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Portrait

Subron, la RéA-lité du pouvoir ou chronique d’un revirement

25 mai 2025, 10:00

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Subron, la RéA-lité du pouvoir ou chronique d’un revirement

Ashok Subron.

Il ne porte pas de cravate, certes. Mais il porte désormais le fardeau de l’ambiguïté. Ashok Subron, jadis héraut des sans-grade, chantre de la démocratie participative, s’est glissé avec une aisance troublante dans le costume – taillé sur mesure – du ministre de la République. L’enfant de Montagne-Ory, élevé dans la chaleur solidaire de deux femmes modestes, a désormais troqué le banc des grévistes pour la banquette en cuir d’une berline climatisée, chauffeur et garde du corps compris. La révolution a ses raisons, que la clim ignore.

On se souvient encore du verbe haut, de la voix rauque des mégaphones, de ce militant à la crinière frondeuse qui, au cœur des années 2010, faisait trembler les directions d’usine et les conseils d’administration. Aujourd’hui, il fait surtout trembler ses propres alliés, empêtré jusqu’au cou dans le premier scandale de l’Alliance du Changement : celui de la National Empowerment Foundation, où des recrutements douteux éclaboussent la noble façade de la solidarité sociale. Lui qui dénonçait jadis les clientélismes rampants s’est retrouvé à défendre – ou plutôt à ne plus commenter – ce que ses camarades d’hier appellent désormais une «trahison de classe».

Subron avait promis monts et merveilles. Un «panel de sages» pour refonder la Constitution. Un coup d’envoi dans les six mois après les élections du 10 novembre. Une nouvelle République débarrassée de ses vieux oripeaux ethniques. Résultat ? Six mois plus tard, pas même un brouillon, pas même un nom. À la place, un silence de cathédrale. Ou plutôt, un silence de conseil des ministres. Où, dit-on, Subron s’est vu rappeler que ses initiatives personnelles embarrassaient le gouvernement.

Car voilà l’ironie : celui qui dénonçait le pouvoir des élites s’en est fait un serviteur zélé. Il voyage en classe affaires, serre la main des ambassadeurs, et détourne pudiquement le regard lorsque 1 700 employés des collectivités locales sont remerciés sans préavis. Jack Bizlall gronde, les syndicats s’étranglent, mais lui, Subron, observe le monde depuis le pont des ministères.

Son passé n’est pourtant pas un détail. De Lalit à ReA, de la grève des travailleurs du sucre à la lutte contre le recensement ethnique, Subron fut de presque toutes les batailles. Il y avait chez lui une sincérité. Une rage poétique. Une manière de dire «non» sans cligner des yeux. Que reste-t-il aujourd’hui ? Un ministre fatigué qui signe des lettres de recrutement mal inspirées, un ex-militant qui n’a pas su résister aux mirages du pouvoir.

Le sexagénaire Ashok Subron voulait léguer sa maison à son parti, ReA. Il aurait mieux fait de commencer par ne pas hypothéquer sa parole. Car les maisons, fussent-elles de pierre ou d’idéal, ne tiennent pas longtemps sans fondations morales. Et le peuple, lui, n’oublie jamais ceux qui ont vendu leurs guitares pour des portefeuilles ministériels. Dylan chantait : “How many times can a man turn his head, and pretend that he just doesn’t see?”

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