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Strategy report 2025-2030

Services financiers : les cinq piliers d’une tactique nationale

16 juillet 2025, 17:00

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Services financiers : les cinq piliers d’une tactique nationale

La ministre des Services financiers et de la Planification économique, Jyoti Jeetun, a présenté les principaux points du « Strategy Report for the Financial Services Sector (2025–2030) » le 10 juillet 2025, à Ebène.

D’emblée, la ministre précise qu’il ne s’agit pas d’une conférence de presse, mais d’une rencontre placée sous le signe de l’échange et du dialogue : «La presse est un pilier vraiment important. Nous voulons partager ce que nous avons fait à ce jour, notre vision et comment nous voyons l’avenir.» Elle précise que, depuis l’atelier consultatif du 10 mars 2025, l’idée est de maintenir un engagement soutenu avec les parties prenantes, aussi bien en tête-à-tête qu’en grand groupe. Le secteur des services financiers est présenté comme le premier pilier de l’économie mauricienne – un secteur résilient et porteur d’espoir pour la relance économique du pays.

La planification sera appelée à jouer un rôle central dans le développement économique. La ministre présente les quatre départements clés relevant de son ministère : la Financial Services Commission, le cadre de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML/CFT Compliance), l’Office of Public Sector Governance (en charge des audits internes), et l’Economic Planning. En ce qui concerne la réputation de Maurice, la ministre poursuit en expliquant que le branding doit se faire d’année en année : «C’est un travail systématique.» Si le budget marketing est détenu par l’Economic Development Board (EDB), la ministre précise que c’est son ministère qui pilote la stratégie – ce qui n’était pas le cas auparavant.

La première partie du rapport dresse un état des lieux du secteur. Il s’agit d’un domaine générateur d’emplois de haute qualité, nécessitant des compétences pointues. À lui seul, ce secteur représente 34 % des recettes du PAYE et contribue à hauteur de 8,2 % au PIB à travers les Global Business Licences (GBL). En matière fiscale, c’est un secteur à forte contribution – un véritable moteur pour l’avenir économique du pays. Si la stratégie est au centre de la planification économique, la ministre insiste : «Une stratégie ne vaut rien si on n’arrive pas à l’exécuter comme il faut.»

État des lieux

L’état des lieux a permis de mettre en évidence plusieurs défis majeurs auxquels le secteur est confronté. Ainsi, il s’agit d’abord d’améliorer la facilité de faire des affaires – certains déplorent que la FSC tarde trop. Aujourd’hui, le système de conformité est jugé particulièrement lourd : les exigences émanant de la FSC, des banques ou encore des notaires entraînent une multiplication de procédures, avec de nombreux KYC dupliqués – ce qui engendre une perte de temps considérable pour les opérateurs.

Le secteur peine également à diversifier et moderniser son offre, avec une présence encore limitée dans la Wealth Management. La visibilité du Mauritius International Financial Centre doit également être renforcée par une stratégie de promotion et de branding plus soutenue. À cela s’ajoute la nécessité de diversifier les marchés cibles et de remédier à une pénurie persistante de compétences. Il est également essentiel de diversifier les marchés cibles. Enfin, il devient urgent d’agir face à la pénurie persistante de compétences qui freine le développement du secteur.

«Le marché indien reste une priorité»

Le secteur financier mauricien, bien que résilient, se trouve aujourd’hui à un carrefour stratégique. Maurice a perdu sa place de leader en investissements directs étrangers (IDE) en Inde, étant désormais au troisième rang. «Pourtant, le marché indien reste une priorité », précise la ministre. Le gouvernement travaille en étroite collaboration avec les autorités indiennes afin d’explorer de nouvelles opportunités d’expansion sur ce marché-clé.

«Nous faisons partie de l’Afrique»

L’Afrique, quant à elle, émerge comme un espace de développement incontournable. «Nous faisons partie de l’Afrique», rappelle la ministre, soulignant la nécessité d’élaborer et de mettre en œuvre une véritable Africa Strategy, qui devra être au cœur des futures actions du ministère. Dans ce paysage en mutation, la planification économique refait surface comme un levier essentiel. «L’exercice de planification à long terme avait disparu», explique-t-elle. Des projets, comme IRS, RES ou PDS, ont vu le jour sans s’ancrer dans une vision d’urbanisme à l’échelle nationale. D’où l’urgence d’un master plan cohérent, accompagné d’un effort pédagogique pour en expliquer les objectifs et l’importance à la population.

Une Vision 2050 est en préparation, avec des KPI clairs. «Elle posera la question fondamentale : Où voulons-nous être et comment y parvenir ? Cette démarche inclura un plan d’implémentation et un dispositif rigoureux de suivi», précise la ministre. Le processus sera participatif, associant les ministères, les parties prenantes clés, la société civile, le monde académique, et les citoyens – du bas vers le haut.

Un 10-Year Development Framework est également en chantier, abordant des axes comme la formation, le système éducatif ou les infrastructures. «Le défi est immense : la population active est en baisse – comment construire l’île Maurice de demain si l’on manque déjà de bras aujourd’hui ?», s’interroge Jyoti Jeetun. Dans ce contexte, l’enjeu est aussi de mieux faire : diversifier les produits financiers, enrichir l’offre, tout en testant la réceptivité du public.* «Il faudra voir si, culturellement, les Mauriciens sont prêts pour ces évolutions»*, note la ministre, soulignant qu’une réforme structurelle ne saurait se faire sans l’adhésion du plus grand nombre. En guise de conclusion, Jyoti Jeetun résume la contribution du secteur financier : «Grâce au secteur financier, il y a eu une véritable démocratisation de l’économie.»


Questions à… Jyoti Jeetun, ministre des Services financiers et de la Planification économique

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«On doit s’assurer que notre écosystème soit plus compétent, plus compétitif, plus attractif…»

Quelles réformes institutionnelles ou législatives garantiront que le «Strategy Report» ne connaîtra pas le même sort que les précédents ?

Je n’ai jamais trop aimé être surnommée la «Dame de fer», jusqu’au jour où quelqu’un m’a fait remarquer que cela sonnait aussi comme « Dame de faire ». Je suis une femme d’action. C’est dans mes KPI : concrétiser cette ambition. Si je suis là, c’est pour travailler, pour réaliser quelque chose de tangible pour mon pays, avec une équipe extrêmement engagée et travailleuse. Le working group aura trois mois pour élaborer des propositions concrètes. Chacune d’elle sera évaluée en fonction de son coût, des éventuels amendements législatifs nécessaires – à l’image du projet e-KYC – et de son impact mesurable. Nous avons quantifié nos ambitions : ce que nous visons en termes de contribution au PIB, en roupies et en dollars, est clair. Des KPI ont été fixés et un suivi rigoureux est prévu pour s’assurer qu’ils sont atteints, étape par étape. Nous avons passé plusieurs journées de travail avec l’équipe pour fixer cette feuille de route. Notre engagement est clair : il s’agit d’un pilotage déterminé, avec des objectifs précis à atteindre année après année. Il faut pouvoir faire plus avec moins. Mais là où il faut investir, nous investirons.

**En quoi cette stratégie marque-t-elle un tournant, en s’éloignant de la perception de Maurice comme juridiction fiscale de convenance, pour s’orienter vers une croissance axée sur la conformité et la création de valeur **

L’Inde est un bel exemple. Nous avons perdu l’avantage, mais le travail que nous menons avec le gouvernement indien ne repose plus uniquement sur la fiscalité. L’objectif est plus large : il s’agit d’élargir le gâteau, de créer davantage de valeur. C’est le même état d’esprit pour l’Afrique : bâtir des partenariats durables, sans que l’élément fiscal en soit le pilier principal.

Comment le ministère s’assure-t-il de l’alignement interministériel avec les Finances, la FSC et la Banque centrale pour concrétiser les avancées en fintech, intelligence artificielle et flux financiers transfrontaliers ?

La stratégie fintech est en cours de finalisation avec la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique : une première ébauche, incluant des commentaires. On ne peut pas travailler en silo ; on doit travailler de manière collaborative. Dans les différents forums, nous nous assurons que tous les acteurs concernés sont présents, y compris le ministère des Affaires étrangères. C’est un travail à la fois interdépartemental et interministériel.

** Comment la stratégie intègre-t-elle les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) au-delà du simple discours de communication – prévoit-elle, par exemple, des incitations fiscales, des cadres pour les obligations vertes ou des normes de transparence carbone ?**

Nous venons également de finaliser les ESG Guidelines for Fund Management. Un travail déjà bien avancé, qui doit maintenant être vulgarisé.

** Quelles réformes sont prévues dans l’éducation et la formation pour garantir un flux régulier de professionnels qualifiés, notamment en conformité, en sciences actuarielles et en fintech ? C’est tout le travail que nous allons mener au sein des différents working groups : comprendre les besoins de cette vision en termes de talents et de compétences, concevoir les formations adéquates et surtout veiller à atteindre les objectifs fixés. Cela passe par la formation, le développement des compétences et le retour de la diaspora pour renforcer le secteur financier et lui permettre de contribuer pleinement à l’économie.

Cette stratégie sera-t-elle suivie de KPI mesurables, communiqués au Parlement ou à la société civile ?

Si oui, à quelle fréquence et par quel mécanisme ? Cela se fera dans un premier temps au niveau du ministère des Services financiers et de la Planification économique : une équipe de suivi sera mise en place. La vision est clairement définie ainsi que les moyens pour y parvenir, avec la flexibilité nécessaire pour ajuster les actions en cas de besoin.

Quelles sont les mesures concrètes prévues pour faire de Maurice un pôle crédible pour l’investissement en Afrique et comment la stratégie entend-elle rivaliser avec Kigali, Nairobi ou Casablanca ?

Il y a de la place pour tout le monde. Mais nous, on doit s’assurer que notre écosystème – y compris l’offshore – soit plus compétent, plus compétitif, plus attractif… L’objectif, c’est d’essayer d’être les meilleurs.

Étant donné le calendrier électoral, quelles garanties existent pour que cette stratégie 2025–2030 survive à un éventuel changement de gouvernement ou un remaniement ministériel ?

J’espère, en tout cas, que si c’est une bonne stratégie et qu’elle marche bien, il n’y aura pas de raison de la changer. Le risque d’un changement de gouvernement ou de ministre existe, certes, mais regardez Singapour : ils ont eu le même parti au pouvoir pendant six décennies. Quand une vision est claire et qu’elle donne des résultats, la continuité est possible. Et puis, ce sont aussi les attentes de l’industrie – elle demande de la stabilité, de la cohérence, au-delà des cycles politiques.

Comment le ministère peut-il rétablir la confiance du public dans l’intégrité des décisions financières et quelles mesures de protection sont désormais en place pour éviter des prêts à des personnes politiquement connectées ?

La diplomatie économique est très importante. Par ailleurs, la crédibilité est au cœur même de ce secteur. Il faut savoir qu’au niveau du ministère, à travers l’Office of Public Sector Governance, nous travaillons sur le Code of Corporate Governance for the Public Sector. Il s’agit de mettre en place les meilleures pratiques pour le secteur public. L’objectif est clair : finaliser et mettre cela en œuvre au cours de l’année financière. C’est inscrit dans nos KPI.

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