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Blanchiment d’argent autour des «Reward money»

L’ACP Lilram Deal arrêté pour avoir empoché des fonds destinés à des informateurs

21 juin 2025, 11:00

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L’ACP Lilram Deal arrêté pour avoir empoché des fonds destinés à des informateurs

■ L’ACP Lilram Deal à sa sortie des locaux de la FCC.

C’est une affaire qui jette un pavé dans la mare des forces de l’ordre. L’Assistant Commissioner of Police (ACP) Lilram Deal, ex-patron du Counter Terrorism Unit (CTU), a été arrêté ce vendredi 20 juin par la Financial Crimes Commission (FCC) dans le cadre d’une enquête portant sur des détournements de fonds liés à des «reward money» – des gratifications réservées aux informateurs dans des affaires de trafic de drogue. Il fait face à une accusation provisoire de blanchiment d’argent, formulée sous les dispositions des sections 3,6 et 8 de la loi FIAMLA (Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act). L’audience, présidée par le magistrat Bissoon, a vu Lilram Deal comparaître devant le tribunal de Port-Louis, où les officiers de la FCC se sont opposés à sa remise en liberté, invoquant un risque d’interférence avec des témoins ou des suspects.

Mᵉ Yash Bhadain, son avocat, a présenté une motion pour demander sa remise en liberté conditionnelle. Celle-ci sera examinée mercredi prochain.

Selon les premiers éléments de l’enquête, l’ACP Lilram Deal aurait perçu indûment près de Rs 4,587 millions en 2022 sur un compte bancaire conjoint avec son épouse. Ces fonds, initialement destinés à récompenser des informateurs dans plusieurs affaires majeures de trafic de drogue – dont celle impliquant les frères Gurroby – n’auraient jamais été versés à leurs véritables bénéficiaires.

Au lieu de cela, l’argent aurait été transféré directement sur des comptes bancaires liés à l’officier et à son épouse. Le «reward money» aurait été réclamé en une seule fois avant le début de l’année financière, pour un montant total de Rs 4,587 millions. Il aurait fait une demande d’allocation en évoquant plusieurs dossiers, sans lien direct avec des affaires de drogue.

Les enquêteurs de la FCC, auraient retracé plusieurs transactions suspectes. Une partie de l’argent, environ Rs 2 millions aurait servi à financer l’achat d’un véhicule utilitaire de marque Toyota RAV4. Cette découverte renforce les soupçons de malversations financières prolongées sous l’ancien gouvernement, au sein duquel Lilram Deal bénéficiait d’une protection implicite et d’un statut privilégié.

Promu au grade d’ACP en 2023, Deal avait été réaffecté peu après le changement de régime, perdant ainsi son poste stratégique au sein de la CTU.Selon nos informations, d’autres hauts gradés seraient également dans le viseur de la FCC. L’organisme demande désormais à tous ceux qui soumettent une demande de «reward money» de révéler les détails concernant les informateurs, afin qu’ils puissent en conserver une trace officielle.

Une mission fantôme au Mozambique refait surface

L’affaire Navind Kistnah, interpellé au Mozambique en 2017 avant d’être extradé vers Maurice, refait surface avec de nouvelles zones d’ombre. Outre la mission officielle d’un inspecteur et d’un sergent de police chargés d’extrader le suspect, deux hauts gradés des Casernes centrales – dont Lilram Deal – auraient discrètement effectué le déplacement en Afrique.

Ce voyage n’aurait laissé aucune trace dans les registres officiels du Prime Minister’s Office (PMO). Pour faire la lumière sur cette «opération clandestine», plusieurs anciens hauts responsables ont été auditionnés.

Parmi eux, Nayen Koomar Ballah, ex-Cabinet Secretary et chef de la Fonction publique, a été entendu pendant plus d’une heure le 20 mars dernier à titre de témoin. Il a nié toute implication dans l’autorisation d’un tel déplacement et a orienté les enquêteurs vers le Secretary for Home Affairs pour d’éventuelles autorisations de mission. Selon lui, aucun feu vert n’aurait été donné de sa part.

D’autres figures de poids de l’époque ont également été entendues : Mario Nobin, alors Commissaire de police, et Choolun Bhojoo, ex-DCP à la tête de l’ADSU, affirment n’avoir jamais été informés de cette mission parallèle au Mozambique.

Voyages en série et favoritisme

Une cinquantaine de voyages internationaux en quatre ans, des missions qualifiées de «secrètes» mais au parfum de luxe, et un système de favoritisme de plus en plus visible. Ce sont les révélations explosives de l’émission «Menteur Menteur» sur le fonctionnement opaque de la CTU, dirigée par l’ACP Lilram Deal.

Le document au cœur du scandale : une copie du passeport de Lilram Deal, consultée à l’époque par la production de l’émission, avait révélé pas moins de 42 voyages à l’étranger entre 2015 et janvier 2019, puis une demidouzaine d’autres jusqu’en 2020. Dubaï, Paris, Johannesburg, Tananarive... Deal aura passé, en tout, plus de huit mois à l’extérieur du territoire mauricien, la plupart du temps aux frais des contribuables. Tous ces déplacements s’inscrivaient, officiellement, dans le cadre de missions classifiées relevant de la sécurité nationale.

Mais ces justifications volent en éclats à la lumière de nouvelles preuves documentées, notamment un extrait du logbook du salon VIP de l’aéroport. On y apprend que le 12 avril 2019, Nayen Koomar Ballah – alors secrétaire au Cabinet, chef de la Fonction publique et président du Committee on Counter Terrorism – voyageait à Dubaï en compagnie de toute sa famille. Deux officiers de la CTU, Seeparsad et Rujub, étaient alors affectés comme «agents d’accompagnement», une fonction normalement réservée aux personnalités en mission d’État.

Des sources au sein même du PMO dénonçaient un usage détourné des moyens sécuritaires. Selon elles, Lilram Deal aurait transformé les agents de la CTU en simples porteurs de bagages pour la famille Ballah, au nom de relations de faveur qui existaient à l’époque. Il nous revient que la FCC a élargi l’enquête aux Rs 150 millions de reward money distribuées en cinq ans par des unités telles que l’Adsu et la SST entre autres. De nouvelles arrestations sont à prévoir..

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