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Le mal est plus profond qu’on ne le pensait
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Le mal est plus profond qu’on ne le pensait
Tout n’était qu’une vaste fumisterie. Tout a un coût. La politique fiscale expansionniste de l’ancien gouvernement, couplée à l’entêtement de la Banque de Maurice à ne pas resserrer les conditions monétaires dans le but de pratiquer une politique de roupie faible, a aujourd’hui de très lourdes conséquences sur l’économie nationale.
Par orgueil, mais aussi par conviction, l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a fait la sourde oreille aux mises en garde des économistes et des analystes, ainsi que des institutions internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) et Moody’s qui, ponctuellement, l’enjoignaient de revenir à une forme de pragmatisme économique, de recapitaliser la Banque centrale et d’entamer un processus de consolidation fiscale pour remettre de l’ordre dans les finances publiques.
Passé le cap des premières années post-Covid-19, le précédent régime aurait dû s’engager dans des réformes structurelles essentielles pour remettre l’économie sur les bons rails. Mais, faute de courage politique, les gouvernants d’alors se sont mis à embellir le tableau de bord, exagérant les prévisions macroéconomiques et induisant en erreur aussi bien la population que les institutions internationales. C’était, bien entendu, une fuite en avant. Tôt ou tard, on allait se faire rattraper. Rien n’avait été fait pour éponger les excès de liquidité dans le système financier suivant l’impression de billets d’un montant de Rs 160 milliards. Rien, non plus, n’a été fait pour désendetter les corps parapublics et les Special purpose vehicles ; au contraire, le Trésor public faisait main basse sur les réserves de ces sociétés d’État.
La Mauritius Investment Corporation, de son côté, s’engageait dans des transactions à haut risque. La décision la plus irréfléchie aura sans doute été l’injection de Rs 25 milliards pour l’acquisition de 49 % de l’actionnariat d’Airport Holdings Limited. Ce qui de prime abord paraissait comme un tour de force pour sauver un joyau de l’État n’était en fait qu’une autre ineptie de la part de nos décideurs. Pour arriver à cette valorisation de Rs 50 milliards des actifs d’Airport Holdings Limited, on a évalué le goodwill de la compagnie à Rs 40 milliards, comme vient de le révéler le Gouverneur de la Banque de Maurice, Rama Sithanen.
La nouvelle administration hérite aujourd’hui d’un héritage peu enviable qui l’a déjà contraint à faire partiellement machine arrière sur sa décision d’accorder une prime de 14e mois aux employés de la fonction publique et du secteur privé. Au lieu de cacher la vérité à la population et aux institutions internationales, le gouvernement est décidé à jouer cartes sur table jusqu’au bout, quitte à risquer la sanction de Moody’s et de voir le pays se rapprocher du précipice du junk.
Alors que nous nous apprêtons à accueillir une mission du FMI dans le cadre des consultations sur l’Article IV, Statistics Mauritius, libérée de la mainmise du Trésor public, vient de publier deux rapports importants en fin de semaine dernière : les comptes nationaux et les Export-oriented enterprises. Et tenez-vous bien : les chiffres sont encore pires que ceux publiés dans le State of the Economy en décembre dernier.
D’abord, Statistics Mauritius abaisse les prévisions de croissance du PIB réel pour 2024 à 4,7 %. Ces mêmes prévisions avaient été révisées de 6,5 % à 5,1 % en décembre dernier. Pour 2025, il ne faut pas s’attendre à un miracle. La croissance sera relativement moyenne, soit autour de 3,3 %. En termes nominaux, le PIB augmentera de Rs 694 milliards à Rs 734,5 milliards de 2024 à 2025. Fait préoccupant : l’investissement national va reculer de 21 % du PIB à 20,2 % de 2024 à 2025. Si l’investissement privé devrait croître de 3,5 %, passant de Rs 119,4 milliards à Rs 123,6 milliards, en revanche, l’investissement public diminuera de Rs 26 milliards à Rs 24,8 milliards, soit une baisse de 0,4 %.
D’un point de vue sectoriel, l’on note une quasi-stagnation dans le tourisme, avec Statistics Mauritius anticipant plus ou moins le même niveau d’arrivées touristiques qu’en 2024, lorsque 1 382 177 touristes ont foulé notre sol. La croissance sera également proche du 0 % dans le secteur de la construction, contre 13,3 % l’année dernière. Reste également à savoir quel sera l’impact de la guerre commerciale de Donald Trump. Un ralentissement notable est attendu à l’intérieur de l’Union européenne, qui demeure notre principal marché. Ainsi, dans ses dernières prévisions datant du 20 mars, la Banque centrale européenne prévoit une croissance molle de seulement 0,9 % dans la zone euro en 2025, en raison notamment d’un tarif américain de 25 % sur les importations européennes.
Cet affaiblissement des perspectives économiques européennes pourrait, primo, avoir des conséquences sur les arrivées touristiques et, secundo, impacter la performance du secteur d’exportation où une croissance de seulement 0,3 % est attendue.
Concernant le secteur d’exportation, la situation se corse année après année. Les dernières données du rapport sur les Export-oriented enterprises montrent que les recettes d’exportation ont reculé de Rs 49,91 milliards en 2022, à Rs 47,24 milliards en 2023 et Rs 43,97 milliards en 2024.
Le bilan économique sera terne cette année. 2025 sera surtout une année de remise en ordre dans l’économie et les finances publiques.
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