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Les ombres de la guerre

5 janvier 2025, 05:00

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La guerre nous échappe. Elle se glisse dans les interstices de l’histoire et de la géographie. Elle s’impose là où la paix semblait durable. Elle prend nos terres et nos espoirs. Aux Chagos, elle a confisqué nos îles. Un archipel arraché à notre souveraineté en 1965, puis transformé en base militaire sous la bannière anglo-américaine. Un morceau de notre territoire devenu le symbole d’une époque où l’océan Indien servait d’échiquier à la Guerre froide. Aujourd’hui encore, Diego Garcia, ce nom lointain, murmure l’injustice et la trahison des pays du Nord.

Le monde n’a pas vraiment changé. Ou peut-être a-t-il empiré. À l’horizon, des navires sillonnent la mer de Chine. Des missiles menacent Gaza et l’Ukraine. L’ombre nucléaire plane sur l’Europe. L’économie mondiale s’adapte déjà à ces fracas. Les industries de la guerre prospèrent. Et Maurice, petite île perdue au milieu de l’océan, se retrouve, malgré elle, dans la tourmente, au cœur des négociations stratégiques.

La base militaire de Diego Garcia devient un sujet de brûlante actualité entre Washington, DC, Londres et Port-Louis. Officiellement, les États-Unis louent l’île pour défendre leurs intérêts stratégiques. Officieusement, elle est une clé dans les nouvelles rivalités avec la Chine. Mais que vaut la parole des grandes puissances ? À Hiroshima, on avait promis que ce serait la dernière bombe. Aujourd’hui, on parle d’armes hypersoniques et de sous-marins nucléaires.

Les Mauriciens, eux, restent dépossédés. Les Chagossiens exilés n’ont toujours pas retrouvé leur terre. Pourtant, au fil des réunions diplomatiques et des jugements internationaux, la question demeure : Diego Garcia redeviendra-t-elle un jour mauricienne ? Mais à quel prix ? Les traités, souvent, ne servent qu’à masquer la réalité. Le pouvoir se forge dans les rapports de force. Et dans ce monde d’intérêts économiques, la guerre nourrit les marchés.

Maurice n’est pas à l’abri. On dit souvent que la guerre est loin de nos rivages. Mais nos banques ressentent déjà la pression des sanctions internationales. Nos ports doivent s’adapter aux nouvelles routes commerciales dictées par la géopolitique. Nos réserves énergétiques dépendent d’alliances fragiles. La guerre est ici, invisible mais réelle.

Alors, devons-nous craindre que la guerre devienne un pilier de notre économie ? Faut-il accepter que notre avenir se construise sur des bases militaires et des accords stratégiques imposés par les puissants ?

Certains diront que nous n’avons pas le choix. Que les petits pays doivent céder pour survivre. D’autres rappelleront que Maurice a su s’élever grâce à son peuple/ ses dirigeants et à sa résilience.

Mais il est urgent de poser la question : à qui appartiennent nos terres et nos mers ? La souveraineté, après tout, ne se limite pas à des traités. Elle se vit. Elle se protège. Elle se défend.

Nous devons rester vigilants. Car dans ce monde troublé, où les frontières s’effacent sous les balles, il est facile de devenir une monnaie d’échange. Nous devons refuser de faire de Diego Garcia un symbole d’abandon. Refuser de voir notre avenir dicté par les armes. Et surtout, nous devons croire encore à la paix. Non pas comme un rêve lointain, mais comme un droit à reconquérir. Pour Diego Garcia. Pour Maurice. Pour l’humanité.

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Depuis Hiroshima, l’humanité vit avec un spectre nouveau – sa propre fin. Les bombes tombées sur le Japon, les 6 et 9 août 1945, ne marquent pas seulement un tournant militaire. Elles signalent l’instant où l’homme a saisi qu’il pouvait s’éteindre.

Aujourd’hui, ce spectre plane encore. Il habite les tensions en Ukraine, les conflits au Moyen-Orient, et les mers où voguent des navires de guerre. Dans ce théâtre d’ombres, les puissants pèsent leurs intérêts. Mais la question demeure : qui osera presser le bouton rouge ?

L’économie mondiale, déjà marquée par l’inflation et la dépendance aux énergies fossiles, vacille sous ces menaces. Les guerres, naguère lointaines, s’invitent dans nos échanges commerciaux et nos réserves stratégiques. Maurice, île paisible, n’échappe pas aux remous.

La guerre nourrit des marchés. Elle façonne des alliances. Elle marginalise les petites nations. Faut-il pour autant accepter qu’elle devienne un pilier de notre économie ? Devons-nous céder à cette logique qui transforme les terres volées en atouts stratégiques ?

L’histoire nous enseigne que la guerre n’est jamais loin. Les passions humaines – la peur, la cupidité, la gloire – la réveillent sans cesse. Mais elle n’explique pas tout. Comme le disait Rousseau, ce sont les États, et non les hommes, qui s’affrontent. Dans un monde qui vacille, c’est là, peut-être, notre ultime bataille : défendre la paix, même lorsque tout semble la nier.

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