant donné un coup d’accélérateur à ces réformes.»

Cette manifestation poursuivait trois objectifs : réduire les inégalités entre les collèges privés sous-financés et les établissements étatiques, réviser des manuels scolaires jugés obsolètes et marqués par une pensée coloniale, et améliorer la qualité de l’enseignement ainsi que celle des infrastructures scolaires.

«À cette époque, le chômage des jeunes diplômés atteignait entre 20 et 25 %. L’incapacité du pouvoir politique à relancer l’économie dans un pays fraîchement indépendant et à insuffler une conscience culturelle postcoloniale aux jeunes ne pouvait que mener à une explosion. L’énorme disparité entre les moyens disponibles dans les établissements privés, confessionnels et publics a poussé les élèves du privé à se révolter. Ils réclamaient les mêmes chances de réussite, donc des conditions adéquates pour poursuivre leur scolarité et mener à bien leurs études secondaires», affirme Michael Atchia.

À la suite de cette révolte, le Premier ministre d’alors, sir Seewoosagur Ramgoolam, transforma le système de subventions aux collèges en éducation gratuite. «Ce fut une révolution. Nous avons été le premier pays d’Afrique – sur 52 États – à offrir un enseignement gratuit. La création d’organismes de soutien comme la Private Secondary Schools Authority a suivi.»

Ces changements ont jeté les bases des premières grandes réformes éducatives à Maurice. «Cela a inclus la mauricianisation des programmes, l’introduction de l’Integrated Science au secondaire et de l’Environmental Science and Studies au primaire. Fini le fameux “Nos ancêtres les Gaulois” dans les textes de Claude Auger. Nous avons remplacé ces contenus par la géographie de Maurice, de l’océan Indien, de l’Afrique et de l’Asie.»

En plus de ces réformes de contenu, de nouvelles méthodes pédagogiques ont été mises en place, dont la discovery method, inspirée du Ghana, du Royaume-Uni et adoptée à Maurice pour l’enseignement des sciences. Une nouvelle ère s’ouvrait alors pour l’éducation mauricienne, et Michael Atchia, spécialiste de l’environnement, a joué un rôle clé dans l’intégration de cette discipline au programme scolaire.

Publicité