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Libérons nos villes du joug du pouvoir central

21 mars 2025, 12:35

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Le temps est venu de desserrer l’étau. De libérer ces villes asphyxiées sous le poids d’un pouvoir central omniprésent. De rendre aux conseils municipaux leur raison d’être et aux citoyens leur capacité à façonner le quotidien de leurs quartiers. Les élections municipales du 4 mai 2025 marqueront la fin d’une décennie d’attente, mais surtout, elles seront un test crucial : sommes-nous encore capables de faire vivre la démocratie locale ?

Car, au fil des ans, l’échelon municipal est devenu une coquille vide. Un simulacre de gouvernance locale, où l’autonomie n’est plus qu’un lointain souvenir. Les mairies, vidées de leurs prérogatives, sont devenues des bureaux administratifs aux ordres du pouvoir central. Cette confiscation insidieuse n’est pas le fruit du hasard, mais d’une stratégie délibérée.

Les trois reports successifs des élections municipales sous prétexte de réforme ou de pandémie ont révélé l’objectif inavoué d’un gouvernement MSM qui craignait le suffrage urbain. Car le vote des villes a toujours été un baromètre des tendances politiques, un miroir où se reflète, souvent avec brutalité, l’état de l’opinion publique.

Port-Louis, Beau-Bassin–Rose-Hill, Quatre-Bornes, Vacoas-Phoenix et Curepipe ne sont plus que des ombres d’elles-mêmes. Jadis, elles avaient leurs identités propres, portées par des élus qui connaissaient leurs rues, leurs places, leurs marchés, leurs écoles, et qui avaient les moyens d’agir. Aujourd’hui, que reste-t-il ?

Des trottoirs défoncés, des projets en souffrance, des bâtiments municipaux décrépis, et surtout, une indifférence généralisée, hantée par les fantômes de Manhattan.

Le pouvoir central a tout verrouillé. Il détient les finances, dicte les décisions et impose des administrateurs qui ne rendent compte qu’au gouvernement et non aux habitants. À quoi bon élire des conseillers si ceux-ci n’ont ni budget ni pouvoir pour mener à bien leurs missions ?

Divers ministres des Collectivités locales nous promettent une grande réforme des administrations régionales. On nous parle de modernisation, d’autonomie renforcée, de nouvelles villes. Mais l’histoire récente nous apprend la prudence : combien de fois a-t-on annoncé de grandes transformations qui n’étaient en réalité que des replâtrages visant à renforcer encore davantage le contrôle du pouvoir en place ?

Si l’ambition est sincère, alors il faut des garanties solides :

  • Une autonomie financière réelle pour que les municipalités puissent lever des fonds et gérer leurs budgets sans passer par la case «approbation ministérielle».

  • Des compétences élargies pour permettre aux villes de piloter elles-mêmes leurs infrastructures, leurs espaces verts, leur mobilité urbaine.

  • Des institutions locales indépendantes, protégées des interférences politiques qui transforment les conseils municipaux en chambres d’enregistrement des desiderata du gouvernement.

Mais ces garanties ne viendront ni des ministres ni des bureaucrates ; elles ne viendront que d’un électorat vigilant et exigeant.

Un test pour la démocratie

Ces élections sont bien plus qu’un simple rendez-vous électoral. Elles sont un test grandeur nature pour les partis politiques, en particulier ceux qui ont récemment conquis le pouvoir central. L’Alliance du changement, forte de son écrasant 60-0 aux législatives, devra prouver qu’elle est capable de coexister avec une opposition municipale et qu’elle ne tombera pas dans les mêmes travers que ses prédécesseurs.

L’opposition parlementaire, elle, a l’occasion de prouver qu’elle n’est pas hors-jeu, même si la motivation et les moyens ne sont plus là. Le PTr et le MMM doivent démontrer qu’ils restent des forces mobilisatrices, capables de convaincre l’électorat urbain, qu’ils sont encore pertinents. Quant au MSM et au PMSD, ils devront reconstruire ce qui reste de leur influence. Une absence signifierait une fuite en avant…

Mais au-delà des calculs partisans, le vrai défi sera la mobilisation citoyenne. Une faible participation traduirait un rejet profond de la politique locale et enverrait un message clair : les habitants ne croient plus à leur capacité à peser sur leur propre avenir.

*** 

Il suffit de traverser Curepipe pour comprendre ce qui est en jeu. La «Ville lumière» n’est plus que l’ombre d’elle-même. Les herbes folles envahissent les terrains en friche, les chaussées sont lézardées par le temps et le béton grignote inexorablement ce qui reste d’espaces verts. Ce constat vaut pour toutes les villes.

Le problème ne vient pas seulement d’un manque de moyens, mais d’un manque de vision. On ne gouverne pas une ville comme une entreprise publique, encore moins comme une sous-préfecture du gouvernement central. Il faut des élus proches du terrain, libres d’agir, capables d’imaginer des projets pour leurs concitoyens.

Le centralisme excessif est un poison pour la démocratie. Si la décentralisation n’est pas un simple mot creux, alors il est temps de lui redonner du sens. Il faut rendre aux villes leurs compétences, leurs finances, leur capacité à décider. Il faut leur redonner des élus qui rendent des comptes aux citoyens, et non à un ministère.

Les élections du 4 mai 2025 doivent être un sursaut. Les villes de Maurice ne peuvent plus être de simples annexes administratives. Elles doivent redevenir des espaces de décisions, de projets et d’ambitions collectives.

La démocratie ne se limite pas à voter tous les cinq ans aux législatives. Elle vit aussi dans nos quartiers, nos rues, nos marchés, nos espaces publics. Si nous voulons une meilleure gouvernance, c’est à ce niveau qu’il faut la construire.

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