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Morekoma
Un groupe pour chanter la région indianocéanique
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Un groupe pour chanter la région indianocéanique

■ Morekoma à la plage du Bouchon avec Percy Yip Tong. 📸 © Percy Yip Tong
Les notes de Morekoma ont fait vibrer la scène de l’Institut français de Maurice (IFM), le vendredi 23 mai. Ce groupe, composé de quatre artistes reconnus de la région indianocéanique, arrive comme une belle surprise. On y retrouve Christine Salem de La Réunion, Eliasse des Comores, Sarasvati Mallac de Maurice et Bosco de Madagascar. Le nom Morekoma vient des premières syllabes des quatre îles réunies. Le projet est mis sur pied par Percy Yip Tong, fondateur de Cyper Produktion. C’est en avant-première qu’ils ont proposé ce concert, après une résidence d’une semaine à Maurice et avant de prendre l’avion pour l’Allemagne où une tournée de dix dates les attend.
«Je réalise mon rêve après plusieurs années. Ce projet a germé dans mon esprit il y a au moins une vingtaine d’années. Depuis 30 ans, je sillonne l’océan Indien. Je crois être le seul à avoir fait des concerts dans toutes les îles de la région. Contrairement à la majorité des producteurs qui se concentrent sur leurs îles, j’ai franchi les frontières de Maurice pour aller produire des artistes de la région, dont des artistes de La Réunion, de Mayotte, des Comores, des Seychelles, de Rodrigues et de Madagascar également. Même si nos cultures peuvent être différentes, ce que nous avons en commun, c’est le rythme ternaire. La polyphonie des voix malgaches m’a toujours fasciné, ainsi que la variété d’instruments que proposent ces pays. C’est ainsi que l’idée a germé de réunir ces voix, ces instruments et ces cultures, non pas sur un plateau comme je l’avais déjà fait, mais dans un groupe», explique Percy Yip Tong.
Morekoma se présente ainsi comme un quartet qui se retrouve ensemble pour la première fois, reflétant la diversité culturelle indianocéanique avec une combinaison d’une quinzaine d’instruments traditionnels allant du roulèr réunionnais au djembé africain, en passant par la ravanne mauricienne, l’erhu chinois, le mridanga tambour indien, le dzenze comorien et la valiha malgache, entre autres. Le quatuor chante également en sept langues différentes : le Kreol Morisien, le créole réunionnais, le sanskrit, le français, l’anglais, le malgache et le comorien.
Avant la rencontre des artistes, Percy Yip Tong a travaillé en amont avec chacun d’eux et a sélectionné trois chansons par artiste. Des chansons qui parlent de l’écologie, des droits de la femme, des problèmes sociaux, de l’esclavage et bien sûr, de nos îles, dont un air venu également des Chagos. «La résidence de création s’est très bien passée avec pour résultat un répertoire de 15 belles chansons représentant notre diversité culturelle unique au monde. Je peux dire que les quatre artistes ont beaucoup travaillé, parce que ce n’est pas évident de fusionner des instruments traditionnels qui ne se sont jamais croisés auparavant. Des artistes jouant du dzenze comorien, de l’erhu chinois et une valiha malgache pour accompagner des voix chantant en créole, c’est une première mondiale. Pas évident non plus pour un Mauricien de chanter en comorien ou une Réunionnaise de chanter en malgache ou tous les quatre chantant en sanskrit. Le concert de Morekoma à l’IFM a prouvé que mon choix d’artistes était judicieux. Comme c’est moi qui avais arbitrairement sélectionné les artistes après des années de réflexion, je ne suis pas du tout étonné du résultat obtenu… un groupe de niveau international avec une musique inédite, composé de quatre artistes talentueux faisant la promotion de la culture indianocéanique.»
Outre le talent de ces artistes, l’aspect humain était aussi un autre point primordial pour Percy Yip Tong. «J’ai choisi un groupe que j’aime humainement. Avec Bosco et le groupe Tarika Sammy, depuis 2011, nous avons donné plus de 60 concerts en Europe et je sais à quoi m’en tenir. C’est quelqu’un de toujours positif et radieux. Eliasse et son groupe Elisouma sont ceux avec lesquels j’ai le plus tourné à l’international, les emmenant même à Bornéo et en Ouzbékistan. Je travaille avec lui depuis 18 ans. Christine Salem, je la connais depuis 2001 quand je l’ai hébergée chez moi à Tamarin à ses débuts. Avec Sarasvati, j’avais créé le groupe Patyatann pour représenter Maurice culturellement aux Jeux olympiques de Londres et à notre retour Patyatann a été élu meilleur nouveau groupe de l’année. J’avais estimé que ces quatre artistes pouvaient s’entendre à merveille et ce fut le cas tout au cours de la résidence. C’est important si on veut que le groupe dure. Si après la résidence, il n’y avait pas eu d’entente entre eux, cela n’aurait pas valu la peine de continuer. J’ai déjà eu ce genre d’expérience dans le passé.»
Toutefois, si en théorie, le groupe a de réels potentiels, fallait-il encore pouvoir le mettre sur pied. Tous les quatre artistes ont leur carrière solo avec leur propre groupe, avec Christine Salem et Eliasse ayant des carrières internationales. Ce projet représentait bien des défis, tant au niveau logistique qu’aux niveaux financier, technique et artistique. Morekoma a pu voir le jour après avoir été sélectionné au programme Industries culturelles de la Commission de l’océan Indien (COI). Ce programme est financé par l’Agence française de développement (AFD). C’est ainsi que le quatuor a pu se retrouver pour la première fois en résidence dans le sud de Maurice.
Percy Yip Tong, qui tient cette fois la casquette de directeur artistique du groupe, explique que le concert du 23 mai à l’IFM n’était pas prévu : «La musique créée après six jours de résidence était si magnifique que j’ai décidé de monter spontanément un concert pour deux raisons. D’abord, pour montrer à la COI et à l’AFD qu’ils ont eu raison de subventionner mon projet. Mais surtout, vu que Morekoma est né à l’île Maurice, ce serait dommage de ne pas présenter un concert en avant-première dans le pays où le groupe a pris naissance. Même si le concert n’était qu’un work in progress, nous avons reçu une belle visibilité. La directrice du Séchoir et du Festival Tempo à La Réunion est venue nous voir et elle veut nous programmer. Après avoir vu des extraits du concert sur Facebook, l’Institut français de Norvège m’a contacté pour programmer Morekoma en mars 2026 pour la Journée de la Francophonie. La presse à La Réunion et à Madagascar a aussi parlé du groupe et du concert. C’est déjà un fait exceptionnel pour un groupe qui vient de naître.»
Avec son partenaire allemand, Alba Kultur, et le réseau de musique Klangkosmos avec lequel il travaille depuis une quinzaine d’années, Percy Yip Tong a pu programmer Morekoma pour une dizaine de dates en Allemagne, soit du 2 juin au 18 juin. La tournée s’intitule Kreolische Inselmusike (musique créole des îles). Le dernier concert aura lieu à Bonn pour fêter les 25 ans du réseau Klangkosmos et des 20 ans de l’UNESCO allemande pour la diversité culturelle.
Si tout semble aller pour ce groupe qui vient de voir le jour, la grande question reste : comment durer dans le temps ? «Il va falloir faire de sorte que les artistes qui vivent dans quatre pays différents puissent se réunir avant de tourner et même éventuellement sortir un album. Il va falloir trouver le financement nécessaire ou investir moi-même avec ma boîte Cyper Produktion. Je réfléchis encore. Mais cela dépendra aussi si le groupe veut continuer de travailler ensemble et avec moi après la tournée. Je garde espoir car il y a une belle entente entre eux. Cela va dépendre de leur disponibilité et il ne faut pas oublier le caractère unique de ce groupe qui peut attirer des contrats intéressants à travers le monde. Après plus de 30 ans de carrière dans la World Music, pour moi, ce groupe est un des meilleurs groupes que j’ai montés. Selon mon expérience de directeur artistique, Morekoma est déjà un groupe de niveau international, avec un quartet très talentueux jouant une musique unique au monde», conclut Percy Yip Tong.
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