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Parents célibataires abandonnés

Un combat juridique trop longtemps ignoré par la loi

2 juillet 2025, 15:00

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Un combat juridique trop longtemps ignoré par la loi

(Photo d’illustration)

De nombreux parents célibataires à Maurice se retrouvent piégés par un vide juridique lorsqu’ils élèvent seuls leurs enfants après que le père ou la mère a disparu sans laisser de trace ni assumer ses responsabilités. Au-delà des difficultés financières et sociales, ces parents doivent aussi faire face à un système légal inflexible qui continue de reconnaître des droits égaux à un parent totalement absent.

Chaque démarche administrative ou décision importante devient un véritable parcours du combattant : obtention de passeport, décisions médicales, choix scolaires ou simple autorisation de voyage. Dans tous ces cas, la signature des deux parents est exigée, même si l’un est injoignable depuis des années.

🟦 «J’ai dû supplier un homme que je méprisais»

Le cas de Marie, une mère de Curepipe, en est l’illustration poignante. Après avoir quitté son conjoint pour violences conjugales, elle s’est retrouvée seule à élever sa fille, sans aucun soutien du père biologique. «Il ne s’est jamais occupé d’elle. Quand j’ai eu l’opportunité de m’installer en France pour un nouveau départ, j’ai dû passer par la justice. Le magistrat m’a dit que son père reste son père, même s’il n’est pas présent. J’ai été forcée de supplier un homme que j’évitais depuis des années juste pour obtenir un passeport.»

Malgré l’absence de lien entre l’enfant et son père, cette mère a dû recommencer tout le processus des années plus tard lors du renouvellement du passeport de sa fille. «Il n’y avait toujours aucun contact entre eux. Mais j’ai de nouveau été confrontée aux mêmes blocages administratifs.»

🟦 Une réalité invisible mais répandue

À ce jour, il n’existe aucun statut légal pour reconnaître un parent seul de fait à la suite d’un abandon. Les démarches pour obtenir l’autorité parentale exclusive sont longues, coûteuses et épuisantes, même lorsqu’il est évident que l’autre parent est totalement désengagé. En l’absence de décision judiciaire, le parent présent doit continuellement se justifier, obtenir des autorisations et parfois, engager des procédures judiciaires… contre un fantôme.

Cette situation concerne des centaines de familles monoparentales à Maurice, souvent des femmes, mais aussi certains pères. Pourtant, aucune réforme d’envergure n’a été engagée, malgré les appels répétés d’avocats, de psychologues et d’associations de terrain.

🟦 Un appel aux autorités pour une réforme urgente

Face à cette injustice silencieuse, des citoyens appellent aujourd’hui à une réforme urgente du droit de la famille. Plusieurs propositions sont avancées : créer une procédure accélérée pour suspendre ou transférer l’autorité parentale en cas d’abandon avéré ; offrir l’assistance juridique gratuite pour ces démarches souvent complexes ; introduire un statut légal de parent unique par abandon, afin de simplifier les démarches ; et réformer les procédures administratives pour faciliter la vie des parents seuls.

Cet appel s’adresse notamment à la ministre de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille, ainsi qu’au Premier ministre, régulièrement présenté comme un chef d’État à l’écoute des préoccupations sociales. «Corriger cette injustice n’est pas seulement une affaire juridique. C’est une affaire de dignité, de respect et de bon sens. Il ne s’agit pas de punir les absents, mais de protéger ceux qui sont là, qui aiment et qui assument», confie une mère concernée. Tant que les lois ne reconnaîtront pas cette réalité, les parents présents continueront d’être pénalisés, et les enfants privés d’un fonctionnement familial apaisé.

🟦 L’autorité parentale : un droit vide de sens

Si le Code civil prévoit la déchéance de l’autorité parentale dans plusieurs cas – crime, maltraitance, ou abandon – en application des articles 373, notamment, dans la pratique, ces procédures restent impraticables pour les parents abandonnés, même lorsque l’autre parent a totalement disparu ou cesse ses obligations pendant des années.

Un cas emblématique, datant de 2014, montre une mère ayant obtenu gain de cause : la Cour suprême avait prononcé la déchéance de l’autorité parentale après que le père a quitté le pays et cessé tout contact. Mais ce genre de décision reste l’exception – le recours restant coûteux et long avec publication d’avis, assignation, et procédure judiciaire.

🟦 Des chiffres qui interpellant

Le recensement de 2024 fait état de 1 213 974 habitants à Maurice, dont près de 180 000 enfants de moins de 15 ans.

Le nombre de familles monoparentales est en hausse constante.

Entre 2020 et 2022, plus de 140 cas d’abandon parental ont été officiellement signalés auprès de la Child Development Unit – un chiffre largement sous-estimé.

Le ratio de dépendance enfantsparents actifs est de 431,7 %, illustrant la pression énorme sur les familles.

Les autorités sont de ce fait appelées à agir vite et avec courage pour ceux qui restent, qui élèvent, qui protègent et qui aiment. Et visiblement, la ministre de l’Égalité des genres n’y est pas insensible. Une réunion est prévue lundi avec Arianne Navarre-Marie à ce sujet.

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