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Questions à...
Patrick Assirvaden : «Je rappelle que l’idée de se tourner vers la Turquie n’est pas nouvelle»
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Questions à...
Patrick Assirvaden : «Je rappelle que l’idée de se tourner vers la Turquie n’est pas nouvelle»

Patrick Assirvaden, ministère de l’Énergie.
🔵 Pourquoi la Turquie ? Pourquoi pas l’Inde, leader en ingénierie thermique ? Pourquoi pas la Chine, championne des projets à grande échelle ? Pourquoi un seul interlocuteur quand l’enjeu réclame pluralité et transparence ?
La délégation officielle qui s’est rendue en Turquie a fait le déplacement du 21 au 23 avril 2025, bien avant le lancement international de la Request For Proposal qui date du 18 juin 2025. Je tiens aussi à préciser que le ministère ne s’est pas limité à des discussions uniquement avec la Turquie. Actuellement, des experts indiens, envoyés spéciaux du Premier ministre, Narendra Modi, sont également présents à Maurice. Leur mission est d’évaluer la situation énergétique d’urgence et d’examiner les solutions possibles. Et ils seront aussi appelés à donner leur avis sur ce projet de barge et nous attendons leur rapport. Donc, de la même manière que nous avons engagé le dialogue avec le gouvernement turc, nous avons aussi entamé des discussions avec les autorités indiennes. Nous apprenons également que le Japon, aussi avant-gardiste dans cette technologie, pourrait être impliqué. D’ailleurs, l’appel d’offres a été lancé auprès de toutes les ambassades et tout soumissionnaire compétent pourra y participer.
Je rappelle que l’idée de se tourner vers la Turquie n’est pas nouvelle : la Request for Information (RFI) lancée en 2022 avait révélé que sept à huit pays étaient en mesure de répondre à cette technologie et à nos besoins. Ce n’était pas possible pour la délégation mauricienne de visiter ces sept pays. Cette même RFI de 2022 a démontré que la Turquie est un leader mondial dans cette technologie et apportait un soutien technique à de nombreux pays africains. Il était donc tout à fait légitime de rencontrer le gouvernement turc pour mieux comprendre comment structurer, apprendre, écouter pour que nous ayons la meilleure offre.
Que ce soit une entreprise turque, indienne, chinoise ou autre qui est sélectionnée, cela importe peu. Nous venons d’ailleurs tout récemment d’acheter des batteries de la Chine. Il est donc faux de dire que le processus aurait été biaisé ou conçu pour favoriser une entreprise en particulier. Il s’agit bien d’un appel d’offres international, ouvert à tous les pays.
🔵 L’appel d’offres est lancé. Mais les dés sont-ils déjà pipés ?
Non, c’est absolument faux de faire de telles insinuations. Il est important de préciser qu’il s’agit d’un appel d’offres international. Les représentations diplomatiques à l’étranger jouent un rôle clé dans la diffusion officielle de ce communiqué, un processus qui se terminera le 15 août 2025. Tous les pays disposant de cette expertise sont invités à y participer.
De plus, afin de nous assurer qu’il n’y ait aucune ambiguïté dans ce processus transparent, clair et impartial, et que tout sera mené dans la plus grande transparence, un consultant indépendant, l’African Legal Support Facility, spécialiste en barges, supervise actuellement l’ensemble de la procédure d’appel d’offres, la documentation et aussi l’évaluation des offres relatives à ce projet. Le CEB réitère son engagement à garantir la transparence la plus totale tout au long de cette démarche.
🔵 Le flou persiste sur les critères d’évaluation, les garanties demandées, la compatibilité environnementale et surtout… le prix. Car selon plusieurs analyses, l’électricité produite par «powership» coûte jusqu’à cinq fois plus cher que celle des énergies renouvelables. Alors pourquoi cette option, coûteuse, temporaire et risquée ?
Que tout le monde soit d’accord sur une chose, nous faisons face à une urgence énergétique. Entre février et avril, nous avons été contraints d’envisager des délestages partiels mais réels, car la population a vécu cela. La vérité, c’est que le développement des énergies renouvelables prend du temps et qu’il accuse déjà du retard alors que l’ancien gouvernement avait promis 60 % d’énergies renouvelables en 2030. En 2025, aujourd’hui, nous ne sommes qu’à 17,6 %. Cela dit, posons la question comme on veut, le fait demeure que nous avons besoin de 100 mégawatts supplémentaires d’ici janvier prochain. Et comme chacun le sait: les énergies renouvelables sont de nature intermittente – elles ne peuvent pas, à elles seules, garantir une production constante.
Dans l’éventualité que nous ne retenons pas l’option du powership, qui est toujours réelle, pour des causes environnementales, financières, techniques, nous devons impérativement recourir à une technologie dite baseload, capable d’assurer une production stable. C’est dans cette optique que le CEB lance dans les jours à venir une deuxième Request For Proposal de 2 x 30 mégawatts de centrales mobiles pour être installées à côté des centrales existantes du CEB. Qu’une chose soit claire : nous agirons dans le strict respect des normes environnementales. Les exigences environnementales de ce type de projet ne seront en aucune façon contournées ou remises en question pour pouvoir accommoder de tels projets. Nous ne prendrons aucune décision qui pourrait mettre en péril notre environnement.
Il est d’ailleurs important de souligner que la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) impose, depuis le 1er janvier 2020, une teneur maximale de 0,5 % de soufre dans les fiouls marins. C’est la clause 2.2 du règlement MARPOL qui s’applique ici, notamment dans le cas d’une barge électrique (power barge).
S’agissant du prix, je précise que nous n’avons pris aucun engagement à ce stade. Si économiquement le prix est trop fort pour le pays, le CEB et le gouvernement prendront la décision qui s’impose. Aucune décision n’a encore été arrêtée quant au tarif qui pourrait être appliqué. Mais vous faites bien de soulever la question car dans la situation énergétique actuelle, nous dépendons de manière excessive de la centrale de Nicolay qui fonctionne en journée alors qu’elle est censée être utilisée uniquement en cas d’urgence. Or, cette centrale produit de l’électricité à un coût de Rs 17 par kilowattheure, ce qui est déjà très élevé.
Restons lucides : si nous ne faisons rien pour ajouter 100 mégawatts à notre réseau d’ici 2026, le spectre des délestages pourrait surgir. Laissez-moi ajouter qu’actuellement, autour de 87 mégawatts sont attendus pour alimenter des projets déjà planifiés – notamment des smart cities ou des usines. Que devons-nous leur dire ? Que nous ne serons pas prêts ? Ce n’est pas une option. Cela étant dit, il est important de souligner que, comme je vous le disais plus haut, nous avons aussi préparé un plan B (centrales mobiles).
Nous ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier. Plusieurs scénarios sont à l’étude afin d’assurer la sécurité énergétique du pays, tout en maintenant notre engagement environnemental. Propos recueillis par S
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