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Cannabis
Maurice face à l’absurde pendant que l’alcool et le tabac tuent en toute légalité
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Cannabis
Maurice face à l’absurde pendant que l’alcool et le tabac tuent en toute légalité

À Maurice, une hypocrisie légalisée fait des ravages. Tandis que l’alcool et le tabac – responsables de milliers de morts – sont vendus librement et rapportent des milliards à l’État, le cannabis reste criminalisé, bien qu’il soit reconnu comme moins nocif. Résultat : une répression inefficace, une explosion du marché noir et des réseaux criminels qui prospèrent. Pendant ce temps, les victimes des drogues légales tombent dans l’indifférence générale.
Comme Danny Philippe, travailleur social et membre de l’organisation non gouvernementale Développement, Rassemblement, Information et Prévention (DRIP), ils sont nombreux les militants et acteurs des réalités du terrain à tirer la sonnette d’alarme : «Nous vivons un vrai paradoxe. Le cannabis, qui est moins dangereux que l’alcool ou la cigarette, est interdit tandis que ces deux drogues légales continuent de tuer, avec la bénédiction de l’État.»
🟦 État complice
L’État prétend lutter contre le marché noir du cannabis, mais en réalité, ce système illégal continue de prospérer et c’est bien là toute l’hypocrisie. Derrière les discours officiels se cache une réalité beaucoup plus cynique: certains politiciens ferment les yeux, voire profitent directement, de ce marché parallèle florissant. Tandis que la population subit la répression et les prix exorbitants imposés par les dealers, des intérêts politiques entretiennent cette situation, freinant toute réforme réelle qui pourrait légaliser et réguler la vente du cannabis. Le marché noir, contrôlé par des réseaux bien établis, devient ainsi une source cachée de revenus et d’influence, au détriment de la santé publique et de la justice sociale. Dire que l’État lutte contre le trafic alors qu’il laisse prospérer un système qui nourrit ses propres alliés, c’est l’aveu d’une hypocrisie étatique profonde. Il est urgent que la lumière soit faite, que la légalisation encadrée vienne briser ce cercle vicieux pour que le peuple ne soit plus le jouet d’intérêts opaques et que la justice sociale puisse enfin triompher.
🟦 Drogues légales, ravages ignorés
Les chiffres sont sans appel. À Maurice, la consommation moyenne atteint près de 900 cigarettes et 49 litres d’alcool par personne chaque année. Le tabac est responsable d’environ 10 % des décès dans le pays. L’alcool, quant à lui, alimente violences conjugales, accidents de la route, maladies chroniques et drames familiaux. «L’alcool est le psychotrope le plus dangereux. Pourtant, c’est lui qu’on autorise. Le tabac tue 8 millions de personnes par an dans le monde. Mais on continue de le vendre comme un produit banal», déplore Danny Philippe.
Malgré des dizaines de milliers de plants saisis chaque année, la consommation de cannabis ne recule pas. Environ 55 000 Mauriciens, soit 7,4 % des adultes, consomment régulièrement. La prohibition n’a fait qu’enrichir les réseaux illégaux. «Aujourd’hui, le gramme de cannabis coûte jusqu’à Rs 3 000. C’est du délire. Ce sont les réseaux au noir qui en profitent. Pas l’État, pas la société, pas les jeunes.» La politique actuelle stigmatise les plus précaires, notamment les jeunes des quartiers défavorisés. Beaucoup finissent avec un casier judiciaire pour simple usage, ce qui compromet leur avenir. «La majorité des consommateurs sont usagers occasionnels. Beaucoup arrêtent naturellement. On les traite comme des délinquants alors qu’on devrait les accompagner, pas les punir.»
À force d’interdictions, le cannabis est devenu un produit de luxe. Sans régulation, sans contrôle de qualité, il est cher, risqué et exploité par des mafias locales. «Tant que c’est illégal, le prix monte. Et quand le prix monte, ce sont les consommateurs qui trinquent. Pas les politiciens. Pas les dealers.» Danny Philippe insiste : la légalisation avec un encadrement strict est une solution viable. Elle couperait l’herbe sous les pieds du marché noir, créerait des emplois, assurerait un meilleur contrôle sanitaire et dégagerait des ressources fiscales.
Le modèle thaïlandais ou canadien montre qu’une régulation bien pensée fonctionne. Vente interdite aux mineurs, campagnes de prévention, produits contrôlés, fiscalité adaptée. Ainsi, des milliers d’emplois sont créés, avec une baisse du trafic et une approche de santé publique plutôt que répressive. «Ce qu’on veut, c’est un cadre clair, contrôlé par l’État, avec des lois strictes. Pas une libéralisation sauvage. On veut protéger les jeunes, pas les livrer à la rue ou à la prison.» «Le cannabis peut aussi avoir un usage médical et ça aussi, on l’ignore. Alors que d’autres pays avancent, nous restons coincés dans des idées dépassées.»
🟦 Fin de partie pour l’hypocrisie ?
Pourquoi continue-t-on à criminaliser le cannabis, tout en laissant l’alcool et le tabac dévaster la société ? La réponse est simple : l’alcool et la cigarette rapportent gros à l’État. Le cannabis, lui, échappe encore à tout contrôle économique, mais rapporte aux trafiquants. «Il faut du courage politique. Il faut regarder les faits, pas les fantasmes. Le cannabis, ce n’est pas un diable. Ce sont nos lois qui sont diaboliques quand elles protègent les vrais poisons et punissent les plantes.»
Légaliser ou dépénaliser, ce n’est pas céder. C’est reprendre le contrôle. C’est protéger, encadrer, éduquer. Et surtout, c’est briser une hypocrisie mortifère. Maurice ne peut plus sacrifier la justice, la santé et la jeunesse sur l’autel de l’économie à deux vitesses. Il est temps de mettre fin à une politique qui punit les pauvres, enrichit les criminels et ignore la science. «Ce n’est pas un débat moral. C’est une urgence sociale, sanitaire, économique. Et humaine.» Maurice mérite une politique cohérente, lucide et juste. Le moment d’agir, c’est maintenant.
Prix et consommation
Chiffres clés à Maurice (2025)
Prix du cannabis au marché noir
• Jusqu’à Rs 3 000 le gramme
• Soit 10 fois plus qu’en 2015
• Inflation causée par la prohibition et les reseaux clandestins
Consommation de cannabis
• 7,4 % des Mauriciens âgés de 18 à 59 ans
• Environ 55 000 personnes
• Malgré l’interdiction, usage stable ou en légère hausse
Consommation de tabac
• Environ 900 cigarettes/an par personne
• Soit 2,5 par jour
• 8 millions de morts par an dans le monde
• 10 % des décès à Maurice liés au tabac
Alcool
• ~49 litres d’alcool par personne/an
• Lié à plus de 3,5 millions de décès dans le monde
• Facteur aggravant dans les cas de violence domestique, accidents de la route, maladies chroniques
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