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Agressée et séquestrée par les Shibchurn

Patricia Amandine: «Linn dir li pou koup mo likou ek kraz lakaz mo vwazinn»

6 février 2024, 11:00

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Patricia Amandine: «Linn dir li pou koup mo likou ek kraz lakaz mo vwazinn»

Cette mère de quatre enfants de 57 ans a été agressée et séquestrée par Vishal et Mayur Shibchurn.

Patricia Amandine, 57 ans et mère de quatre enfants, a bien cru sa dernière heure arrivée, le vendredi 2 février, à son domicile à St-Hubert. Alors qu’elle était dans sa maison, elle et son oncle Henry, 68 ans, habitant Ville-Noire, ont vécu un calvaire. La raison étant qu’elle devait Rs 7 000 à Vishal Shibchurn, un habitant de la région, qui, selon les habitants, vend des produits et des denrées dans le village. Lui et son fils sont venus réclamer leur argent en faisant preuve de violence.

Hier, vers 11 heures, dans une petite ruelle jonchée de pierres, une équipe de la Special Support Unit veille au grain et arrête les véhicules qu’ils jugent suspects pour procéder à des vérifications d’identité. Dans la ruelle qui mène à la maison de Patricia Amandine, tout le monde est encore sous le choc. C’est une voisine qui va avertir cette dernière de notre arrivée.

Elle a un oeil encore rouge, les hématomes sur certaines parties de son visage ont viré au bleu. Patricia Amandine raconte ce qu’elle a vécu entre les mains de ses bourreaux. Son cauchemar a commencé le vendredi 2 février à 13 heures, une date qu’elle espère effacer de sa mémoire au plus vite. «Mayur (NdlR, Le fils de Vishal Shibchurn) finn rant dan lakaz ek linn komans bat mwa. Li dir mwa to bizin rann kas la aster. Linn met lamé dan mo brasier kot ti éna Rs 1000. Mo’nn dir li mo pou bizin Rs 500 ladan. Linn pran tou», déclare cette quinquagénaire qui ne se doutait pas que son calvaire ne faisait que commencer. Son oncle qui était présent et qui est handicapé, n’a pas été épargné. Il a été roué de coups. Patricia est alors traînée hors de la maison. Mayur Shibchurn ne veut qu’une seule chose : récupérer les Rs 7 000 empruntées.

Vishal Shibchurn a pour habitude de vendre des produits dans la région. Il fait du porte-àporte et, parfois, «il vend même du riz. Cela, même si dans la région, les boutiques n’ont pas de riz en stock», confie Patricia. «Mo ti dir li mo péna pansion, mo pou pran krédi ek pey li bout par bout. Linn dir mwa wi wi do, pran, apré li bat mwa!»

Patricia Amandine et son oncle sont ensuite poussés dans un 4x4 rouge, qui prend la direction de Le Val, où se trouvait Vishal Shibchurn. «Il a commencé à me battre lui aussi et ne cessait de dire qu’il allait me tuer et me décapiter. Il a même brandi un sabre et était à deux doigts de me tuer. C’est son fils qui l’en a empêché.»

L’oncle qui ne sait pas nager est jeté à la rivière

C’est près d’une rivière que Patricia Amandine et son oncle sont emmenés. L’oncle est de nouveau roué de coups et jeté à la rivière. Quand elle a hurlé que son oncle ne savait pas nager, Mayur Shibchurn l’a vite sorti de l’eau mais a continué à le battre. Ils ont été forcés de prendre place à nouveau dans le 4×4 pour retourner chez Patricia Amandine pour qu’ils changent de vêtements et après, ils ont été emmenés à la banque de Mahébourg.

La quinquagénaire a cru que les vigiles sur place allaient venir à leur rescousse. Mais Vishal Shibchurn a parlé au policier en service et ce dernier leur a demandé de revenir vers 16 h 30. Ils n’ont pu effectuer de retrait à la caisse car vu l’état de Patricia Amandine, le caissier au comptoir leur a refusé cette transaction. «Bannla inn trouvé ki mo figir inn kas-kasé ek zot pa finn donn kas», relate Patricia Amandine.

Ils ont été conduits au domicile de Vishal Shibchurn, où, cette fois, elle a été traînée une sur l’asphalte, tandis que son oncle a été enchaîné avec une laisse de chien et abandonné dans un champ de cannes à Le Val Nature Parc, où il a été retrouvé. C’est grâce à l’intervention d’un villageois que Patricia Amandine a pu s’enfuir.

«Linn dir mwa so Satan inn pran li. Si li ti dir mwa li éna Satan, mo pa ti pou pran krédi ar li», souligne-t-elle. Traumatisée, elle ne comptait pas se rendre au poste de police, mais ses voisins l’ont encouragée à le faire et à retrouver son oncle qui a été hospitalisé.

Le dossier confié à la MCIT Sud

L’affaire avait initialement été confiée à la Criminal Investigation Division de Rose-Belle. Les images des caméras Safe City avaient été visionnées, le sexagénaire a été vu dans le coffre du fourgon de Vishal Shibchurn. Arrêtés dans la soirée après la plainte de Patricia Amandine, Vishal Shibchurn et son fils Mayur ont comparu en cour de Mahébourg hier après-midi et ont été reconduits en cellule policière jusqu’au 9 février.

L’enquête policière a changé de main et est désormais entre celles des enquêteurs de la Major Crime Investigation Team (MCIT) du Sud, bien qu’il se chuchote que Vishal Shibchurn aurait des affinités avec cette équipe. L’homme de loi des Shibchurn père et fils, Mᵉ Pravesh Nuckcheddy, a déposé une motion pour leur remise en liberté conditionnelle et celle-ci sera débattue vendredi.

Vishal Shibchurn avait déposé une mesure de précaution contre Nad Sivaramen, le directeur des publications de La Sentinelle Ltd, le 25 janvier, se plaignant qu’un de ses éditoriaux, intitulé «Politico Symbolism and Political Strategy», portait préjudice aux organisations socioculturelles et aux Mauriciens de foi hindoue.

L’homme qui fait la pluie et le beau temps à St-Hubert

Les habitants du village de St-Hubert sont choqués et veulent que les choses changent car Vishal Shibchurn y fait la pluie et le beau temps. Patricia Amandine ne serait pas sa seule victime. «Éna lézot dimounn inn déza pas parey mé Vishal ménas zot, li dir zot pa al get lapolis», confient les habitants de la région. Jennifer, qui est une des voisines à avoir secouru Patricia Amandine, a reçu des menaces. «Ils m’ont dit que je me suis mêlée de choses qui ne me concernent pas et qu’ils vont venir démolir ma maison. Mo pa per pou mor mwa mé mo pou dir li so kat vérité. Zot péna fami zot dan zot lakaz? Zot ti pou kontan kikenn fons boutey ar zot fami?» déclare cette dernière, excédée. D’autres habitants expliquent que Vishal Shibchurn dépanne les gens de la région en vendant des produits comme du whisky.


Liberté conditionnelle: les antécédents multiples, un critère déterminant selon Mᵉ Raj Pentiah

Les conditions dans lesquelles un suspect peut obtenir la liberté provisoire demeurent toujours complexes. Y a-t-il une limite au nombre de fois qu’un suspect peut être libéré sous caution en accumulant des délits ? L’avocat et ancien magistrat Raj Pentiah explique que la décision d’accorder ou non la liberté conditionnelle relève de la discrétion du magistrat, qui, après avoir entendu les arguments des deux parties lors de la motion, a le devoir de prendre une décision éclairée. «Ce n’est pas une question de limite, mais à chaque fois le magistrat doit pouvoir motiver sa décision», précise-t-il.

Lorsqu’un suspect a plusieurs antécédents, souligne Mᵉ Pentiah, cela constitue en soi une raison de lui refuser la liberté conditionnelle. L’ancien magistrat explique que dans le cadre d’une telle motion, la police présentera plusieurs points pour s’opposer, notamment la possibilité que le suspect interfère avec les témoins et manipule les preuves, récidive en commettant d’autres délits, la possibilité qu’il prenne la fuite une fois libre, la gravité du délit et ses antécédents. «L’avocat du suspect va certes essayer de réfuter tous ces points d’objection en arguant que ce sont des appréhensions de la part de la police et que ces objections ne tiennent pas la route. Mais c’est à la police de venir prouver que ses points d’objection sont valides et justifiés, et le magistrat a le devoir de prendre une décision basée sur les représentations des deux parties», explique notre interlocuteur.

Il souligne toutefois que des délits tels que la drogue, l’agression et la séquestration sont très graves, pour lesquels un magistrat peut refuser la caution. «Un magistrat doit toujours expliquer les raisons qui motivent sa décision. Une personne avec de tels antécédents représente certes un danger pour la société aux yeux de la loi, et ce sont des délits qui ne méritent pas la liberté conditionnelle», conclut Mᵉ Pentiah. Ainsi, en décidant d’accorder la caution ou non, la décision finale revient au magistrat qui doit évaluer si les raisons en faveur de la libération l’emportent sur la détention.

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