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Le piège du revenu intermédiaire se referme sur le pays

8 juin 2025, 03:57

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Après le rebond technique post-Covid-19 et les 5 % et 4,7 % de croissance enregistrés en 2023 et 2024, Maurice entre de plain-pied dans un cycle de croissance moyenne de 3 % à 3,4 % jusqu’en 2030. Ce sont là les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) dans son dernier rapport sur l’Article IV rendu public le 19 juin.

Ainsi, après avoir atteint brièvement le statut d’économie à revenu élevé en 2020, le pays rentre définitivement dans le rang et sera catégorisé par la Banque mondiale comme un pays à revenu intermédiaire élevé pendant les cinq prochaines années. Le Premier ministre l’avait promis lors de la présentation du Budget 2025-2026 : il ne nous garantit pas le paradis, mais il nous empêchera de tomber en enfer. Des paroles fortes de sens traduisant l’empressement, pour ne pas dire, l’urgence du gouvernement à engager la réforme du système des pensions et à emprunter le chemin tortueux de la rigueur fiscale qui touche toutes les couches socioprofessionnelles et les entreprises de toutes tailles.

Il est un fait : pendant trop longtemps, la consommation a été le principal moteur de croissance. Concrètement, de 2014 à 2024, on a poussé à fond le levier de la demande. Pendant cette période, on s’est moins concentré sur l’activation des forces productrices, c’est-à-dire l’offre. Clairement, ce modèle avait une date de péremption. Le FMI l’a certainement compris. C’est sans doute la raison pour laquelle l’institution de Bretton Woods anticipait dans le précédent rapport sur l’Article IV de mai 2024 que la croissance serait seulement de 3,3 % de 2027 à 2029.

Cela dit, quelles sont les implications d’une croissance molle ? Et pourquoi notre incapacité à nous hisser dans la catégorie des économies à revenu élevé pourrait-elle entraver le progrès ?

Après son boom économique et les années fastes des années 90 marquées par l’avènement de l’offshore, Maurice a connu une période de croissance forte, avec des pics de 6,8 % en 1992, de 10,2 % en 2000 et 6,3 % en 2003. Puis, il y a eu un creux en 2005 (+2,7 % de PIB). Les réformes structurelles enclenchées par Rama Sithanen devaient relancer la machinerie de 2006 à 2008, lorsque la croissance a oscillé entre 5,5 % et 5,7 %. Or, ces réformes creuseront les inégalités, cassant quelque peu la confiance et, par la suite, la dynamique économique. Dans le même temps, la crise mondiale de 2007-08 va impacter lourdement l’économie mauricienne. Ces effets conjugués auront pour conséquence que le pays s’enferrera dans un cycle de croissance faible jusqu’en 2018 lorsqu’on parviendra à atteindre à nouveau le seuil psychologique des 4 % de croissance. Ce rebond de l’économie couplé à une série de mesures progressistes comme l’introduction du salaire minimum fera que Maurice se hissera dans la catégorie des pays à revenu élevé en 2020, avant que la pandémie ne bouscule l’ordre des choses.

Pourra-t-on retrouver ce statut ? Pas dans un proche avenir. Le FMI anticipe que notre PIB par tête d’habitant sera de 12 448 dollars en 2025, alors que la Banque mondiale fixe le seuil des 14 005 dollars en termes de revenu national brut pour admettre un pays dans la cercle des économies à revenu élevé. Compte tenu que notre économie va croître faiblement autour de 3,4 % jusqu’en 2030, on devrait rester dans la catégorie des économies à revenu intermédiaire élevé au moins jusqu’à la fin de la décennie. Cela veut surtout dire qu’on restera enfermé dans le piège du revenu intermédiaire (middle income trap) et que la traversée du désert risque d’être longue.

Pourquoi ce statut constitue-t-il un piège ? Tout bonnement parce que les économies à revenu intermédiaire sont, d’une part, considérées comme moins compétitives que les pays en voie de développement où la main-d’œuvre est moins coûteuse et, d’autre part, elles n’ont pas la capacité de production et d’innovation propre aux pays à revenu élevé. En raison de ce phénomène, ces pays réalisent des taux de croissance moyens, généralement en dessous des 4 % et peinent à passer au statut de pays à revenu élevé.

À l’échelle de la région, il faut savoir que les Seychelles sont reconnues par la Banque mondiale comme une économie à revenu élevé depuis 2015. Pour 2024-2025, le revenu national brut de l’État seychellois est de 17 879 dollars, alors que la performance de Maurice sera de seulement 12 448 dollars pour cette année. Autant dire que nous sommes bien partis pour prendre 15 ans de retard sur les Seychelles.

Comment sortir de ce piège ? Il faut défier les pronostics du FMI et créer au plus vite les conditions pour dynamiser la croissance à travers la production, l’investissement et l’innovation.

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