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Transport public
«Le Metro va avoir un déficit de Rs 2,1 milliards annuellement pendant 10 ans» ? Pas si sûr…
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«Le Metro va avoir un déficit de Rs 2,1 milliards annuellement pendant 10 ans» ? Pas si sûr…

Pour marquer ses débuts comme ministre, Osman Mahomed avait pris le métro. Il est interpellé par l’économiste Georges Chung sur ce mode de transport.
Cher Monsieur le ministre Osman Mahomed,
Comme vous le savez bien, le Métro fait les grands titres des journaux, les uns plus mauvais que les autres depuis ces dernières semaines. Après la publication des notes du Cabinet vendredi dernier, on ne peut, en fin de compte, que conclure que le Métro serait devenu un gros éléphant blanc surplombé de lourdes dettes et, encore plus grave, épris d’un futur fardeau à couper le souffle.
1. Ceux qui auraient fourni les données financières au Cabinet estiment que le Metro cumulera un déficit annuel de Rs 2,1 milliards au cours de ces prochaines 10 années, soit Rs 21 milliards jusqu’à 2035. Ajouté aux Rs 17 milliards de dettes déjà inscrits dans les livres de MEL, l’extraordinaire fardeau financier, si c’est bien vrai, va sans équivoque faire trembler tous les budgets de ces prochaines années. Comme ils ont déjà fait exploser les réseaux sociaux , les milliers d’internautes sont du jour au lendemain quasiment tous devenus des anti-Metro.
2. Certainement aussi à faire pleurer les Singapouriens de Singapore Corporation Enterprise ,les gestionnaires du projet Metro depuis 2012 et qui doivent sans doute se sentir profondément blessés dans la profondeur de leur professionalisme, surtout qu’ils étaient accompagnés sans relâche dès le début de l’écriture du projet, par les cadres du Métro de Singapour, réputé pour être parmi les plus efficients au monde. Mais c’est à eux de défendre leur biftek. Mais pour ceux qui ont travaillé de près, cela relève de leur devoir moral de défendre leur intégrité professionnelle.
3. Ils sont nombreux à avoir travaillé sur ce projet Métro dès le premier jour de sa mise en oeuvre et à se poser ainsi la grande question : comment avons-nous pu nous tromper à ce point-là ?Un certain nombre d’entre eux, économistes, ingénieurs, experts comptables, fonctionnaires, techniciens, avaient pourtant aussi travaillé sur tant de projets stratégiques qui ont singulièrement changé la destinée économique et sociale de notre pays depuis ces 40 dernières années.
4. Ils n’ont pas inventé le Métro Léger, il en existe des centaines comme MEL dans le monde remplissant une fonction précise, à savoir donner le choix démocratique à la population par rapport à son déplacement quotidien, d’un endroit a un autre. Pour l’Etat, c’est une grande prime, c’est le moyen le plus économique et le plus écologique dans la gestion des ressources du pays.
5. Ainsi, Monsieur le ministre, je me vois dans l’obligation de vous écrire cette lettre ouverte, afin de vous donner une lecture bien plus nuancée, voire complètement différente, de la situation financière actuelle ainsi que par rapport au futur du Métro. Afin aussi que le grand public, surtout les quelque 40 000 voyageurs quotidiens, faisant le plein des trames, y compris tous ceux qui y sont concernés d’une manière ou une autre, aient cette autre vérité.
6. Et,en fin de compte, comme je vais vous le démontrer, le Métro a encore intrinsèquement une grande valeur, comme tous les métros du monde. Si le Gouvernement décide de vendre les dettes du Métro, il va sans doute attirer beaucoup d’offres de rachat de la part de ceux qui s’y connaissent sur le plan international. Ce serait bien dommage. Le Metro contribue Rs 11 milliards à l’Actif total du pays, après les dettes.
7. Parlons d’abord des dettes du Métro, qui n’auraient jamais dû se situer à Rs 17.2 milliards. En effet, le ministère des Finances n’a jamais voulu pleinement rembourser la compagnie MEL suite aux diverses hausses de salaires que l’ancien gouvernement avait portant luimême décidées. Par ailleurs malgré les nombreuses solicitations de MEL, le ministere des Finances n’a jamais voulu rembourser dans la plénitude du coût du ticket par rapport au transport des étudiants et des seniors. Le manque à gagner se situe, Monsieur le ministre, à plusieurs centaines de millions. MEL a emprunté du ministère des Finances; ce qui aurait dû être un revenu ou un remboursement. C’est ajouter l’insulte à l’injure. Quant aux emprunts en capital, la dépréciation de la roupie a infligé une punition de plus de Rs 5 milliards dans les comptes de MEL par rapport à ces dettes.
8. Quoi qu’il en soit, de manière plus importante, on ne vous a pas révélé que le Métro affiche un solide actif total de Rs 28 milliards dans ses livres. Un projet semblable coûtera certainement bien au delà de ces Rs 28 milliards. À Edinbourg , un projet identique et meme moins longue que le trajet Port Louis-Curepipe ,soit 18.5 km, avec les mêmes cars espagnols de CAF avait couté il y a 10 ans, Rs 60 milliards au gouvernement .C’est pour dire la valeur dans les rails du Métro, soit au bas mot Rs 11 milliards.
9. Cette information, parmi les autres, pas divulguée a priori au Cabinet , issue des livres comptables de MEL, est déterminante dans la compréhension juste de l’état actuel du Métro. Un ménage qui fait l’acquisition d’une maison en empruntant une certaine somme doit sans doute apprécier ses dettes par rapport à la valeur de sa maison. Il en est de même pour toutes les entreprises. Je n’invente rien à ce propos.
10. Voyons maintenant les prétendus déficits de Rs 2,1 milliards chaque année au cours de ces prochains dix ans. A moins d’une erreur d’interprétation des données statistiques , je ne vois absolument pas comment peut-on arriver à ces déficits ce qui relève au moins d’une grosse exagération..
11. Les dépenses courantes totales ont été de l’ordre de Rs 650 millions en 2023, appelé certes à augmenter à la suite des diverses hausses de salaires de ces derniers temps. En faisant abstraction des revenus issus de la vente des tickets et autres qui auraient du être de l’ordre du même montant, je ne vois pas comment MEL va essuyer un déficit de Rs 2,1 milliards en 2025 . Bien au contraire, si le ministère des Finances avait joué le jeu conformément aux dispositions de l’étude de rentabilité, MEL aurait bouclé ses fins de mois, certes, avant paiement des intérets. Quel avenir pour le Métro ?
12. Monsieur le ministre, on ne peut concevoir que face à l’inflation galopante de ses coûts, le Métro, comme toutes les entreprises, ne peut faire les ajustement de ses prix de ventes. Les gestionnaires des métros dans le monde, de Birmingham à Edinbourg en passant par Melbourne et Singapour vont sans doute être amusés par la structure du prix du ticket du Métro local qui se situe à une moyenne de Rs 42.
13. À Edinbourg , le prix du prix du ticket varie entre Rs 120 pour quelques stations dans le centre ville, à plus de Rs 400 comprenant les 24 stations, soit en moyenne plus de Rs 250 le ticket. En Australie,le ticket du voyage est encore plus onéreux. Et encore les investissements en capital sont assurés par L’Etat compte tenu des retombées positives sur le plan économique et social pour le pays. À Canberra, cette année 2024,le gouvernement a pris à son compte l’investissement de US$ 350 millions, rien que pour l’extension de son réseau de moins de 2 km, pour gagner que 3 000 voyageurs de plus.
14. À Maurice, il n’est plus un secret pour personne que face à l’inflation galopante des salaires et de tous les produits de consommation importés ,sans une augmentation des prix de leurs ventes, toutes les entreprises sont condamnées à la fermeture. Les clients des supermarchés en savent quelque chose. Les métros du monde augmentent chaque année leur revenus avec le prix du ticket indexé au taux d’inflation. Il doit être impérativement de même pour notre Métro, cette simple règle de la bonne gestion en est une exigence de sa survie. L’ancien gouvernement hélas ne l’a jamais compris.
15. Voila, Monsieur le ministre, une autre vérité : MEL est déjà presque à la porte de la rentabilité opérationnelle, comme les Singapouriens l’avaient prévus. Seulement si elle pouvait se faire rembourser de juste manière et de se comporter comme les autres métros du monde par rapport à l’inflation de ses coûts. Business Mauritius pas plus tard que cette semaine écoulée se lamentait de la nouvelle masse salariale de ses membres infligée de 40 % de hausse rien que depuis janvier.
16. Il faut impérativement laisser à MEL une certaine liberté de ses revenus du coût du ticket comme une entreprise prise dans l’étau de la dépréciation spectaculaire de la roupie, à la manière de tous les supermarchés, de toutes les entreprises de Maurice, le sanctionnant éventuellement pour mauvaise gestion. MEL n’a jamais cherché la dépréciation de la roupie, elle est au contraire une grande victime et ne peut ajuster ses prix. Un produit de l’avenir
- Quoi qu’il en soit, au delà de ces considérations d’ordre financier, le Métro est un produit pas comme les autres. Il montre comment doit être le mode de transport idéal compte tenu de ses implications par rapport à l’économie verte, les dangers de la route et les accidents, le gain en temps de voyage avec ses répercussions économiques et sociales et les bouchons sur les routes de plus en plus problématiques à travers le pays.
18. À l’image de tous les pays industrialisés du monde, le transport de masse du Métro joue un role essentiel dans l’efficience économique de ses habitants. Au delà de son aspect moderne du mode de transport de la population, à elle seule, elle peut réduire sensiblement la dépendance de note pays par rapport à l’importation des produits pétroliers sans entamer la liberté d’être propriétaire de son automobile. Le parc des véhicules individuels contribue chaque année à la détérioration de la balance commerciale de notre pays. Personne d’autre n’en sait plus que le gouvernement de Singapour à cet effet.
19. En effet, les 700 000 véhicules doivent sans doute nous faire importer plus de Rs 40 milliards à l’année rien que pour l’essence. Par ailleurs, imaginez un jour quand un sérieux conflit au Moyen Orient aboutira a une disette de pétrole, la pagaille qui sera infligée a notre pays.
20. Pour toutes ces raisons, les métros des pays pourtant bien plus riches que Maurice montrent la voie : pourquoi les habitants doivent privilégier le transport de masse. De Hong Kong à Singapour, des grandes métropoles de La Chine aux grandes villes de la Grande Bretagne et des Etats-Unis en passant par les grandes villes du continent africain, le transport de masse dans le style du Métro et les trains jouent un role capital dans le développement du pays et dans le mode de vie de ses habitants. Comment peut-on justifier que notre petit pays qui est totalement dépendant du pétrole puisse privilégier le transport individuel à ce point là?
21. Ainsi, Monsieur le ministre, le Métro doit être le grand chantier de la décennie.Il a une portée stratégique pour l’avenir de notre pays. Au même titre que les grands chantiers économiques et financiers depuis l’indépendance qui ont tous changé notre destinée. La mise en place de la Bourse de Port-Louis dans les années 80, l’innovation financière du Leasing au cours des années 90 qui aujourd’hui a une portée sociale sans précédent permettant à la population de satisfaire ses achats comme jamais auparavant.
22. Les autres chantiers économiques de grande importance ont été la construction des hotels du tourisme partout dans le pays, le textile des grandes zones industrielles réparties du Nord au Sud, d’abord dans les années 80 et ensuite quand les grandes réformes institutionnelles ont permis de le sauver d’une disparition certaine quinze ans plus tard. Il faut surtout mentionner la mise en place des nouveaux cadres légaux, il y a 20 ans, entourant la prévention de l’argent douteux avec la formation de la Financial Services Commission (FSC)et de la Financial Services PromotionAgency (FSPA) pour sa promotion dans le monde, qui ont donné une seconde vie à l’Offshore .Les tours d’Ebène en sont la preuve de ce grand chantier
23. Privé de nouveaux chantiers, on ne pourra pas soutenir la croissance économique, optimiser l’utilisation de nos ressources ni augmenter les exportations et surtout contrôler la hausse de nos importations, quatre grandes pistes, parmi d’autres, nécessaires au développement de notre pays. Voilà Monsieur le ministre, une autre lecture de la situation et de la place du Métro, tout en vous concédant humblement que les mots et les chiffres ont probablement été perdus dans la traduction. On ne pouvait pas se tromper à ce point la.
24. Enfin ,pour la cause, Monsieur le ministre, il me paraît évident que je dois vous révéler que j’ai été appelé à travailler étroitement avec les Singapouriens de la SCE et du Métro de Singapour dès le premier jour de la mise en œuvre du Métro et que j’ai été l’un des membres du Board de MEL jusqu’au mois dernier.
25. Quant aux gros chantiers liés à l’histoire économique contemporaine de notre pays,pour la même cause, je fus, entre autres choses, celui qui avait proposé et conduit la mise en œuvre de la Bourse de Port-Louis et de l’introduction de l’industrie du Leasing. J’ai aussi présidé les institutions des grandes réformes de l’époque pour sauver le textile en pleine crise des années 90 et partie prenante du renouveau de l’industrie de l’offshore, avec la formation de la FSC et de la FSPA au début du siècle. Je ne sais combien de missions j’en ai conduites pour vendre le nouveau modèle de notre offshore aux investisseurs les plus réticents au monde. Pour l’anecdote, votre collègue le ministre Gavin Glover, Attorney General, en le lisant récemment, m’avait fait rappeler qu’il était membre du comité, présidé par moi, chargé de libéraliser la profession légale, sous l’autorité du ministre de tutelle d’alors ,Sushil Khushiram. L’histoire devra retenir les raisons derrière le renouveau et le développement spectaculaire du Global Business Industry (Offshore), depuis devenu aujourd’hui parmi les plus gros pourvoyeurs de devises étrangères du pays.
Veuillez croire à mes sentiments les meilleurs,
Réponse d’Osman Mahomed à Georges Chung Tick Kan
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