Publicité

Tourisme

L’Europe boude-t-elle vraiment Maurice ?

25 juin 2025, 16:06

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

L’Europe boude-t-elle vraiment Maurice ?

Entre janvier et mars 2025, le nombre d’arrivées de touristes à Maurice, de manière générale, a reculé de 6 % par rapport à la même période en 2024. Pour les trois principaux marchés européens – France, Grande-Bretagne et Allemagne – les arrivées ont reculé de 9 %. Nous avons sollicité le directeur de la MTPA, Avinash Teelock, et l’ex-ministre du tourisme pour un état des lieux du secteur.

Dans un article du Figaro du 10 juin, le directeur de la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA) déclarait : «Bien que nous constations une diminution des arrivées touristiques, nous refusons de rester de simples spectateurs.»* Sollicité par l’express au sujet des chiffres de mai 2025 et sur la manière dont ce refus de rester de «simples spectateurs» se traduit concrètement, Avinash Teelock nous répond : «Permettez-moi de vous rassurer : le secteur du tourisme est bel et bien revenu sur une trajectoire positive. Après un début d’année lent, pour diverses raisons, nous avons observé un fort rebond à partir d’avril 2025, avec une croissance continue des arrivées et un regain de confiance dans les marchés clés.»

Pour le mois d’avril, Maurice a enregistré une hausse de 13,76 % des arrivées par rapport à avril 2024, explique AvinashTeelock. «Cette performance ne constitue pas une reprise ponctuelle, mais bien le début d’une tendance haussière durable, puisque le mois de mai a suivi avec une croissance impressionnante de 9,66 %.À cet effet, sur la période de janvier à mai 2025, Maurice a enregistré 561 636 arrivées touristiques, tous marchés confondus, contre 557 133 à la même période en 2024, soit une hausse globale de +0,8 %.»

De l’article paru dans Le Figaro, il offre une analyse nuancée :«Le titre du Figaro interpelle, mais il ne rend pas pleinement compte de la réalité nuancée observée dans les chiffres de fréquentation touristique. Sur la période de janvier à mai 2025, les arrivées en provenance d’Europe ont certes diminué de -9,31 % par rapport à 2024, passant de 403 790 à 366 219 visiteurs, soit une baisse nette de 37 571 arrivées.» Néanmoins, il précise que cette baisse cache une dynamique contrastée :«D’un côté, les arrivées par voie aérienne ont en réalité progressé légèrement, atteignant 359 175 visiteurs contre 358 725 en 2024, soit une hausse de +0,13 %. De l’autre, ce sont les arrivées par croisière qui ont fortement chuté, passant de 15 065 à 7 044, soit une baisse de -53,24 %.»

Il invite à comprendre ce qui s’est passé les trois premiers mois de 2025 :«Ils ont été marqués par une baisse continue des arrivées touristiques en provenance d’Europe, avec un recul global de -8,85 % par rapport à la même période en 2024. 218 849 arrivées en 2025, contre 240 009 en 2024, soit une perte cumulée de 21 160 visiteurs, ce qui représente une baisse de -8,85 % sur le trimestre.» Il invite aussi à une lecture plus attentive de la situation, estimant qu’elle ne reflète pas une perte d’attractivité de la destination, mais plutôt un enchaînement de facteurs conjoncturels.

Parmi les facteurs notables, le cyclone Garance (27-28 février) qui a fortement perturbé le trafic aérien, entraînant des annulations de vols et de séjours, impactant les chiffres de février.Ensuite, l’année 2024 étant bissextile, le mois de février comptait 29 jours, contre 28 en 2025. «Ce jour en moins équivaut à une perte estimée d’environ 3 500 visiteurs dans les statistiques comparatives.» Avinash Teelock ajoute qu’en 2025, les vacances de Pâques étaient en avril, alors qu’elles étaient en mars en 2024. Un changement qui fait glisser une partie des voyages touristiques de mars à avril, ce qui explique en partie la baisse des arrivées en mars 2025 et la hausse enregistrée en avril. Enfin, le foyer épidémique de chikungunya détecté à La Réunion entre février et mars a eu un impact négatif sur les flux touristiques, en particulier les arrivées en provenance de France et de La Réunion.

Avinash Teelock se veut rassurant avinash.png

«Les chiffres provisoires pour les deux premières semaines de juin 2025 font état de 48 428 arrivées touristiques contre 41 906 sur la même période en 2024, soit une hausse de 15,6 % en glissement annuel.» Cette progression semble confirmer et consolider la tendance haussière amorcée en avril, illustrant à la fois le retour de la confiance des voyageurs et la pertinence des actions engagées pour soutenir la reprise du secteur. Le directeur de la MTPA nous communique les chiffres pour mai 2025 :«L’île Maurice a accueilli 65 006 touristes européens en mai 2025 contre 60 990 en mai 2024. Cela représente une hausse de +6,58 %, soit +4 016 arrivées supplémentaires.»

Le directeur de la MTPA livre ensuite une feuille de route détaillée : le repositionnement de Maurice avec la stratégie All Year Round, la réorganisation du marketing de la MTPA, la co-construction avec le secteur privé, l’investissement dans des outils technologiques avancés (IA et data analytics), le déploiement d’un marketing d’influence et de contenu stratégique, un positionnement international par une approche plus offensive, l’exploration de nouveaux horizons en étendant la couverture géographique et la mise en avant d’une nouvelle identité de destination responsable, valorisant l’hospitalité, les traditions, la gastronomie locale, la diversité culturelle et la nature. Il conclut : «Cela fait maintenant trois semaines que je suis à la MTPA et je m’inscris pleinement dans la vision du ministre Richard Duval en poursuivant les chantiers déjà engagés sous son impulsion. Je suis reconnaissant aussi au ministre délégué Sydney Pierre et à Claire Le Lay, présidente de la MTPA.»

Steven Obeegadoo : «Une réforme structurelle liée à l’offre, la demande et l’accès aérien»

L’ex-ministre du Tourisme, Steven Obeegadoo, qui a passé en revue les statistiques explique que de janvier à mars 2025 – le nombre d’arrivées de touristes à Maurice a reculé de 6 % et de 9 %«pour nos trois principaux marchés européens – France, Grande-Bretagne et Allemagne» Il note un recul aussi en avril et mai 2025. «Pour la période de janvier à mai 2025, les arrivées de France ont diminué de 4%. Pour l’Allemagne, c’est plus conséquent : –20 %, soit un cinquième de touristes en moins.Par contre, pour la Grande-Bretagne, on observe une amélioration de 5%.»**«Il est bien trop tôt pour conclure qu’il y a une tendance longue, qu’il y aurait un désamour des touristes européens vis-àvis de Maurice, et que Maurice perde de son attractivité sur le marché européen.Je ne veux donc pas m’aventurer à confirmer ce que suggère l’article du Figaro», avance-t-il. steven.png

Steven Obeegadoo suggère que la baisse des arrivées européennes pourrait être liée à des facteurs conjoncturels:«Premièrement, la crainte du mauvais temps. Souvenons-nous qu’au début de 2024, nous avons connu des pluies torrentielles.Deuxièmement,cela pourrait être lié à la connectivité aérienne, sachant que depuis un certain temps déjà, les touristes français, en période de pointe, peinent à trouver des places sur les vols directs Paris-Maurice.» Il poursuit : «Il y a des facteurs conjoncturels propres au marché français lui-même: il faudrait comparer le nombre d’arrivées sur Maurice aux arrivées de Français sur d’autres destinations de l’océan Indien ou des Caraïbes. Il faut du temps pour cela. Donc, si on veut être sérieux, si on veut être objectif, il est trop tôt pour conclure à une tendance longue.»

Il reconnaît néanmoins que Le Figaro a raison de suggérer qu’il y a des efforts à fournir du côté du tourisme mauricien : «Nous savons tous que, d’une part, la qualité et la durabilité de notre produit touristique demandent à être priorisées. Je pourrais faire référence, par exemple, à l’érosion de nos plages, à la gestion de nos parcs, jardins et musées, ainsi que l’état de propreté des lieux fréquentés par les touristes. Ainsi, sur les circuits touristiques, il y a évidemment, en termes de qualité, encore beaucoup à faire.» Il met en avant le problème majeur de la main-d’œuvre mauricienne, soulignant que, dans les hôtels, les touristes étrangers sont de moins en moins en contact avec des Mauriciens, et de plus en plus avec des travailleurs venus de l’étranger. Or, c’est un facteur important qu’on ne devrait pas négliger, explique-t-il.

Steven Obeegadoo expose trois réformes pour développer le secteur: une réforme structurelle liée à l’offre, à la demande et à l’accès aérien :«Premièrement, il y a ce que j’appelle les problèmes structurels du tourisme mauricien, ayant trait à l’offre. Il y a un besoin de redéfinir le produit touristique mauricien lui-même, en développant d’autres formes de tourisme. On a longtemps parlé de tourisme culturel, de tourisme historique, de tourisme de l’intérieure du pays, de tourisme pour ceux qui aiment l’aventure, de tourisme médical, ou encore de tourisme destiné aux personnes âgées, qui viendraient prendre leur retraite et séjourner plus longtemps à Maurice. Donc, il s’agit de redéfinir l’offre touristique mauricienne, afin qu’elle puisse répondre aux tendances et à l’évolution du marché.»

Deuxièmement, pour la réforme liée à la demande, il recommande d’être encore plus présents et agressifs sur les marchés traditionnels: Grande-Bretagne, Allemagne, France (incluant La Réunion) et Afrique du Sud. «Il faut aussi être beaucoup plus présents dans les marchés nouveaux qui s’offrent à nous: l’Inde, le Moyen-Orient, la Chine et l’Afrique.» Troisièmement, il propose une réforme liée à l’accès aérien : «Il y a longtemps que nous débattons de l’ouverture du ciel mauricien. Je pense que ce débat est plus pertinent que jamais.»

Pour conclure, Steven Obeegadoo affirme qu’il est encore trop tôt pour parler d’une véritable tendance à la baisse du tourisme européen à Maurice. Toutefois, il souligne l’existence de problèmes urgents et la nécessité de redéfinir les priorités pour l’avenir du secteur touristique mauricien. Il estime qu’il faut être plus ambitieux dans son développement: «Malheureusement, le Budget et le discours du ministre des Finances, quand il dit qu’il fait un choix entre la qualité et la quantité, quand je vois aussi les projections dans les documents budgétaires pour l’avenir, qu’il s’agisse de recettes touristiques, du nombre de touristes que nous souhaitons accueillir, j’estime qu’il nous faut être beaucoup plus ambitieux pour un développement du tourisme mauricien qui pourrait continuer à être un des moteurs du développement économique national.»

Publicité