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Économie
Les premiers gros chantiers
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Économie
Les premiers gros chantiers
Malgré l’état désastreux des finances publiques, avec une dette publique calculée à 86 % du PIB en décembre dernier et un déficit budgétaire projetée de 6,7 % pour l’exercice fiscal 2024-25, l’économie mauricienne est dans une bonne dynamique. Cela se reflète dans le taux de croissance de 5,1 % du PIB pour 2024.
Au niveau des grandes entreprises, les résultats financiers sont convaincants. Ainsi, le Groupe IBL a déjà franchi la barre des Rs 100 milliards pour son exercice financier se terminant en juin 2024. La plus grosse entreprise mauricienne devrait faire encore mieux cette année. Pour les six premiers mois du présent exercice financier, son chiffre d’affaires a augmenté de 21 %, passant à Rs 61,3 milliards contre Rs 50,6 milliards pour la période correspondante, l’année dernière.
Le Groupe CIEL a, quant à lui, vu son chiffre d’affaires grimper de 6 % pour passer à Rs 18,9 milliards pour les six premiers mois de l’exercice financier 2024-2025. Alors que le Groupe ENL affiche des revenus semestriels de Rs 14,8 milliards, soit une progression de 24 % d’un exercice financier à l’autre. Encore mieux : le Groupe MCB a réalisé des profits record de Rs 10 milliards pour les six premiers mois de sa précédente année financière se terminant le 31 décembre 2024.
Ces bonnes performances ne doivent pas nous faire perdre de vue les problématiques structurelles inhérentes à l’économie mauricienne, comme notre incapacité ces vingt dernières années à développer de nouveaux pôles de croissance, la nécessité de renforcer notre base industrielle, ou encore la concentration des investissements directs étrangers dans le secteur de l’immobilier résidentiel de luxe.
En parallèle, le pays fait face à un sérieux problème démographique. Le vieillissement de la population couplé à la baisse de natalité fait que d’ici à 2038, la population en âge de travailler devrait chuter de 11,7 %, comme le souligne le dernier rapport d’AXYS intitulé The hands that build Mauritius: challenges, opportunities and the future of labour. Cette étude révèle également que l’émigration s’est accélérée depuis le tournant du millénaire, avec le nombre de Mauriciens émigrés passant de 119 003 en 2000 à 182 973 en 2020, soit une croissance annuelle de 2,2 % en moyenne. Parmi ces émigrés, l’on compte un grand nombre d’entrepreneurs et de professionnels qui, quoique désireux de retourner au pays, préfèrent finalement continuer à mettre leurs compétences au service de sociétés étrangères car l’écart des salaires est trop important entre ce qui est pratiqué à l’étranger et à Maurice.
Prenons le cas du Luxembourg. Depuis ces dix dernières années, les sociétés luxembourgeoises recrutent massivement au sein des firmes comptables mauriciennes. Ainsi, des centaines d’experts-comptables se sont expatriés au Luxembourg. Pour ces professionnels, une telle opportunité est difficile à refuser car, d’une part, c’est l’occasion pour eux d’acquérir une expérience inestimable dans un centre financier de réputation internationale. Et, d’autre part, ils perçoivent là-bas un salaire annuel avoisinant les 50 000 euros.
Pendant trop longtemps, nos gouvernants se sont focalisés sur des priorités de court terme, en privilégiant une stratégie de croissance axée sur la consommation et ne se sont pas attaqués à des problèmes de fond. Ayant reçu un mandat clair de la population pour mettre de l’ordre dans l’économie et les finances publiques, ce gouvernement dispose d’une fenêtre de cinq ans pour agir avec bon sens et pragmatisme. En cela, son premier vrai test sera le Budget 2025-2026, lequel sera présenté dans moins de trois mois.
Mais, disons-le tout de suite. Pour son premier budget, ce gouvernement devra surtout se concentrer sur les priorités immédiates. La première priorité est d’assainir les finances publiques. Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a pris les choses par le bon bout en exigeant de ses ministres qu’ils se livrent sur une base trimestrielle à une évaluation de performance dans l’exécution des programmes gouvernementaux tombant sous leur tutelle. De même, ils ont reçu comme directive de ne pas participer aux missions considérées comme étant non essentielles. Parallèlement, l’on s’attend à ce que le Fiscal Responsibility Act soit voté dans le même intervalle que la loi de finances. L’objectif est clair : il faut à terme ramener le déficit budgétaire au plus près des 3 % du PIB et enclencher une stratégie de désendettement de l’État et des corps parapublics. À un moment où Maurice se voit affublé d’une note de Baa3, avec une perspective négative, il est urgent qu’on abaisse la dette publique et qu’on rétablisse la confiance dans les institutions démocratiques sous peine de perdre notre statut de pays investissable (Investment grade) dans un proche avenir.
La deuxième priorité doit être l’amélioration du climat des affaires. Jusqu’en 2019, Maurice figurait à la 14ᵉ place du classement de la Banque mondiale sur la facilitation de faire des affaires. Au niveau de l’Afrique subsaharienne, on occupait la première place. Or, depuis ces dernières années, le pays a perdu son attrait en tant que juridiction propice aux affaires. D’après le rapport Business Ready de la Banque mondiale, on se situerait autour de la 4e place en Afrique subsaharienne. L’on ne peut plus se permettre de glisser davantage. D’où l’importance que le gouvernement vienne de l’avant avec une nouvelle génération de réformes économiques et fiscales pour améliorer l’attrait du pays par rapport à ses pairs africains. Dans le même temps, il s’agit de donner à l’Economic Development Board les moyens pour intensifier ses campagnes promotionnelles afin qu’on puisse attirer plus de capitaux étrangers dans des secteurs productifs, comme les énergies renouvelables, l’économie bleue, les services financiers, la fintech ou encore les biotechnologies.
La troisième priorité consiste à accélérer la diversification de l’économie. Depuis le développement du secteur des Tic-BPO et de l’immobilier résidentiel de luxe au début des années 2000, le pays n’a malheureusement pas vu l’émergence de nouveaux piliers économiques. Il est temps qu’on rectifie le tir. La transformation de Maurice en un État océan est l’un des objectifs phares du gouvernement. Aujourd’hui, bien que notre zone économique exclusive s’étende sur près de 2,3 millions de kilomètres carrés, on n’est pas autosuffisant en produits de la mer, étant dans l’obligation d’importer quelque 50 000 tonnes de poisson annuellement autant pour la consommation que pour l’industrie de la transformation. Le secteur des biotechnologies est un autre vivier de croissance à exploiter.
Quatrième priorité : redynamiser la diplomatique politique et économique. Sous l’ancien gouvernement, Maurice a alterné les bons et moins bons résultats dans sa capacité à utiliser la diplomatie comme levier de croissance. Ainsi, côté pile, on a conclu des Comprehensive Economic Partnership Agreements avec l’Inde et les Émirats arabes unis. De même, les efforts diplomatiques ont abouti au financement par l’Inde du projet de Metro Express. Côté face, on a été exclu des forums de la Southern African Development Community. Cela ne fait pas sérieux à un moment où l’on parle de positionner Maurice comme une plateforme financière et commerciale pour desservir l’Afrique. Dans ce monde multipolaire, la diplomatie est une arme puissante pour servir nos intérêts économiques et commerciaux. La récente visite d’État du Premier ministre indien, Narendra Modi, est une preuve qu’une diplomatie forte est essentielle. Ainsi, Maurice et l’Inde ont signé des accords clés portant sur la sécurité maritime, la recherche océanographique et la lutte contre les crimes financiers.
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