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Élections municipales

Théâtre d’ombres en cinq actes

4 avril 2025, 04:50

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Pourquoi le gouvernement n’a pas grand-chose à perdre, même si l’électorat, lui, ne gagne rien ?

La scène est dressée. Le 4 mai prochain, environ 400 000 électeurs seront appelés aux urnes pour élire les 120 conseillers municipaux répartis dans les cinq villes du pays. Dix ans après les dernières municipales, repoussées trois fois sous l’ancien régime MSM, l’exercice ressemble moins à une célébration démocratique qu’à une formalité administrative tardive. Dans cette étrange atmosphère de suffrage sans suspense, une question s’impose : que cherche réellement le gouvernement 60-0 dans cette séquence électorale où son principal rival, le MSM, a décidé de ne pas participer ? Le PMSD ne sera pas sur la liste non plus.

Rien à perdre. Peut-être un peu à gagner ?

L’absence du MSM et du PMSD dans la bataille municipale vide l’événement de sa substance politique. Pour le gouvernement actuel, qui peine à tenir les promesses à cause de la situation économique, rappelée la semaine dernière encore par le bureau de l’Audit, cette élection s’avère une opportunité de plus d’asseoir sa suprématie territoriale, sans véritable adversité, hormis, peut-être, Roshi Bhadain s’il arrive à fédérer ce qui reste de l’opposition extra-parlementaire pré-novembre 2024.

Le seul enjeu sera celui du taux de participation, que l’on annonce déjà moribond — en dessous des 30 %, voire moins, tant le désintérêt est profond.

On l’aura compris : le gouvernement n’a pas besoin de remporter ces élections, il lui suffit que les autres les perdent. À commencer par les partis d’opposition fragmentés et marginalisés, souvent privés de relais municipaux depuis 2015, et désormais contraints de jouer un rôle de figurants dans un théâtre sans spectateurs.

C’est un paradoxe savoureux : le gouvernement a décidé de faire voter avant de réformer. Or, tout l’argumentaire officiel justifiant les reports successifs reposait sur la nécessité de repenser en profondeur le cadre légal, administratif et budgétaire des municipalités. Car celles-ci, il faut le rappeler, ne disposent aujourd’hui ni de marge financière réelle, ni d’autonomie stratégique. Elles sont devenues des appendices du pouvoir central, des coquilles vides maquillées en gouvernements locaux.

La logique aurait voulu que l’on réforme d’abord, pour ensuite élire des représentants dotés de missions claires et de moyens pour les accomplir. Mais à Maurice, la logique politique est souvent une affaire de calendrier électoral, pas de cohérence institutionnelle.

Qu’a-t-on fait depuis dix ans pour renforcer les pouvoirs des villes ? Rien. Ou si peu. Les conseils municipaux sont restés des lieux d’exécution de directives venues d’en haut, sans autonomie budgétaire, sans capacité d’innovation urbaine, sans vision à long terme. Les grandes problématiques des villes — transport, gestion des déchets, sécurité, logement, espaces publics — sont traitées à Port-Louis, et non à Curepipe ou Quatre-Bornes.

Il n’est donc pas étonnant que les citoyens urbains ne se sentent plus représentés par leurs élus locaux. Et que les électeurs désertent les urnes. Si vous votez pour rien, vous obtiendrez le néant…

L’enjeu réel, en creux, c’est celui d’un projet de décentralisation enfin crédible. Il faudra un jour – après ces élections, sans doute – repenser les fondations d’un pouvoir municipal digne de ce nom : un pouvoir doté d’un budget propre, de compétences transférées, d’une fiscalité urbaine juste, et d’un contrôle citoyen fort.

Mais pour l’instant, cette refonte est renvoyée aux calendes mauriciennes. Le gouvernement ne semble pas pressé. Et il n’en a pas besoin. Tant que la centralisation lui garantit le contrôle, pourquoi investir dans la démocratie de proximité ?

Ce scrutin ne changera rien. Ni les villes, ni leurs habitants. Il servira surtout à légitimer un statu quo, à donner une illusion de respiration démocratique entre deux grands rendez-vous nationaux. Il permettra aux gagnants de proclamer qu’ils ont été choisis par le peuple, même si ce peuple ne s’est pas déplacé. Et il laissera aux perdants le goût amer d’une joute organisée sans règles égales.

On fait semblant d’écouter le peuple, alors qu’on l’invite surtout à se taire dans l’isoloir. Serait-ce l’essence de ces municipales 2025 ?

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