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Starmer et Trump face aux fractures géopolitiques
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Starmer et Trump face aux fractures géopolitiques

À l’heure où les diplomates américains et russes se rencontrent à Riyad, loin des chancelleries européennes et des représentants ukrainiens, la scène internationale retrouve des allures de Guerre froide. Comme un théâtre où les rôles se redistribuent, les États-Unis et la Russie se parlent, négocient, sans convier ceux qui, pourtant, subissent directement les secousses de cette recomposition géopolitique. C’est dans cette atmosphère lourde de fractures et de silences que se tiendra, la semaine prochaine, la première rencontre entre le Premier ministre britannique, Sir Keir Starmer, et le président américain, Donald Trump.
Washington, DC, demeure le centre de gravité de discussions qui redessinent le monde. Paris, Berlin, Varsovie regardent, perplexes, ces pourparlers où leur présence n’est même plus jugée nécessaire. Moscou et Washington jouent une partie où l’Europe n’est plus qu’un pion secondaire, reléguée aux marges du pouvoir décisionnel. En témoigne le récent sommet informel organisé par Emmanuel Macron à l’Élysée : une réunion d’urgence pour tenter de sauver la face et affirmer un semblant d’unité européenne sur la question ukrainienne. Mais là encore, les dissensions sont apparues au grand jour. L’Allemagne, l’Espagne et l’Italie hésitent à engager des forces sur le terrain, tandis que Londres et Paris affichent leur volonté de s’impliquer davantage.
Sir Keir Starmer se rend donc à Washington avec une double mission. D’abord, affirmer que le Royaume-Uni reste un allié fiable et indispensable à la stabilité européenne, alors même que Donald Trump, en parfait stratège de la rupture, remet en question l’engagement américain dans l’OTAN et presse les Européens de prendre en charge leur propre sécurité.
Ensuite, et c’est là un enjeu plus discret mais non moins crucial, défendre l’accord controversé entre Londres et Port-Louis sur la rétrocession de la souveraineté des Chagos à Maurice. Sur ce dernier point, la marge de manœuvre du Premier ministre britannique est étroite. Le loyer et la souveraineté autour de la base de Diego Garcia, pilier stratégique américain dans l’océan Indien, sont au cœur de cette négociation. Trump et ses conseillers ne voient pas d’un bon œil cet accord qui, bien que présenté comme une réparation historique, remet en question un dispositif militaire clé pour les États-Unis. Les conservateurs britanniques, eux, crient au scandale, alimentant la controverse en pointant du doigt l’affaire de valises entourant l’architecte de cet accord, l’ancien Premier ministre mauricien Pravind Jugnauth.
Starmer tentera donc de rassurer son interlocuteur, de plaider pour un transfert ordonné de la souveraineté tout en préservant les intérêts militaires américains. Mais face à un Donald Trump imprévisible, qui n’hésite pas à user de la menace des tarifs douaniers comme d’une arme diplomatique, rien n’est gagné d’avance.
Au-delà des Chagos, c’est bien l’isolement progressif de l’Europe dans les grandes discussions stratégiques qui se joue à Washington, DC. Les Européens, marginalisés des négociations de paix en Ukraine entre Washington et Moscou, sont désormais dans une posture défensive. L’image d’un continent qui maîtrise son destin s’effrite face à la nouvelle donne géopolitique.
La rencontre entre Starmer et Trump ne sera pas un simple échange de courtoisie. Elle s’inscrit dans cette recomposition mondiale où les rapports de force s’établissent sans que l’Europe n’ait véritablement son mot à dire. Après des décennies de partenariat transatlantique équilibré, l’axe Washington-Moscou reprend son ascendant, reléguant l’Europe au rang de spectateur impuissant.
Sir Keir Starmer, dans ce face-à-face avec Donald Trump, tentera de convaincre que le Royaume-Uni peut encore jouer un rôle de pont entre l’Amérique et l’Europe. Mais la réalité est flagrante : le monde se reconfigure, et les Européens ne sont plus au centre du jeu. L’époque où les décisions stratégiques se prenaient à Bruxelles ou à Paris semble déjà appartenir à un autre temps.
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