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Mai 75
Témoignages d’une révolte estudiantine, 50 ans après
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Mai 75
Témoignages d’une révolte estudiantine, 50 ans après

Le 20 mai 1975, sept ans après son accession à l’Indépendance, Maurice a connu une révolte estudiantine majeure. Des milliers de collégiens et d’étudiants sont descendus dans la rue, affrontant matraques et gaz lacrymogène. Cette mobilisation a abouti à l’éducation gratuite et au droit de vote à 18 ans. Cinquante ans plus tard, les témoins de l’époque livrent souvenirs et réflexions.
Bernard Li Kwong Ken, freelance consultant in strategic management and business development as well as CSR projects : «Si seulement jeunesse savait et que vieillesse pouvait !!!»
«I was a student of Collège du St-Esprit – Lower 6, and on that day, I did not attend classes. I had heard on the radio about the different protests happening within different colleges and the rising tensions. I was then in Port Louis city centre and decided to catch the bus to go to Quatre-Bornes and hopefully meet my friends and fellow students.
I have to point out that I was not in school uniform for obvious reasons… and when my bus reached Cité Vallijee, the traffic had completely stopped and I got down from the bus to see what was happening. By the time I reached Canal Dayot, I could see that there was a big crowd by the GRNW bridge, consisting exclusively of students from different colleges of Port Louis, and they were being prevented from going any further by the Riot Unit, all dressed in full battle gear.
On approaching the said bridge, I could see that on the other side of the river, by the T-road junction leading to Pointe-aux-Sables and Coromandel, an even bigger crowd of students in uniforms of colleges of the Plaine-Wilhems had gathered, and they also were stopped by the Riot Unit in full battle gear… I quickly figured out that my friends were on the other side and nothing could stop me from joining them, so I decided to try my luck to cross the bridge.
I proceeded to the bridge and kindly asked permission from a policeman who looked like he was the most senior and in command – lying that I lived in Pointe-aux-Sables and was on my way home… It worked and he accompanied me to the police cordon and asked them to let me through!!! The fact that I was not dressed in any college uniform worked wonders!!!
Once on the other side, I looked for my friends, and by that time, it was already around 2.00 p.m., and everyone was starting to discuss what’s next as the protest march had been stopped and it had been hours since… and the school day was coming to an end.
When I crossed over the bridge, I did notice that there was a car that was caught in the middle of the crowd, approximately ten metres from the police cordon, and for some reason, the owner had left it there. Soon after, I saw the same car being pushed by the students towards the police cordon and suddenly, all hell broke loose… as the Riot Unit, under the unexpected threat of the oncoming car, started to charge with their batons, and pandemonium it was amongst the students, and not before long, I heard the sound of tear gas guns being fired on both sides of the bridge…
I too had to run away towards Coromandel and, on reaching Montée S. at the junction to Petite-Rivière, I saw some of the students crossing to the other side of the river by way of the old train track bridge… and I did the same. And from there, it was a long walk home to Port-Louis city centre, but those were the days when time was no time…
Si seulement jeunesse savait et que vieillesse pouvait !!!»
Flavia Doherty-Bigara, auteure et membre de Bazekri20 : «Je pleurais, j’étouffais, il fallait sortir de là»
«En Mai 75, j’ai décroché mon premier job. Il ne durerait que quelques semaines, mais j’étais tout excitée d’être interprète au bureau des visas d’Australie. L’Australie n’avait pas encore de Haute-Commission résidente à Maurice ; une délégation de trois personnes effectuait périodiquement le filtrage des Mauriciens ayant soumis une demande d’émigration.
La majorité des candidats étaient des artisans et presque toujours, la communication nécessitait l’intervention d’un interprète. Je n’ai jamais autant consulté le dictionnaire que pendant cette période. Les mots plombier, monteur n’étaient pas familiers. Le soir, je cherchais la traduction des noms de métiers pour les dossiers du lendemain ! Le bureau était situé à l’étage de la banque Baroda, dans la rue des Banques ou la rue des Affaires – sir W. Newton –, à proximité de la Banque de Maurice.
À l’heure du déjeuner, je découvrais Port-Louis, arpentant quelques rues en prenant bien soin de ne pas me perdre. Un jour, il y a eu comme un grondement qui se rapprochait et une galopade dans une rue latérale proche, Léoville l’Homme. Un groupe de jeunes fuyait. La police, en tenue de combat équipée de masques et de matraques, les poursuivait. Évidemment, j’ai eu envie de m’approcher pour bien voir et la police a lâché du gaz lacrymogène. Dans la rue, les gens couraient, s’abritaient dans les magasins.
Pour ma part, je pleurais, j’étouffais, il fallait sortir de là. Grosse panique pour la curieuse. Fuir en aveugle, c’était une horrible sensation. Dans l’ascenseur de l’immeuble, je me souviens que mes yeux coulaient toujours et j’avais du mal à respirer. Je n’ai pas eu envie de savoir pourquoi les étudiants étaient à Port Louis ce jour-là. Pour que la réaction de la police – la Riot Unit – soit aussi musclée pour les disperser, peut-être avaient-ils l’intention de manifester devant l’Hôtel du gouvernement.»
Luc Olivier, ancien dactylographe, correcteur, secrétaire général à la rédaction de «l’Express » : «Il est plus que temps aujourd’hui de revoir le système de fond en comble»
«Qu’allait nous apporter cette manifestation de collégiens et autres étudiants en colère soit l’expression de leur mécontentement par rapport à la disparité dans le traitement de leurs institutions respectives ? Ils ont réussi au final à amener le gouvernement au pouvoir chancelant à introduire dans son programme la gratuité du secteur éducatif. Cette mesure devait leur être concédée par le ministre titulaire du dossier, le Dr Régis Chaperon. Ce dernier s’était déplacé pour aller à la rencontre des nombreux garçons et filles manifestant, dont les cortèges, arrivant des Plaines-Wilhems et partant de Port-Louis respectivement, se rejoignirent au milieu du lit de la Grande-Rivière-Nord-Ouest, du fait que les forces de l’ordre leur avaient interdit de traverser le pont.
Cette mesure visait à mettre sur un pied d’égalité relatif les institutions huppées de l’État, d’autres sous contrôle privé, avec la majorité des établissements scolaires du pays – donc ceux disposant de moyens leur permettant de fournir à leurs élèves des équipements et plusieurs aménités indisponibles chez les autres, situés particulièrement en milieu rural.
Ainsi devait être battu en brèche, à travers une démarche d’une jeunesse enthousiasmante, l’élitisme prédominant de l’époque. La chance était de ce fait donnée à des familles moins fortunées d’inscrire leurs rejetons (particulièrement celles qui en avaient deux ou trois en même temps au niveau secondaire) sans avoir rien à débourser, leur permettant ainsi d’améliorer tant soit peu leur quotidien.
Comment et qui a coordonné cette manifestation ? D’où lui/ leur est venue l’idée ? Les réponses allaient être fournies dans les jours suivants et les noms des planificateurs cités. Certains parmi eux allaient connaître la notoriété plus tard, tandis que d’autres sont tombés dans l’anonymat.
En ce qui concerne le résultat de la gratuité de l’éducation, le sentiment général est mitigé. Il semblerait que tout n’ait pas été parfait. Il est plus que temps aujourd’hui de revoir le système de fond en comble et de repartir sur de nouvelles bases.»
Un retraité, qui avait 15 ans à l’époque : «C’était un moment fort»
«J’étais un élève en Form 3 dans un collège de la capitale. Ce jour-là, nous avons suivi les grands sans savoir pourquoi. Ti enn fun. Tous les collèges de Port-Louis se sont rejoints et partaient en direction de RoseHill où les autres collèges de Rose-Hill venaient à notre rencontre. Arrivés au pont de Grande-Rivière, la police nous a empêchés de passer pour éviter que les étudiants des deux villes se rencontrent. Un militant a commencé à hurler et à provoquer les policiers que l’on appelait les gard baton. Effectivement, ils ont utilisé leur bâton et du gaz. C’était un moment fort. Même si, étant jeune, je ne comprenais pas grand-chose, j’ai vu la solidarité entre tous les collèges ce jour-là.»
Alain Ah-Vee, manb lalit e lpt (sa lartik la baze anparti lor enn text ki finn pibliye lor web lalit) : «Li ti anmemtan enn kontestasyon kont enn sosyete inegal e represif»
«An 1975 mo ti etidyan Kolez New Eton, Rozil. Mo ti dan Form 4. Alepok kolez ti peyan. Bann paran ti bizin pey ant Rs 35 (pu Form 1) ziska Rs 50 (pu Form 6) kuma fiz kolez par mwa. Sa fiz mansyel la ti reprezant buku dan bidze bann fami travayer. Zelev ti amenn sa kas la sak mwa, peye ar zot prop lame. Ena buku paran ti pe gayn difikilte pey kolez. Dan plizir kolez ladireksyon ti exize ki tu fiz bizin peye anavans sak mwa oplitar le 10. Anfet buku etidyan pa ti kapav amenn zot kas ziska sa dat la, me ti reysi zis kan lafin dimwa koste. Alor etidyan kolez prive ti konsyan sa problem ekonomik la. Zot ti pe realize kimanyer zot paran pe peye pu zot ledikasyon e osi kimanyer zot pena mem fasilite ki kolez deta.
Anfet depi kumansman lane ’75 ti ena konfli ti pe kumans leve dan buku kolez inpe partu dan pei. Etidyan kolez diferan rezyon ti pe ankoler, ti pe proteste, ti pe mem fer sit-inn kont mank lantretyin infrastritir, mank lekipman dan laboratwar, mank profeser, ogmantasyon fiz mansyel. Mo rapel enn grup etidyan New Eton ti fer konplint ar ladministrasyon kolez depi Fevriye akoz zot lasal klas ti kule kan lapli tonbe. Me ti ena osi protestasyon kont konteni ledikasyon akoz kerikilem ki nye listwar Moris, akoz politik langaz ki reprim langaz Kreol, akoz enn form lorganizasyon lekolaz e size ki anseyne ki propaz sexism e ki anmemtan nuri divizyon kominal-relizye. An gro kapav dir ti deza ena enn klima kontestasyon parmi etidyan tu kolez, ki li prive uswa deta, kont lotorite akoz disparite onivo infrastriktir ant diferan kolez, me osi akoz kontenimem ledikasyon.
Depi plizir semenn avan le 20 Me nu ti tann dir pu ena lagrev dan kolez. Kuma nu ti pe gayn linformasyon? Dan mo klas nu ti ena enn grup kamarad ki ti pe swiv tu seki bann pli gran, dan Form 5-6 fer. Mwa, mo ti ena enn kuzin dan Form 6 dan mem kolez ki ti aktif dan buku aktivite sportif ek kiltirel onivo New Eton me osi ar etidyan lezot kolez. Li ti konn inpe plis lor seki pe koze ek devlope ant etidyan. Atraver li nu ti pe gayn linformasyon lor lamars.
Alor kumsa ki nu kone depi avan ki pu ena enn lamars le 20 Me ver Port Louis. Dan nu klas enn grup zelev nu ti fini deside ant nu ki nu pu zwenn sa lamars la. Sa zur le 20 Me 1975 gramatin dan lakur lekol ti ena grup-grup etidyan inpe partu. Lerla enn sertin moman tu etidyan prezan finn kumans rasanble akote lantre Kolez e kumans marse ver larut Royal. Kan ariv kot Plaza ti ena par santenn etidyan lezot kolez Rozil, depi Queen Elisabeth, Eden, Patten finn zwenn lamars. Lari ti ranpli ar plizir milye etidyan diferan kolez, garson-tifi, depi Form 1 ziska Form 5 pe marse e manifeste. Kan ariv Coignet mwa ek enn kamarad klas, nu ti aret kot enn latelye kordonye pu gard nu sak lekol laba. Kumsa nu lame ti lib, nu ti krwar, si zame lapolis rod malmenn nu. Mem nu ti dan Form 4, nu ti fini prevwar sa posibilite la. Li ti fasil sa lepok la pu dimunn ede, pu gayn sutyin. Travayer, kuma kot sa latelye kordonye, anzeneral ti sutenir revandikasyon etidyan.
Dan lamars ti ena enn latmosfer ranpli ar determinasyon. Ti ena buku lantuzyast, e nu ti santi enn espes solidarite kuma zame nu’nn viv. Parmi bann revandikasyon lamas etidyan ti ena: dekoloniz sistem ledikasyon, ki pena disparite ant kolez, itiliz langaz Kreol dan lekol, pu plis egalite ek liberte dan ledikasyon. Amezir sa lamare zenn ti pe diriz ver Port Louis laful ti pe grandi avek etidyan lezot rezyon. Mo ti zwenn etidyan kolez depi Lesid, ena depi Mahebourg. Buku profeser ti solider ek ena ti zwenn dan lamars.
Kan ariv pon Gran Rivyer, enn kantite Riot ti forme laba. Zot ti kareman blok lamars, reprim etidyan kut gaz, kut matrak. Laful ti disperse anba pon, lor kolinn Latour Koenig. Plizir etidyan ti arete. E landime, swit a sa represyon lavey kot Pon GRNW, telman ti ena enn gran lakoler ki ti ena manifestasyon ek barikad dan Rozil ki mo finn temwayne. Sa mem zur la RIOT ti rant dan kolez New Eton, matrak zelev dan klas e dan lasal laboratwar. Alor, li ti enn konfrontasyon byin dir. Li ti anmemtan enn kontestasyon kont enn sosyete inegal e represif. E sa gran mobilizasyon ek kontestasyon kolektif etidyan la finn kit so tras e amenn bann aki kuma drwa devot apartir laz 18 an, kuma ledikasyon gratis. Me osi finn ena dan lelan muvman Me 75 kreasyon plizir grup kuma LALIT, LPT, MLF ki zordi 50 an apre, pe kontiyn gard vivan lespri muvman Me 75 e amenn lalit kont tu kalite represyon Leta, lalit pu aret reprim langaz Kreol, pu dekoloniz sistem ledikasyon, pu ferm baz Diego, pu aret zenosid lepep Palestinn, kont inegalite e pu plis liberte.»
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