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Budget 2025-26
Les acteurs du handicap entre déception, espoir et appel à l’inclusion réelle
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Budget 2025-26
Les acteurs du handicap entre déception, espoir et appel à l’inclusion réelle

■ Le handicap est une priorité politique à repenser, soutiennent les différents intervenants concernant les mesures budgétaires annoncées jeudi dernier.
Le tout premier Budget de l’Alliance du changement, présenté jeudi dernier par le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, était attendu avec ferveur par de nombreuses franges de la société. Parmi elles, les personnes en situation de handicap, leurs familles et les associations qui militent depuis des décennies pour une société plus inclusive. Mais à écouter les principaux concernés, un constat s’impose : si quelques mesures sont saluées, le sentiment général oscille entre frustration, désillusion et appel à faire mieux.
Ali Jookhun, président de l’African Down Syndrome Network, ne mâche pas ses mots : «Il faut bien comprendre que c’est le premier Budget de l’Alliance du changement et, du coup, l’attente était grande. Il y a eu des engagements électoraux très forts, notamment en faveur des personnes en situation de handicap. Mais quand on regarde ce Budget, ce n’est pas tally.» Engagé depuis plus de 30 ans dans la défense des droits des personnes en situation de handicap, sans appui réel des autorités, il déplore une nouvelle fois le manque de vision structurelle : «On a encore l’impression de devoir mendier.»
S’il reconnaît que certaines annonces vont dans le bon sens – notamment la prise en charge des frais de transport pour les enfants atteints d’autisme –, il reste prudent. «C’est une bonne mesure sur le papier, mais on ne connaît ni les critères ni les mécanismes. Et si un enfant autiste n’est pas éligible à une pension, aura-t-il quand même droit au remboursement du taxi ?»
L’une des critiques majeures formulées par les acteurs associatifs est l’approche ciblée, voire fragmentaire, des mesures annoncées. «Pourquoi uniquement les enfants atteints d’autisme ?», interroge Ali Jookhun. «Il aurait fallu inclure les autres types de handicap intellectuel, comme les enfants trisomiques. Eux aussi rencontrent de grandes difficultés à se déplacer dans les transports en commun. Le bus, ce n’est pas adapté et les stimuli sonores peuvent être très perturbants.»
Mobilité, accessibilité et dignité
Même son de cloche chez Véronique Marisson, éducatrice spécialisée et handisportive. Pour elle, ce Budget laisse «un goût d’inachevé». «Il y a tellement de choses qui auraient pu être faites, même en posant des gardefous.» Elle regrette particulièrement le maintien de la Carer’s Allowance à Rs 3 500. «On ne demande pas qu’on donne à tout le monde, mais il aurait fallu l’augmenter avec des critères clairs. Les parents qui s’occupent à plein temps de leurs enfants porteurs de handicap méritent mieux.» Pour elle, cette aide ne devrait pas être vue comme un simple transfert d’argent : «Il faut s’assurer que l’allocation bénéficie réellement à la personne en situation de handicap. Aujourd’hui, certains adultes handicapés n’en bénéficient pas alors qu’ils en ont besoin.»
La question du transport est revenue à plusieurs reprises dans les commentaires recueillis. Si les frais de taxi pour les enfants autistes et atteints de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) sont désormais remboursés, de nombreuses voix regrettent que cette mesure ne soit pas plus inclusive. «Quand on parle d’inclusion, on parle de tous les types de handicap, pas uniquement de ceux qui sont visibles ou populaires», rappelle Ashvin Gudday, vice-président de l’Association pour les droits des handicapés (APDH). Pour lui, l’annonce d’un budget de Rs 1,3 milliard alloué à la National Social Inclusion Foundation est une avancée, tout comme l’augmentation à Rs 40 000 pour l’achat d’équipements adaptés. Mais là encore, il pointe les limites : «Dès que les revenus d’un couple handicapé dépassent un certain seuil, il ne peut pas bénéficier de cette aide. Or, certains appareils coûtent bien plus cher.» Il insiste également sur la formation de personnel qualifié – enseignants spécialisés, support teachers, caregivers – et sur la communication inclusive : «L’introduction de la langue des signes au Parlement ou dans les lieux publics est une bonne chose, mais il faut que cela se concrétise.»
Des propositions concrètes
Tous s’accordent à dire qu’un Budget ne peut pas tout faire, mais qu’il peut, et doit, poser les bases d’une transformation en profondeur. Véronique Marisson propose par exemple d’augmenter drastiquement les amendes pour les automobilistes qui se garent sur les places bleues. «Si on fixait l’amende à Rs 50 000, on pourrait utiliser cette somme pour financer des équipements – cannes, fauteuils roulants, lunettes, appareils auditifs – pour ceux qui en ont vraiment besoin.» Du côté de l’APDH, on milite activement pour la mise en place d’un soutien financier aux enfants porteurs d’implants cochléaires. «Il faut changer l’appareil tous les cinq ans et c’est un coût énorme pour les familles vulnérables», rappelle Ashvin Gudday.
Ce que dénoncent surtout les acteurs de terrain, c’est une absence persistante de vision systémique. «Le handicap, ce n’est pas un cadeau bien emballé qu’on sort une fois par an dans un Budget», lance Ali Jookhun. «Il faut aller en profondeur. Il faut soulager la famille, soutenir l’enfant et créer un environnement réellement accessible.» Les infrastructures publiques, les écoles, les transports et les lieux culturels doivent être pensés avec et pour les personnes handicapées. Et surtout, «il faut mettre à la tête des instances des personnes qui comprennent vraiment la réalité du handicap», ajoute-t-il.
En conclusion, si certaines annonces du Budget 2025-26 sont favorablement accueillies, elles ne suffisent pas à répondre à l’ampleur des besoins ni aux attentes suscitées. Les associations et militants du handicap attendent désormais des actions concrètes, une concertation réelle, et surtout, une reconnaissance pleine et entière de leur combat quotidien. L’inclusion, disent-ils, ne peut pas se limiter à quelques lignes budgétaires : elle doit devenir une culture politique.
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