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Quand la lutte contre le crime financier vire à la purge politique
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Quand la lutte contre le crime financier vire à la purge politique
La période de grâce des 100 jours du gouvernement Ramgoolam, version IV, est bel et bien terminée. La Financial Crimes Commission (FCC), pensée dès 2020 par Navin Beekarry pour exterminer le leader du Parti travailliste, tourne à plein régime sous... un régime autre.
Depuis une semaine, nos journalistes ont élu domicile au Réduit Triangle, guettant les allées et venues du clan Jugnauth, d’anciens fonctionnaires et d’anciens employés de corps parapublics. Les apparitions devant la FCC ne signifient pas que les personnes, accompagnées de leurs avocats, sont automatiquement coupables. Mais elles participent à un feuilleton à succès, surtout depuis les interpellations de Pravind et de Kobita Jugnauth.
Alors que l’actualité regorge de suspects défilant avec leurs valises, il est utile de rappeler dans quel contexte la FCC a été présentée au peuple en décembre 2023. Et par qui : nul autre que Pravind Jugnauth lui-même.
Le Financial Crimes Commission Bill, en première lecture au Parlement, promettait une refonte radicale de la lutte contre la criminalité financière. Le gouvernement de Pravind Jugnauth défendait l’idée d’une structure plus efficace. Un organisme unique, absorbant l’ICAC, la FIU et l’Integrity Reporting Services Agency. Un guichet unique contre la fraude, le blanchiment et la corruption.
L’argument était séduisant. Mais derrière la promesse, les doutes grandissaient.
Un pouvoir sans contrepoids ? Un outil politique hyper puissant entre les mains d’un Navin Beekarry qui avait déjà prouvé son efficacité dans l’affaire MedPoint au Privy Council en février 2019 ?
Le projet de loi prévoyait des pouvoirs élargis pour la future FCC. Elle pouvait enquêter, poursuivre, geler des avoirs. Un tout-en-un. Son patron ? Un pion, nommé sur simple recommandation du Premier ministre.
Les critiques affluaient. La séparation des pouvoirs était en jeu, martelaient l’express et d’autres voix contestataires. L’ombre d’une instrumentalisation politique planait.
Personne n’avait oublié qu’il y a quelques années, un DPP, Satyajit Boolell pour ne pas le nommer, avait été contraint de fuir la police après avoir obtenu une injonction de la Cour suprême. Une scène inimaginable. Une démocratie qui vacillait déjà trop.
Les jours suivants renforçaient le malaise. La méfiance était à son comble. La police et le bureau du DPP s’affrontaient en justice sur la question de la liberté sous caution. En parallèle, la FCC Bill proposait des amendements à la Bail Act et à la Courts Act. Une coïncidence troublante.
Autre point sensible : le gel des avoirs. Ce pouvoir, autrefois disputé entre l’ICAC et la FIU, atterrissait finalement entre les mains du patron de la FCC. Une décision unilatérale. Une arme redoutable à l’approche des élections.
Des figures de l’opposition allaient-elles être ciblées ? Les proches du pouvoir bénéficieraient-ils d’une immunité tacite ? La crainte était fondée. L’indépendance des institutions s’effritait. L’opacité s’installait.
Le gouvernement Jugnauth défendait sa réforme comme une avancée contre la fraude. Mais dans un pays où les conflits institutionnels se multipliaient, la prudence s’imposait. Une Freedom of Information Act aurait pu apporter un début de transparence. Prévenir les dérives. Instaurer une véritable redevabilité.
Sans transparence, la FCC était vouée à devenir une machine à broyer les adversaires politiques. Un levier au service du pouvoir.
Aujourd’hui, après le changement de régime et la réhabilitation des pouvoirs du DPP, une question demeure : lutte contre la corruption ou concentration des pouvoirs d’un clan contre un autre ? L’affaire St-Louis et d’autres pourraient bien être des Litmus Tests.
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