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Édito

Le souffle d’un contre-pouvoir

24 janvier 2025, 04:36

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La majorité écrasante de l’Alliance du changement, arrachée en novembre dernier, n’est pas seulement une victoire. Elle est un avertissement. Sans opposition parlementaire réelle – deux voix pour contrer 64 –, le gouvernement gouverne seul. Il n’y a pratiquement plus de débat contradictoire. Plus de garde-fous. L’équilibre démocratique se meurt, silencieusement.

Mais une brèche s’ouvre . Roshi Bhadain, leader du Reform Party, annonce son retour et met fin à sa retraite politique prématurée. Il appelle à l’action. Les élections municipales, prévues le 4 mai prochain, après trois renvois sous l’ancien régime, seront son champ de bataille. Il le dit sans détour : un pouvoir sans opposition, dans les villes comme au Parlement, devient totalitaire. Il appelle donc les jeunes, les citoyens, à le rejoindre. Avec eux, il espère bâtir un contre-pouvoir, une force capable de rétablir l’équilibre après le troisième 60-0 de notre histoire.

Les municipales ne sont pas un simple scrutin. Elles sont une opportunité. Après dix ans d’attente, elles permettent à des partis décimés de renaître. À des figures politiques effacées de revenir. À des citoyens désabusés de s’exprimer. Dans les villes, là où vivent près de 400 000 électeurs, les voix pourront enfin se faire entendre.

Mais il ne suffit pas de parler d’opposition. Encore faut-il la construire. La décentralisation, promise depuis des années, reste une illusion. Les municipalités sont des coquilles vides, soumises à un exécutif omniprésent. La réforme annoncée par le gouvernement, qui veut transformer des villages en villes et renforcer l’autonomie locale, doit être plus qu’un discours. Elle doit devenir réalité. Une démocratie ne respire que par ses institutions. Si les villes retrouvent leur force, elles peuvent redevenir des espaces de débat, de critique, de proposition. Elles peuvent devenir ce qu’elles doivent être : un contrepoids au pouvoir central.

L’histoire récente nous enseigne la nécessité du contre-pouvoir. En 1982, l’alliance MMM-PSM a sombré sous le poids de ses propres excès. En 1995, le mariage entre le PTr et le MMM n’a pas tenu face aux rivalités internes. Et aujourd’hui, le «60-0» de l’Alliance du changement n’est pas à l’abri d’une implosion. À chaque fois, le manque de débat, le refus de l’altérité, a mené à l’échec.

Roshi Bhadain, en revenant, pourrait motiver d’autres dirigeants qui ne se sont pas encore remis de leur défaite. Il ne promet pas de miracles. Il promeut un rôle, celui de «chien de garde». Son parti ne vise pas à tout contrôler mais à surveiller, à critiquer, à proposer. Il offre un modèle d’opposition extra-parlementaire, en dehors de l’hémicycle mais au cœur de la vie des citoyens. Cela peut sembler modeste. Mais dans le contexte actuel, cela est essentiel.

Les citoyens ont aussi leur part à jouer. Trop souvent, ils se contentent d’observer, de critiquer de loin. Mais la démocratie exige plus. Elle exige une participation active. Chaque voix, chaque vote compte. Les municipales ne sont pas qu’un rendez-vous électoral. Elles sont une opportunité de redonner un souffle à Maurice. De rappeler au pouvoir qu’il n’est pas sans limite. De construire un futur plus équilibré.

La presse, elle aussi, porte une responsabilité. Elle ne doit pas être captive des intérêts partisans. Elle doit être libre, incisive, exigeante. Elle doit poser les bonnes questions, analyser, mettre en perspective et éviter de hurler avec les loups déchaînés.

Le chemin est long. Mais il commence ici, dans les villes. C’est là que le pouvoir peut être tempéré, contesté. C’est là que le peuple peut reprendre sa voix. Maurice ne peut se permettre un nouvel effondrement démocratique. Elle a besoin d’un équilibre, d’un contre-pouvoir. Les municipales de 2025, si elles sont bien utilisées, peuvent être ce souffle nouveau.

Le reste dépend de nous tous, électeurs.

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