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Théâtre municipal sans les électeurs

4 mai 2025, 13:08

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Aujourd’hui 400 887 électeurs ont été appelés aux urnes. Sur le papier, cela ressemble à un rendez-vous démocratique. Dans la réalité, c’est une formalité. Une obligation administrative qu’on a longtemps contournée, et qu’on réactive dix ans plus tard avec l’enthousiasme d’un bilan d’impôt. Mais les électeurs n'étaient pas au rendez-vous. A une trentaine de minutes de la fermeture des urnes, moins de 25 % sont allés voter...

Car ces municipales 2025, repoussées trois fois sous le régime MSM, n’ont rien d’un moment politique fort. Elles sont surtout un test de contrôle pour un gouvernement qui se retrouve, une fois n’est pas coutume, sans adversaire sérieux en face, mais face à luimême. Le MSM boycotte. Le PMSD s’est éclipsé. Et l’opposition extra-parlementaire tente, tant bien que mal, de sauver la face.

Alors pourquoi voter ? Pourquoi organiser une élection sans suspense, sans enjeu institutionnel réel, et avec des candidats dont on ignore parfois jusqu’au nom ? Parce que le pouvoir, lui, y voit une fenêtre. Une occasion de mesurer la température, de montrer qu’il respire encore. Même si l’euphorie de novembre 2024 est déjà loin. Même si le meeting du 1er mai a sonné creux.

Rien à perdre ? Si. De la légitimité. L’alliance Ramgoolam-Berenger, propulsée au sommet par un vote de rejet contre le Jugnauthisme autoritaire, doit maintenant prouver qu’elle est capable d’incarner autre chose que l’alternance mécanique. Que son pouvoir ne repose pas uniquement sur la lassitude des électeurs. Et pourtant, elle organise une élection municipale sans réforme préalable, sans refonte du cadre légal, sans repenser le rôle des villes.

On a promis de revoir le modèle municipal. On a juré que les villes auraient plus de pouvoirs, plus de moyens, plus d’autonomie. Dix ans plus tard, rien. Le pouvoir central reste maître à bord. Les conseils municipaux ne sont que des bras exécutants sans marge de manœuvre. Pas de budget propre. Pas de compétences claires. Pas d’indépendance. Des coquilles vides avec des fauteuils occupés.

On aurait dû réformer avant de voter. On a voté pour éviter de réformer.

Le paradoxe est là : on prétend démocratiser les villes sans leur donner les moyens de se gouverner. On demande aux électeurs de choisir des gestionnaires, alors qu’ils n’auront rien à gérer. On mobilise une population qui, depuis longtemps, a compris que tout se décide à Port-Louis, et que ses doléances locales sont souvent noyées dans les priorités nationales.

Résultat : l’abstention s’annonce massive. 70 %, peut-être plus. Une claque silencieuse. Pas un rejet, mais une indifférence. Le peuple n’a pas déserté la démocratie. C’est la démocratie locale qui l’a déserté.

Et dans ce vide, le pouvoir avance. Tranquillement. Cyniquement.

Il n’a pas besoin de convaincre. Il suffit que les autres s’effacent. Que les cités restent muettes. Que les affiches se décollent. Et que les chiffres de participation soient suffisamment faibles pour qu’on les oublie dès demain.

Car ce scrutin n’a qu’un objectif : valider l’ordre établi. Offrir au pouvoir central une nouvelle couche de vernis électoral, même terni. Faire croire que la machine fonctionne. Qu’on consulte. Qu’on écoute. Qu’on respecte le rythme des institutions.

Mais la vérité est plus rugueuse. Ce scrutin ne changera rien. Ni pour les villes. Ni pour leurs habitants. Il servira surtout à donner l’illusion d’un système vivant, alors qu’il s’essouffle, avec ses dynasties et ses dinosaures. À donner la parole, en apparence, pour mieux neutraliser l’expression.

On fait semblant de consulter le peuple, mais on le renvoie à l’urne pour mieux lui imposer le silence.

C’est ça, le grand théâtre des municipales 2025. Un décor républicain. Un scénario verrouillé.

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