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Éclairage

Serrer la vis face à la réalité des chiffres

4 décembre 2024, 06:55

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Serrer la vis face à la réalité des chiffres

Même s’il ne le dit pas, il est plus que probable que le nouveau gouvernement n’aura d’autre choix que de serrer la vis aux dépenses publiques. Entre les promesses électorales et la réalité des chiffres qui se découvrent, il y a nécessairement une vérité qui saute aux yeux et à laquelle le tandem Ramgoolam/Bérenger doit impuissamment se plier malgré lui. C’est que le poêlon économique est visiblement chaud, très chaud même avec des caisses de l’État qu’on dit vidées.

Faut-il s’en étonner outre mesure ? Non, expliquent les spécialistes de la finance, qui ont plus d’une fois attiré l’attention sur la gestion économique pendant cinq ans du gouvernement sortant, qu’ils ont qualifiée de calamiteuse, basée sur un modèle tourné vers la consommation, elle-même tributaire d’importations massives, financées par une roupie fortement dépréciée depuis 2020.

Ajouté à cela, le nouveau Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam, découvre l’ampleur du désastre économique et parle ces derniers jours de dilapidation de l’économie et de statistiques manipulées et faussées publiées par une agence de statistiques largement discréditée. Ce, sur la base des premières indications de l’enquête entreprise sur le bilan économique post-Padayachy.

Le nouveau Chief Economist, Gilbert Gnany, qui s’est vu confier, entre autres, cette délicate tâche, se livre depuis plus d’une semaine, à la tête d’une équipe d’experts, à un véritable travail de fourmi, un exercice d’audit serré au ministère des Finances, pour établir si toutes les procédures ont été suivies rigoureusement dans l’allocation de fonds. Mais aussi s’il n’y a pas eu de maquillage des chiffres dans l’élaboration des projets ou encore l’ampleur des trous, s’il y en a, dans les finances publiques. Sans occulter le modus operandi et autres colourable devices auxquels l’ancienne équipe au Trésor public aurait pu avoir recours pour laisser, comme on peut déjà le prévoir, un héritage économique lourd.

État des finances publiques

Pour le moment, on s’attend que le rapport sur l’état de l’économie soit complété pour que les principales mesures électoralistes, annoncées par l’Alliance du changement durant la campagne électorale, soient concrétisées, même si les principaux dirigeants estiment qu’il existe de grandes attentes de la population.

D’ores et déjà, il y a la baisse des prix de l’essence et du diesel, une mesure phare du manifeste électoral pour faire face à la cherté de la vie. Tout laisse croire que le ministre du Commerce, Michaël Sik Yuen, serait allé trop vite en besogne en indiquant une baisse de prix samedi dernier, sans savoir au préalable que ces décisions sont liées au résultat du bilan économique en phase de finalisation.

C’est le cas également du paiement du 14e mois, proposé comme une promesse électorale par Navin Ramgoolam face à une annonce semblable de l’Alliance Lepep. Confronté aux squelettes dans les placards et aux dégâts économiques laissés par le tandem Jugnauth/ Padayachy, le nouveau gouvernement pourrait revoir sa copie sur cette mesure et limiter le 14e mois à ceux touchant moins de Rs 50 000 et le reste, selon un barème gradué jusqu’à une certaine limite, alors que les très gros salaires devraient en être exclus. Si cette formule est retenue, au moins 105 000 salariés seront sur la ligne de départ pour bénéficier de ce mois de salaire additionnel.

Actuellement, un comité regroupant des officiels du ministère des Finances, du Travail et du bureau de l’Attorney General planche sur cette problématique pour trouver une solution susceptible de satisfaire toutes les parties concernées, conscient qu’il faut analyser tous les paramètres pour ne pas fragiliser la trésorerie des entreprises. Dont celles des PME, qui rechercheront certainement l’aide financière de l’État alors que les self-employed, croit-on savoir, ne pourront pas y aspirer, vu la nature de leurs opérations.

Reste toutefois la date du paiement car il faudra en amont préparer un texte de loi, dans lequel Gavin Glover s’investit actuellement pour le présenter et l’adopter en urgence au Parlement, avoir l’assentiment du président de la République et le faire gazetted. Plusieurs étapes qui, selon certains observateurs, pourraient voir ce 14e mois devenir une réalité en janvier prochain.

Mais il y a aussi l’autre mesure-phare, l’abolition de la TVA sur certains produits de consommation courante, et sur laquelle Navin Ramgoolam avait fait campagne pour redonner le pouvoir d’achat aux économiquement faibles de la société. On ne sait pas si cet engagement électoral est à l’ordre du jour ce mois-ci ou sera repoussé à l’année prochaine, sachant qu’une telle décision constituera un manque à gagner dans la caisse de la MRA à un moment où il faut faire le plein du Consolidated Fund.

On peut raisonnablement se demander comment le ministre des Finances sortant comptait financer toutes ces mesures populistes, estimées à Rs 75 milliards, si son alliance avait remporté les dernières élections. La question lui avait été posée lors de sa dernière conférence et sa réponse, qui aura choqué plus d’un, était que le pays connaît déjà les effets d’un boom économique. Avec notamment une croissance soutenue de 6 % à 6,5 % pour les cinq prochaines années et un PIB de Rs 800 milliards en 2025. Or, les experts financiers, tout comme les observateurs économiques, ne voient aucun signe de boom économique à l’horizon, même avec des jumelles…

Risque d’un «downgrading»

Cependant, dans l’attente du paiement de ce 14e mois et d’autres mesures électoralement symboliques, qui restent largement tributaires de la conjoncture économique actuelle, il y a aussi tout le débat sur la publication ou non du rapport sur The State of the Economy au Parlement. Vu la situation catastrophique des finances de l’État doublée des statistiques manipulées des rapports de Statistics Mauritius, certains, dans l’entourage du bureau du PM, estiment que la décision de rendre ce rapport public à tous les stakeholders risquerait le downgrading de la notation du pays, passant d’une note «stable» de Moody’s, obtenue en août 2023, à une «négative», avec toutes les conséquences économiques pour les investisseurs et pour l’image de Maurice auprès des agences de financement.

Du coup, il faut s’attendre à ce que toute cette masse d’informations sur la gestion économique sous l’ère de Renganaden Padayachy ne soit pas rendue publique sous forme d’un rapport officiel mais soumise à la consommation de la population par bribes, pour bien situer la responsabilité économique de l’ex-ministre des Finances et de son gouvernement. En attendant, il faut déjà réfléchir à la reconstruction. La tâche sera visiblement herculéenne…

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