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À bord du Plastic Odyssey

Récit d’une traversée intérieure

20 avril 2025, 18:00

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Récit d’une traversée intérieure

Le vent vient du large, chargé de sel et d’un parfum distant, comme si quelque chose voulait naître de nouveau dans le port de Port-Louis. À la rade, aux premières lueurs du jour, un navire immobile respire lentement. Il ne fend pas les vagues. Il les interroge.

Le Plastic Odyssey ne ressemble à aucun autre bateau. Il n’est ni cargo ni yacht. C’est un laboratoire de mer, un rêve en acier flottant, venu poser l’ancre à Maurice comme on pose une question urgente : que faisons-nous de nos déchets, de nos océans, de notre avenir ?

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Je tiens la main de mon enfant. Ses yeux brillent, ronds d’étonnement, comme ces lunes d’enfants qui croient encore que les bateaux peuvent parler. Et celui-là, oui, il parle. Il gronde doucement comme un steamer, ses entrailles vibrent. Ça sent la chaleur, le plastique chauffé, broyé, malaxé — une odeur d’atelier, de réparation. Ici, on redonne une seconde vie à ce que l’homme a trop longtemps jeté. Ici, on refuse la fatalité.

Deux silhouettes apparaissent sur le pont. Deux sourires, aussi ouverts que les voiles d’un trois-mâts. Amandine, la biologiste, parle aux enfants avec des mots simples et une passion contagieuse. Claudine, elle, a cette façon d’accueillir comme si vous rentriez chez vous, même en pleine mer. Elles nous invitent à monter à bord.

Je chuchote à mon enfant : — Tu sens ça ? C’est l’aventure. Pas celle des épées et des trésors, non. Celle où l’on sauve ce qu’on aime avant qu’il ne soit trop tard.

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À bord, des machines tournent. Du plastique, trié, lavé, puis transformé. En pavés, en bancs, en œuvres d’art. On le croyait mort, ce plastique. Il renaît. Et surtout, il reste à terre. Car voilà la vérité que l’on enseigne ici : le plastique, ce fléau moderne, ne forme pas d’île flottante au beau milieu de l’océan. Il ne s’accumule pas sagement pour être repêché. Il se dissout, s’effrite, s’infiltre dans les chairs des poissons, les gouttes de pluie, les silences.

Alors, il faut le stopper. Avant l’eau. Avant qu’il ne se mêle au lagon, aux coraux, à nos vies.

Le Plastic Odyssey ne fait pas que recycler. Il montre, il parle, il relie. Il fédère des artisans, des inventeurs, des décideurs — et les enfants surtout. Car c’est avec leurs yeux que le monde doit changer. Il ne s’agit pas de faire rêver, mais de faire comprendre. Faire espérer, sans tricher.

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Mon enfant touche une sculpture faite de bouchons. Il demande si ça peut flotter. Je lui réponds que certaines choses flottent, d’autres coulent, mais que les idées, elles, traversent.

Dehors, le souffle du large vient caresser le flanc du navire. Il ne siffle pas, il salue. L’escale mauricienne n’est qu’un chapitre dans cette odyssée. Mais elle compte. Parce qu’ici, à l’ombre des montagnes et des grues portuaires, un enfant a compris qu’un bateau pouvait aussi être un cri.

Et que ce cri, porté par le vent, mérite d’être entendu jusqu’aux confins du monde.

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