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Quand la fanfare se tait

Le 1ᵉʳ mai en sourdine

26 avril 2025, 06:06

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Le 1ᵉʳ mai en sourdine

Le 1ᵉʳ mai 2025 ne résonnera pas des mêmes chants que celui du meeting de remerciements de novembre 2024. Il y a six mois, la place d’Armes vibrait au rythme des promesses de renouveau, portée par l’euphorie d’une alternance politique. Aujourd’hui, l’ambiance a changé : l’exubérance a cédé la place à l’austérité et les discours enflammés aux réalités budgétaires implacables.

Cette semaine, lors de la présentation des projets de loi de crédits supplémentaires pour les exercices 2023-2024 et 2024-2025, le Premier ministre a dressé un tableau encore plus sombre de l’héritage économique laissé par le précédent gouvernement. Il a dénoncé une gestion budgétaire «désastreuse», caractérisée par des dépenses publiques incontrôlées, une monétisation massive du déficit et une dette publique atteignant près de 90 % du PIB à fin juin 2025.

Au sein du grand public, cette indignation soulève des questions. Comment le parti aujourd’hui au pouvoir, alors dans l’opposition, a-t-il pu ignorer les signaux d’alarme lancés par les économistes du pays ? Des analyses, comme celles de Sushil Khushiram ou de Rajeev, dans nos colonnes, mettaient pourtant en garde contre une dette publique jamais atteinte et des pratiques budgétaires peu transparentes.

Depuis son retour au pouvoir, le gouvernement a promis une gestion plus rigoureuse des finances publiques. La Banque de Maurice, sous la direction de Rama Sithanen, a relevé le taux directeur et entrepris des opérations de stérilisation pour maîtriser l’inflation, ramenée à 2,5 % en mars 2025. La roupie s’est appréciée de 4,5 % face au dollar depuis novembre dernier.

Mais ces mesures ont un coût : les opérations du marché monétaire représentent environ Rs 10 milliards par an et la disponibilité des devises reste limitée. Parallèlement, le gouvernement a maintenu des dépenses sociales élevées, comme le versement du 14ᵉ mois et la compensation salariale, sans véritable plan de consolidation budgétaire.

Le FMI insiste sur la nécessité d’un plan ambitieux de consolidation budgétaire à moyen terme, incluant une augmentation des recettes fiscales et une réduction des dépenses courantes, tout en protégeant les plus vulnérables. Cependant, le gouvernement semble hésiter à prendre des mesures impopulaires, préférant temporiser en attendant le Budget 2025-2026.

Certes, quelques avancées sont notables : le Directeur des poursuites publiques a retrouvé son autonomie, le Parlement respire mieux, la police et la Commission anticorruption semblent vouloir retrouver les bons rails, les élections municipales sont rétablies, le comptage des votes le jour même est activé et des initiatives environnementales, comme le nettoyage de l’île-aux-Bénitiers, sont en cours.

Cependant, des zones d’ombre subsistent. Quelques proches des leaders s’attendent à des nominations népotiques qu’on disait révolues. Des conseillers sont nommés aux frais des contribuables pour des fonctions superflues. Le Premier ministre, au grand désarroi du pays, s’est efforcé de défendre l’opacité de l’accord avec l’Inde sur Agaléga, alors que son parti et ses alliés tempêtaient pour la transparence quand ils étaient dans l’opposition. S’il n’y a rien à cacher, pourquoi maintenir le secret ?

Le 1ᵉʳ mai 2025 ne sera donc pas une célébration, mais un moment de réflexion sur les promesses non tenues et les défis à venir. L’heure n’est plus aux festivités, mais à la rigueur et à la responsabilité. Il est temps que le gouvernement prenne la mesure de la situation et engage les réformes nécessaires pour restaurer la confiance et assurer la stabilité économique du pays.

Le chef d’orchestre a changé la partition et la mélodie n’est plus la même. Après la danse de la libération, c’est le chant des maisons de deuil qui résonne. Il est temps de changer de musique et de pas de danse. Les majorettes ont défilé ; maintenant, les soldats du changement doivent entrer en scène et cesser de se trémousser comme hier sur la place d’Armes ou au Château du Réduit. Le tempo s’est ralenti, la tonalité est devenue mineure et l’harmonie exige une discipline rigoureuse. L’heure n’est plus du pareil au même. Il faut danser au pas militaire, avec une cadence maîtrisée et une partition claire.

Dans certaines traditions chorégraphiques, la danse ne s’abandonne pas à l’euphorie, mais cultive la retenue. Où la maîtrise du geste prime sur l’exubérance, chaque mouvement est pensé, chaque déplacement mesuré. Ainsi, la danse devient un langage subtil, où l’économie de moyens renforce la puissance du message. De même, la gouvernance actuelle doit s’inspirer de cette discipline chorégraphique. Après les envolées lyriques de la campagne électorale et des débuts, il est temps d’adopter une posture plus sobre, plus réfléchie. Comme dans une pièce où le silence et l’immobilité ont autant de poids que le mouvement, le gouvernement doit apprendre à écouter, à observer, à agir avec justesse. La scène politique, tout comme la scène artistique, exige une rigueur, une cohérence, une capacité à transmettre des émotions sans tomber dans la démesure. En somme, il est temps de changer de tempo, de passer d’une chorégraphie effervescente à une danse plus introspective, plus en phase avec les réalités du moment. Mais en même temps il leur faut garder cette illusion de bonheur en marge des municipales... Après on verra, quand la musique s’arrêtera pour de bon.

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