Publicité
Financial Crimes Commission
L’année des révélations : Quand l’État vacille sous le poids des affaires
Par
Partager cet article
Financial Crimes Commission
L’année des révélations : Quand l’État vacille sous le poids des affaires

Depuis le début de l’année 2025, l’île est secouée par une série de scandales mêlant corruption, fraude, blanchiment d’argent et abus de pouvoir. Ces affaires impliquent d’anciens hauts cadres publics, dirigeants d’entreprises étatiques et figures politiques de premier plan. La Financial Crimes Commission (FCC) est au cœur des enquêtes, qui dévoilent des mécanismes sophistiqués de détournements financiers et de favoritisme, parfois à hauteur de plusieurs centaines de millions de roupies.
Affaire LGSC : Beeharee et les anciens membres du conseil
Bhanoodutt Beeharee, ex-président de la Local Government Service Commission (LGSC), ainsi que quatre anciens membres du conseil d’administration — Purnima Devi Rawateea, Jean Bruneau Dorasami, Prem chand Tanakoor et Reshad Bhaukaurally — ont été arrêtés dans le cadre d’une enquête portant sur un présumé système de recrutement illégal. L’affaire a été déclenchée par une plainte déposée le 24 février 2025 par un cadre du ministère des Collectivités locales.
Les cinq accusés sont poursuivis à titre provisoire pour corruption. Beeharee est inculpé sous les articles 22(1), 22(2) et 145 de la Financial Crimes Commission Act (2023) pour abus de fonction en vue d’une gratification. Les autres sont poursuivis en vertu de l’article 7 de la Prevention of Corruption Act (PoCA) pour avoir facilité ou toléré ces actes.
Ils ont été remis en liberté conditionnelle après avoir fourni deux cautions de Rs 50 000 et signé une reconnaissance de dette d’un million de roupies chacun. Ils doivent se présenter deux fois par semaine au poste de police et éviter tout contact avec les témoins.
Affaire MTPA : Arvind Parmessur Bundhun
Arvind Parmessur Bundhun, ancien directeur de la Mauri tius Tourism Promotion Authority (MTPA), a été arrêté le 13 mai 2025 par la FCC. Il est accusé provisoirement d’«utilisation de fonction à des fins personnelles» en vertu des articles 7 et 83 de la PoCA.
Il est soupçonné d’avoir utilisé une carte de crédit de la MTPA pour effectuer des dépenses personnelles estimées à environ Rs 4 995 964,77 entre 2018 et 2024, incluant des achats dans des boutiques duty-free à Maurice et à l’étranger. À l’issue d’une perquisition à son domicile, il a été libéré sous caution contre deux cautions de Rs 250 000 chacune et une reconnaissance de dette de Rs 5 millions. Il doit se présenter quotidiennement au poste de police et ne pas interférer avec les témoins.
Affaire Ramdenee : Cyber-fraude internationale
Neervishingh Ramdenee, entrepreneur mauricien, est au cœur d’une affaire de cyber-escroquerie internationale. En mai, lui et l’Ukrainien Yevhen Syvokon, ont été accusés d’avoir escroqué une ressortissante belge de Rs 11,748 millions en l’espace de deux heures.
Leur mode opératoire : cibler des victimes ayant investi dans les cryptomonnaies, leur proposer de les aider à récupérer leurs pertes, puis vider leurs comptes. La plainte a été déposée par la victime, représentée par l’avocat Jean Claude Bibi. L’enquête de la FCC a mené à leur arrestation pour fraude électronique. Un troisième suspect, Naresh Kumarsingh Jokhoo, a également été arrêté pour blanchiment d’argent.
Affaire des frères Gooljaury : Blanchiment et fraude bancaire
Les frères Rakesh et Prameshwar Gooljaury font l’objet d’une vaste enquête pour blanchiment d’argent et fraude bancaire, entamée en 2017. Rakesh Gooljaury, directeur de Designer Labels Ltd, est accusé de blanchiment sous la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA), lié à une fraude estimée à Rs 1,1 milliard à la Mauritius Post and Cooperative Bank (MPCB).
Rs 301,4 millions ont été retrouvés sur les comptes de Designer Labels Ltd, suspectés d’être des fonds frauduleux. Prameshwar Gooljaury, directeur de Grooving Style Ltd, est accusé de blanchiment de Rs 206,4 millions, dans le cadre d’une fraude de Rs 591 millions à la MPCB.
Le 19 mai 2025, la FCC a obtenu de la Cour suprême une ordonnance de saisie criminelle bloquant toute transaction sur des actions de sociétés liées aux frères Gooljaury : Diamoda Foods Co Ltd, Corpxcel Consultancy Services Ltd, Goldmond Ltd, Wool Mill Co Ltd, Mafis Trading Ltd, et Universal Fusion Foods and Restaurateurs Ltd. Un inventaire des stocks des magasins Swarovski a également été exigé, avec un rapport semestriel à soumettre à la FCC.
Affaire Bail Eco Deer Park : Maneesh Gobin dans la tourmente
L’ancien Attorney General Maneesh Gobin a été interrogé puis libéré sous caution dans une affaire liée à l’attribution controversée d’un terrain public de 350 arpents à proximité de Grand-Bassin à l’Eco Deer Park Association.
L’enquête indique qu’un pot-de-vin présumé de Rs 3,5 millions aurait été versé pour l’obtention du bail, au détriment d’un autre candidat dont la demande n’a pas été traitée dans les délais. Gobin est suspecté de favoritisme et d’avoir accepté des gratifications via un intermédiaire. Il a fourni deux cautions de Rs 250 000 et signé une reconnaissance de dette de Rs 5 millions, avec interdiction de contact avec les témoins et obligation de se présenter régulièrement à la police.
Affaire MIC : Fraude de Rs 300 millions
De g. à dr. : Jitendra Bissessur, Diya Sewraz Ballah, Harvesh Seegolam et Renganaden Padayachy.
Le scandale entourant la Mauritius Investment Corporation (MIC) porte sur l’achat douteux de l’hôtel Ambre. Alors que le conseil d’administration avait validé un paiement de Rs 2,1 milliards, Rs 2,4 milliards ont été transférés — un excédent de Rs 300 millions soupçonné d’avoir été détourné.
Diya Sewraz Ballah, ex-Company Secretary de la MIC, est accusée d’avoir falsifié des procès-verbaux du conseil pour justifier le paiement. Elle est poursuivie pour fraude par abus de position (article 43 de la FCC Act 2023) et a été libérée sous caution avec interdiction de quitter le territoire.
Parmi les autres inculpés :
• Jitendra Bissessur, ex-CEO, accusé d’avoir autorisé le paiement.
• Renganaden Padayachy, ex-ministre des Finances, inculpé pour abus d’influence et conspiration.
• Harvesh Seegolam, ex-gouverneur de la Banque de Maurice, accusé de complicité.
Tous ont été libérés sous caution avec des conditions strictes.
Affaire Maradiva Villas : Prêt bancaire suspect
Le Maradiva Villas Resort & Spa, propriété de la famille Ramdenee, aurait obtenu un prêt de Rs 500 millions de la State Bank of Mauritius (SBM) dans des conditions jugées douteuses.
Malgré une situation financière fragile et des garanties insuffisantes, le prêt a été accordé, soulevant des soupçons d’ingérence politique et de favoritisme bancaire. Des liens étroits entre les bénéficiaires du prêt et certains anciens cadres de la SBM sont au cœur de l’enquête.
Affaire STC : Contrat pétrolier de Rs 30 milliards
Rajiv Servansingh, ex-directeur général de la State Trading Corporation (STC), est interrogé dans le cadre de l’attribution controversée d’un contrat pétrolier de Rs 30 milliards au groupe Mercantile and Maritime Group (MMG) pour la période août 2023 à juillet 2024.
L’enquête révèle plusieurs irrégularités :
• Absence d’appel d’offres formel.
• Sélection non transparente d’une entreprise domiciliée à Bahreïn.
• Justifications économiques contestées : les paiements en roupies mauriciennes étaient immédiatement convertis en devises étrangères, annulant les avantages escomptés.
Le 28 avril 2025, Kareena Neisius (photo), directrice de Mercantile & Maritime Ltd (MML), filiale mauricienne du groupe MMG, a été arrêtée après une perquisition à son domicile. Elle est provisoirement inculpée de complot en vue de commettre l’infraction de blanchiment d’argent, et libérée sous caution de Rs 400 000, avec une reconnaissance de dette de Rs 3 millions.
2025 : le tournant de la transparence ?
2025 s’impose comme une année noire pour les institutions mauriciennes. La multiplication des affaires met en lumière l’ampleur des failles systémiques et la nécessité d’un renforcement urgent des mécanismes de gouvernance, de transparence et de reddition de comptes. La crédibilité des autorités et la confiance du public sont plus que jamais en jeu.
Publicité
Publicité
Les plus récents




