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Deuxième arrestation de l’ancien ministre des finances

Renganaden Padayachy entre Menlo Park et l’ombre de l’Apavou Deal

17 avril 2025, 04:00

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Renganaden Padayachy entre Menlo Park et l’ombre de l’Apavou Deal

Port-louis, 16 avril 2025. L’onde de choc était attendue, mais le timing confère à cette affaire une intensité particulière. Moins d’une semaine après sa comparution houleuse devant la Financial Crimes Commission (FCC) dans le cadre du scandale des Rs 300 millions liés à l’Apavou Deal – un dossier explosif mettant en cause la Mauritius Investment Corporation (MIC) – l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy, se retrouve une nouvelle fois dans la tourmente judiciaire.

Cette fois, c’est l’Anti-Money Laundering Unit (AML) de la CCID qui a procédé à son arrestation, dans le cadre de l’affaire Menlo Park, une autre saga financière aux ramifications complexes.

Présenté le jour même devant la cour de district de Port-Louis, Renganaden Padayachy a été provisoirement inculpé de conspiracy to commit a wrongful act – un complot visant à commettre un acte frauduleux. Bien que la police ne se soit pas opposée à sa remise en liberté sous caution, plusieurs conditions strictes lui ont été imposées : le versement de deux cautions de Rs 250 000 chacune, par chèque ; une reconnaissance de dette de Rs 5 millions ; l’obligation de résider à adresse fixe ; l’interdiction formelle d’entrer en contact avec les témoins, que ce soit en personne ou via les réseaux sociaux ; une obligation de pointage quotidien au poste de police le plus proche, entre 6 heures et 20 heures ; et la nécessité de rester joignable en tout temps par téléphone portable.

Aux premières heures d’hier, une opération coordonnée a mené à trois perquisitions simultanées dans les résidences de Renganaden Padayachy, situées à Gris-Gris, Roches-Brunes et Mont-Ida. Un ordinateur portable et un téléphone mobile ont été saisis – éléments jugés cruciaux pour la suite de l’enquête.

L’ancien ministre a ensuite été formellement arrêté, cette fois dans le cadre d’une enquête portant sur un décaissement jugé irrégulier de Rs 45 millions de la MIC, au profit de la société privée Menlo Park Ltd. Il a été conduit au siège de l’AML, Sterling House, Port-Louis.

Il s’agit de sa deuxième arrestation en moins d’une semaine. La première, orchestrée par la FCC, s’inscrivait dans le contexte de l’achat controversé de l’hôtel Ambre, une des pièces maîtresses du désormais tristement célèbre Apavou Deal. Cette arrestation s’appuyait sur la section 43 de la loi sur les fraudes : «fraud by abuse of position».

Ce qui interpelle, c’est le moment choisi pour cette seconde arrestation. Elle intervient quelques jours après l’audition très médiatisée de Renganaden Padayachy à la FCC, durant laquelle il aurait présenté une défense méthodique face aux accusations de mauvaise gestion à la MIC. Profitant de cette visibilité accrue, l’AML a semble-t-il saisi l’occasion pour relancer l’enquête Menlo Park, capitalisant sur l’attention déjà focalisée sur l’ex-ministre.

Deux arrestations en une semaine: pour beaucoup, la question se pose de savoir si cette stratégie procédurale n’a pas été anticipée, voire souhaitée. Certains analystes évoquent une manœuvre tactique de la défense, pilotée par l’avocat Mᵉ Raouf Gulbul, afin de garder la main sur le tempo judiciaire. Ce dernier n’a d’ailleurs pas contesté les procédures d’AML, désamorçant la pression immédiate tout en préparant une contre-offensive juridique ciblée.

L’enquête a pris une nouvelle tournure suite aux auditions, le 15 avril, de Harvesh Seegolam, ex-gouverneur de la Banque de Maurice, et Jitendra Bissessur, ancien directeur exécutif de la MIC. Tous deux sont désormais, eux aussi, provisoirement inculpés pour conspiracy to defraud. Leurs témoignages auraient mis en lumière le rôle central de Padayachy dans l’approbation du financement controversé accordé à Menlo Park. Ils sont notamment soupçonnés d’avoir exercé des pressions sur les mécanismes internes de validation de la MIC afin de faciliter le versement des fonds.

L’enquête vise également les bénéficiaires finaux présumés de cette opération, Stéphane Adam et MaryQueenie Adam, soupçonnés d’avoir encaissé un chèque de Rs 45 millions émis par la MIC. Tous deux font également l’objet d’une inculpation provisoire pour «conspiracy to defraud».

Mais un nouvel élément attire particulièrement l’attention des enquêteurs : l’identité de l’intermédiaire entre les Adam et les responsables de la Banque de Maurice. Cet échange, mentionné dans l’affidavit déposé par les Adam eux-mêmes (voir capture d’écran ci-contre), est jugé crucial pour la suite des investigations.Selon la défense, il pourrait s’agir d’un pivot stratégique permettant de reconstituer la chaîne de décisions ayant conduit à l’octroi du prêt controversé.

Selon les déclarations de Mᵉ Gulbul, un interrogatoire de son client était prévu dans l’après-midi du mercredi 16 avril. «Nous allons voir ce qu’ils ont à lui reprocher», a-t-il déclaré de manière laconique, avant de se rendre dans les locaux de l’AML, accompagné de Renganaden Padayachy. L’ancien ministre y est resté jusqu’en début de soirée. «L’interrogatoire de mon client n’a pa encore commencé mais les parades d’identification ont été faites. Je ne sais pas exactement ce qui lui est reproché, si ce n’est la charge provisoire émise contre lui. Les auditions se feront la semaine prochaine pour plus de détails», a-t-il déclaré à leur sortie des bureaux de l’AML, hier soir.

Une parade d’identification a en effet été organisée entre Harvesh Seegolam et Renganaden Padayachy. L’ex-gouverneur de la Banque centrale a positivement identifié l’ancien Grand argentier comme celui lui mettant la pression. De plus, les Adam de Menlo Park ont également identifié Padayachy comme celui qu’ils ont rencontré en septembre 2024. Ces autres protagonistes étaient aussi à Sterling House hier.

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