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Meurtre de Vanessa Lagesse
Maigrot acquitté en appel : L’auteur du crime court toujours
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Meurtre de Vanessa Lagesse
Maigrot acquitté en appel : L’auteur du crime court toujours

La condamnation de Bernard Maigrot à 15 ans de prison pour le meurtre de la styliste Vanessa Lagesse a été renversée en appel. Le verdict a été rendu hier par le Full Bench de la Cour suprême, composée de la cheffe juge, Rehana Mungly-Gulbul, et des juges David Chan et Sarita Bissoonauth.
À l’issue de son procès en cour d’assises, Bernard Maigrot avait été reconnu coupable par le jury, à une majorité de sept contre deux, le 27 juin 2024. Le juge Luchmyparsad Aujayeb lui avait infligé le 1er août suivant une peine de 15 ans de prison. Bernard Maigrot avait été libéré sous caution le 6 décembre 2024 en entendant que son appel soit entendu. Dans un jugement long de 44 pages, Les trois juges donnent les raisons de son acquittement et indiquent qu’ils ne sont pas satisfaits qu’un jury «properly directed would inevitably have convicted the appellant».
Le Full Bench considère que, si les membres du jury avaient reçu «des directives appropriées ayant trait aux preuves scientifiques et expertes, aux preuves circonstancielles et à l’alibi fourni par la défense, they would not have come to the same verdict». Pour le Full Bench, le juge de première instance «erred by not giving a Lucas direction to the jury». Les juges indiquent qu’il n’y a pas des preuves fiables que Bernard Maigrot était chez Vanessa Lagesse dans la nuit du 9 au 10 mars 2001. La styliste avait été retrouvée morte dans la baignoire de son bungalow à Grand-Baie et peu après Bernard Maigrot avait été interrogé par les enquêteurs par rapport à ce meurtre.
Arrêté le 23 avril 2001, le suspect avait comparu devant le tribunal de Mapou le 24 avril 2001. Le dossier complet avait été envoyé au bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) le 26 avril 2001 pour conseil. Une motion avait été présentée pour que Bernard Maigrot soit libéré sous caution et il avait retrouvé la liberté provisoire le 6 juillet 2001. Une enquête préliminaire avait été instituée le 7 mai 2003 et avait duré trois ans. L’ex-magistrat Azam Neerooa, qui la présidait, avait déféré Bernard Maigrot aux assises le 28 novembre 2007. Mais le DPP d’alors, Gerard Angoh, avait déposé un non-lieu le 2 juin 2008 en faveur de Bernard Maigrot. Ce dernier était alors un homme libre.
Cependant, un nouveau développement était survenu dans cette affaire. Une nouvelle enquête préliminaire avait été ordonnée avec l’assistance des autorités françaises. Certaines pièces à conviction, dont des échantillons d’AND, avaient été envoyées en France pour des analyses. Le 28 décembre 2010, la police avait annoncé la réouverture du procès et Bernard Maigrot avait été de nouveau arrêté le 3 juin 2011. La nouvelle enquête policière avait été complétée le 11 août 2011. Le dossier avait été acheminé au bureau du DPP. Le 18 mai 2012, une nouvelle accusation de meurtre était déposée contre Bernard Maigrot aux assises.
Dans sa déposition en date du 24 mars 2001, Bernard Maigrot avait reconnu avoir couché avec Vanessa Lagesse dans son bungalow trois jours avant sa mort, soit le 6 mars 2001. C’était la dernière fois qu’il l’avait rencontrée. Le Full Bench est arrivé hier à la conclusion qu’il n’y avait pas de preuves directes contre Bernard Maigrot. La sentence de 15 ans de prison a donc été annulée.
Les grands couacs de l’enquête
Près d’un quart de siècle après la mort tragique de Vanessa Lagesse, elle suscite toujours autant de débats. Cette affaire reste emblématique d’une série de dysfonctionnements judiciaires et poli- ciers majeurs.
** Aveux controversés sous pression**
Le principal suspect, Bernard Maigrot, a vu ses premières «confessions» remises en question dès le départ. Obtenus lors d’un long interrogatoire mené en l’absence de son avocat, ces aveux ont été jugés peu fiables par la défense. Plusieurs allégations ont surgi : brutalités policières, intimidations, entre autres. Autant d’éléments troublants qui n’ont pourtant jamais été pleinement investigués par les autorités. N
Gestion bâclée de la scène de crime
La scène de crime aurait été traitée avec une rigueur discutable. Certains objets potentiellement cruciaux pour l’enquête auraient été mal étiquetés, voire conservés dans des conditions inadéquates. De plus, des erreurs dans la manipulation de preuves biologiques sont pointées du doigt : empreintes digitales et éléments ADN auraient été contaminés ou mal analysés, jetant une ombre sur leur valeur probante.
Preuves scientifiques contestées
Sur le plan scientifique, l’ADN relevé sur les lieux ne correspondait pas entièrement à celui de Bernard Maigrot. L’accusation s’est appuyée sur un profil partiel, difficilement exploitable, dont l’intégrité a été fortement contestée par la défense. Celle-ci a mis en lumière des lacunes méthodologiques dans le traitement et l’analyse de l’échantillon, renforçant le doute autour de la fiabilité des preuves présentées.
Délais judiciaires extrêmes
L’affaire a été marquée par une lenteur judiciaire sans précédent. Entre 2001 et 2025, les reports d’audience, les changements de juges, les recours successifs et les réouvertures de procédures se sont enchaînés. Plusieurs périodes d’inactivité totale, notamment entre 2008 et 2011, ont contribué à l’érosion de certaines preuves et à l’amplification du sentiment d’injustice chez les proches de la victime comme chez le principal accusé.
L’affaire Vanessa Lagesse reste un des plus grands cold cases de l’histoire judiciaire mauricienne. Si la justice a finalement acquitté Bernard Maigrot après 24 années de procédures et revirements, le mystère du meurtre reste entier. La victime n’a jamais obtenu de justice claire. La question demeure : le véritable auteur du crime sera-t-il un jour identifié ?
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