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Patients dialysés décédés

«Se mo kadav ki pou retourne» : Derniers mots glaçants de Dharmanand Beesoo

15 juin 2025, 11:00

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«Se mo kadav ki pou retourne» : Derniers mots glaçants de Dharmanand Beesoo

■ C’est Vimi Beesoo (au centre) qui a raconté le calvaire de son époux, Dharmanand Beesoo décédé, le 7 avril 2021 dans l’hôtel «Tamassa».

Des mots d’une rare intensité. «Se mo kadav ki pou retourne», aurait lancé Dharmanand Beesoo à ses proches alors qu’il se trouvait en quarantaine à l’hôtel Tamassa. Il n’en est jamais revenu vivant. Ce dialysé fait partie des 12 patients décédés en avril 2021 dans des conditions controversées. Son épouse Vimi et son fils Shyland ont livré un témoignage poignant vendredi devant la magistrate Shavina Jugnauth, à la cour de Curepipe, dans le cadre de l’enquête judiciaire. Interrogés par Mᵉ Jean-Michel Ah Sen, représentant le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), mère et fils ont décrit le calvaire de Dharmanand Beesoo, décédé le 7 avril 2021.

Diabétique, hypertendu et souffrant d’insuffisance rénale depuis 2019, il avait commencé la dialyse en juillet 2020 à Rose-Belle, avant d’être transféré à l’hôpital de Souillac. Vimi Beesoo raconte qu’il venait tout juste de subir une opération de la cataracte lorsque les autorités sanitaires ont décidé de l’envoyer en quarantaine. «Mon mari n’était pas autonome. On devait préparer sa nourriture, l’aider à prendre ses médicaments, à mettre ses gouttes. J’ai expliqué cela aux responsables au téléphone, et j’ai demandé qu’il soit isolé à la maison. On m’a répondu que le protocole ne le permettait pas, même s’il n’était pas positif au Covid.»

Le jour du départ, un van est venu le chercher, transportant d’autres personnes – certaines sans masque. «C’est la dernière fois que nous l’avons vu.» Une fois à Tamassa, son état s’est rapidement détérioré. Il ne recevait pas ses médicaments, ni ses gouttes oculaires, et les repas servis – souvent du riz – n’étaient pas adaptés à son régime. Ses séances de dialyse ont été réduites d’une durée normale de quatre heures à seulement une. «Il ne mangeait presque rien», dit-elle. «Et la veille de sa mort, il m’a dit qu’il sentait qu’il allait mourir.»

Son fils Shyland, employé dans l’aviation, a dû quitter l’île le 6 avril, mais il restait en contact quotidien avec son père. «Il me disait que les repas étaient posés à même le sol devant sa porte. Parfois, il ne savait même pas qu’ils étaient là. Il a demandé du wifi pour nous contacter, on a refusé. Il a demandé de l’aide pour ses gouttes, on lui a répété qu’il fallait respecter la distanciation.» Toujours selon son fils, son père n’a pratiquement rien mangé du 26 mars au 7 avril. «Une fois, ils lui ont donné du pain et de la confiture, comme pour lui dire qu’il devait accepter ce qu’on lui donnait.»

Malgré trois tests Covid négatifs, aucune autopsie n’a été pratiquée. «On ne sait toujours pas de quoi il est mort. Ce n’est pas du Covid. On a demandé une autopsie, on nous l’a refusée. Pire encore, on n’a même pas pu organiser ses funérailles. Il a été incinéré comme un cas Covid, dans une boîte scellée, à Bigara. On nous a simplement dit qu’il était mort d’un arrêt cardiaque.» La famille Beesoo réclame aujourd’hui des réponses et que lumière soit faite sur ce drame. L’enquête judiciaire se poursuit, avec une prochaine audience prévue ce lundi.

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