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Enchères historiques à Londres

Maurice et l’océan Indien racontés en pièces rares

4 mai 2025, 17:00

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Maurice et l’océan Indien racontés en pièces rares

La plus importante collection privée jamais constituée de monnaies et médailles originaires de la région sud-ouest de l’océan Indien sera bientôt mise en vente aux enchères au Royaume-Uni. Constituée au fil de plusieurs décennies par feu Joerg Hauchler, collectionneur passionné et expert reconnu, cette collection couvre des pièces rares, parfois uniques, de Madagascar, Maurice et des îles environnantes.

La veuve de Joerg Hauchler, Roseline, a confié l’ensemble de cette collection à la maison d’enchères Noonans, basée à Londres. Elle a également autorisé sa diffusion auprès de la presse spécialisée. L’événement suscite déjà l’intérêt des collectionneurs, des historiens et des numismates à travers le monde.

Des pièces malgaches interdites par la France coloniale

Parmi les lots les plus remarquables figurent les numéros 62 à 71, constitués de pièces d’essai précoloniales du Royaume indépendant de Madagascar. Ces monnaies avaient été frappées en Europe à la demande du royaume malgache dans l’objectif de doter le pays d’un système monétaire propre, élément clé de son développement économique. Mais, selon les documents historiques, «dans tous les cas, le gouvernement français a bloqué la livraison de ces pièces», la France souhaitant affaiblir économiquement Madagascar avant sa tentative de conquête entamée dès 1883.

Une pièce mauricienne rarissime réattribuée

Le lot 145, initialement mal identifié, est en cours de rectification par Noonans. Il s’agirait en réalité d’un très rare jeton de l’Union-St Aubin, utilisé comme monnaie de paiement pour les ouvriers du domaine sucrier mauricien. Il porte la signature de M. Labat, acteur notoire du secteur sucrier colonial.

Des médailles historiques à portée internationale

Le lot 269 présente une médaille de baptême offerte par le gouverneur Charles Decaen pour son propre fils – une pièce historique d’époque napoléonienne. Plus loin, le lot 283 propose une médaille en or exceptionnelle, remise au capitaine du baleinier américain Phoenix pour avoir sauvé les rescapés d’un naufrage dans l’océan Indien. «Cette médaille combine trois intérêts majeurs : Maurice, la chasse à la baleine, et les États-Unis», souligne un proche du collectionneur.

Un aperçu fascinant de l’histoire monétaire régionale

Pour les organisateurs, cette vente dépasse la simple valeur financière des objets : «C’est une plongée dans l’histoire économique, politique et sociale de l’océan Indien.» Si les prix de départ semblent modestes, «il est courant que les pièces les plus rares soient adjugées à dix ou vingt fois leur estimation initiale, parfois plus», avertit-on.

L’ensemble du catalogue est disponible sur le site de Noonans Auctions. La vente est prévue courant mai.

Jörg Hauchler, un collectionneur passionné

Né le 19 décembre 1956 à Altena, en Allemagne, Jörg Hauchler s’est très tôt passionné pour l’histoire, la géographie et la spéléologie, en particulier dans la région du sud-ouest de l’océan Indien. Cette fascination allait le conduire, à l’âge adulte, à participer à de nombreuses expéditions scientifiques à Madagascar aux côtés de ses amis australiens Owen Griffiths et Greg Middleton.

Curieux infatigable, Jörg Hauchler s’est épris de Madagascar, de La Réunion, des Seychelles, mais c’est à Maurice qu’il choisit finalement de s’établir, après son mariage. Là, il poursuivit une quête patiente : constituer, pièce après pièce, la collection numismatique la plus complète jamais réunie sur cette région du monde.

Reconnu par la communauté internationale et régulièrement cité dans les ouvrages spécialisés, Jörg était bien plus qu’un collectionneur averti. Il était un historien de terrain, traquant les traces du passé à travers des objets : pièces, médailles, jetons, objets coloniaux et artefacts liés à l’esclavage, aux chemins de fer malgaches ou aux royautés locales.

Amateur de bons vins, il appréciait particulièrement les discussions entre amis autour de ses dernières trouvailles. Il savait aussi suivre des pistes inattendues : un article de presse, une anecdote d’un vieil épicier ou une promenade dans un marché reculé de Madagascar pouvaient déboucher sur la découverte de trésors oubliés, comme les rares jetons des plantations sucrières.

Homme de rigueur et d’intégrité, Jörg Hauchler était aussi un rêveur, à la poursuite de l’étoile inaccessible. Il laisse derrière lui une œuvre de mémoire et un legs historique inestimable pour la région qu’il aimait tant.

1880 : La France freine les ambitions monétaires du royaume malgache

Dans les années 1880, le royaume de Madagascar, sous le règne des reines Ranavalona II puis Ranavalona III, s’est efforcé de moderniser ses institutions pour affirmer sa souveraineté face aux ambitions coloniales européennes. Parmi les symboles de cette modernisation figurait la volonté d’introduire une monnaie nationale, projet qui fut rapidement freiné par l’intervention française.

Selon des éléments historiques récemment rediffusés, notamment dans des échanges numériques consultés par l’AFP, la France a activement entravé les efforts malgaches pour émettre leur propre monnaie dans les années 1880. Cette stratégie s’inscrivait dans une politique plus large de contrôle progressif de l’île.

Un symbole de souveraineté bloqué

En 1885, à l’issue de la première guerre franco-hova, la France impose un traité unilatéral proclamant Madagascar protectorat français – une position contestée par la monarchie merina. Dans ce contexte, toute tentative de la part du royaume de créer une monnaie propre fut perçue par Paris comme une atteinte à sa prétention au contrôle.

La monarchie malgache avait commandé des pièces auprès de maisons de frappe britanniques. Mais, selon les documents, la France a exercé une pression diplomatique sur les ateliers monétaires européens pour empêcher la livraison et la circulation de ces pièces. Ces essai-monnaies, ou pièces d’épreuve, demeurèrent à l’état de prototypes, sans jamais atteindre le territoire malgache.

La monnaie, outil de domination

L’interdiction française fut motivée par une logique politique : empêcher la reconnaissance d’un État moderne et autonome à Madagascar. L’usage d’une monnaie nationale étant un attribut fort de souveraineté, il devenait essentiel pour la France d’en bloquer la mise en œuvre afin de maintenir l’île dans une position de faiblesse économique.

Cette stratégie devait précéder une deuxième tentative militaire : la guerre franco-hova de 1895, à l’issue de laquelle Madagascar fut pleinement annexée et transformée en colonie française.

Vestiges historiques en vente

Aujourd’hui, plusieurs de ces pièces d’essai frappées à l’époque, notamment pour le royaume de Madagascar, refont surface dans des collections privées. Certaines seront mises aux enchères ce mois-ci à Londres, dans le cadre de la vente Hauchler par la maison Noonans. Ces objets numismatiques rares témoignent d’un moment charnière de l’histoire de Madagascar, entre aspiration nationale et entrave coloniale.

Collection Hauchler : les pièces majeures à suivre

Le spécialiste numismate Noonans propose, le 27 mai prochain, une vente exceptionnelle de monnaies, jetons et billets du Sud-Ouest de l’océan Indien, tirés de la collection du regretté historien et collectionneur Jörg Hauchler. Voici les pièces maîtresses à suivre :

Madagascar, 1883 : Pièce de fantaisie de 5 francs en argent à l’effigie de la reine Ranavalona III, frappée à Paris, extrêmement rare, estimée entre 2 000 et 3 000 livres sterling.

Maurice, 1810 : 10 livres de Napoléon Ier, frappée à Port-Louis, rare en cet état, estimation : 1 500 à 2 000 livres.

Maurice, 1822 : Piedfort d’essai de 25 sous en cuivre sous George IV, grade MS 65, unique en son genre, estimé entre 3 000 et 4 000 livres.

Maurice, 1921 : Essai uniface de 2 cents en argent sous George V, rareté exceptionnelle, 200 à 260 livres.

Maurice, 1978 : 1000 roupies en preuve, commémorant le 10e anniversaire de l’indépendance, pièces rares à l’état neuf, estimation : 800 à 900 livres.

Jetons mauriciens (1863– 1864) : Crédit Foncier et Assurances Mutuelles contre l’Incendie, en argent et bronze, par A. Desaide, pièces historiques classées «Lecompte Plate Coin», estimations jusqu’à 1 200 livres.

Madagascar, 1888 : Kirobo en argent, par Ramanan-Kirahina, extrêmement rare, entre 600 et 800 livres.

Jetons de plantations : MontChoisy 1852, Schoenfeld Estate, St Aubin, plusieurs exemplaires gravés «Une Journée de Travail», très rares et hautement symboliques, jusqu’à 1 000 livres pièce.

Jetons militaires malgaches (1942) : Groupes de batteries de DiégoSuarez, série complète de jetons en aluminium (de 25 centimes à 5 francs), formes variées (ronde, octogonale, croix), pièces très rares, jusqu’à 300 livres.

Billets de banque mauriciens : Série étendue (lots 356 à 438), incluant billets coloniaux, pré-indépendance et république, avec signatures et dates diverses – estimations variables selon rareté et état.

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