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Ne pas gripper les leviers de la croissance
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Ne pas gripper les leviers de la croissance

11 novembre 2024. Un tsunami politique portait l’Alliance du Changement au pouvoir. Écœurée par la succession de scandales de ces dernières années et les dérives totalitaires du régime Jugnauth, la population, dans son ensemble, optait pour un vote sanction. C’était pour beaucoup de Mauriciens le jour de la libération. Un vent de changement soufflait sur le pays. La confiance était palpable parmi les agents économiques.
Avec la publication du rapport sur le State of the Economy, l’on a compris que la situation économique était complexe, que les finances publiques avaient basculé dans le rouge, avec une dette publique approchant dangereusement la barre des 90 %, et que le niveau d’endettement des corps parapublics tutoyait les Rs 70 milliards car l’ancien Grand argentier ne se privait pas de puiser dans les réserves d’institutions comme le Central Electricity Board pour financer une politique fiscale trop expansionniste.
Le réveil a été brutal pour tout le monde, y compris pour le gouvernement, qui s’est rendu compte bien vite qu’à court terme, la priorité des priorités était de remettre de l’ordre dans les finances publiques et de rendre leur crédibilité aux institutions démocratiques. Dans le même temps, il fallait démontrer aux institutions internationales comme le Fonds monétaire international et Moody’s qu’on prenait le chemin du pragmatisme économique et qu’on allait redonner un nouveau souffle à la démocratie après avoir été catalogué comme un État autocratique par V-DEM.
C’est ainsi que graduellement, le gouvernement a commencé à prendre des décisions impopulaires au regard de la population, en n’abaissant que de Rs 5 les prix des carburants alors qu’on avançait le chiffre de Rs 20 par litre de carburant, en ne respectant que partiellement sa promesse électorale de verser un quatorzième mois aux salariés, en privant les salariés percevant plus de Rs 50 000 de ce droit. Ces décisions impopulaires esquissaient le début d’une ère d’austérité. Et vendredi dernier, la décision du licenciement massif de 1 765 employés des collectivités recrutés en grande partie avant les dernières élections générales a consterné plus d’un. Selon l’avis exprimé par l’Attorney General et le Parquet, l’ancien président de la Local Government Service Commission (LGSC) aurait outrepassé ses prérogatives en procédant à ces recrutements sans passer par le Board. Ainsi, ces recrutements sont considérés comme étant illégaux. D’où la décision du nouveau conseil de la LGSC d’appliquer le couperet, tout en dorant la pilule en annonçant que les procédures en bonne et due forme seront diligentées pour le recrutement de 3 000 personnes dans les collectivités locales.
Si ces recrutements étaient effectivement illégaux – ce sera à la Cour suprême de trancher sur cette question –, fallait-il observer une telle rectitude et plonger dans le tourment 1 765 foyers au bas de l’échelle et les sanctionner pour les actions du président d’un corps parapublic dont les accointances avec le régime sortant sont connues ? La question mérite débat.
Entre-temps, le feel-good factor ressenti au lendemain des législatives s’étiole graduellement. Les consommateurs voient leur pouvoir d’achat s’éroder chaque jour un peu plus, malgré le recul de l’inflation à 2,5 % en mars, résultant surtout de l’affaiblissement du dollar suite à l’enclenchement de la politique commerciale de Trump. La création d’un fonds de stabilisation de Rs 10 milliards pour combattre le coût de la vie semble un lointain souvenir.
À J-15 du Budget 2025-2026, chez une forte frange de la population, on entrevoit la perspective d’une politique austère dans le pur sens du terme. On a le sentiment que le gouvernement est en train de préparer subtilement l’opinion publique aux jours de vaches maigres et que certains avantages sociaux, comme l’allocation CSG de Rs 1 500 à Rs 3 000 qui permet notamment de garantir un revenu minimum garanti de Rs 20 000, seront abolis.
Alors qu’il élabore les contours du Budget 2025-2026 qui donnera le ton pour la trajectoire du développement sous ce quinquennat, le gouvernement doit peser le pour et le contre, et ne pas être radical dans son approche sous peine de gripper la croissance. Certes, il faut redresser les finances publiques et revoir le modèle de croissance, mais ce processus nécessite une transition.
Qu’on le veuille ou non, à Maurice, la croissance a, depuis les années 80, été tirée grandement par la consommation et une fiscalité légère. Or, de 2014 à 2024, le levier de la demande a été actionné excessivement par l’ancien gouvernement, plongeant le pays dans un cycle d’inflation et de roupie faible. Changer de modèle implique de trouver un subtil équilibre, où la croissance est tirée à la fois par l’offre (les entreprises), et la demande intérieure, c’est-à-dire la capacité de la population à consommer des produits et services. Qu’on se le dise, cela prendra du temps pour que des réformes structurelles comblent le déficit de production, d’exportation, d’investissement et de main-d’œuvre auquel le pays fait face.
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