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Budget 2025-2026

La parole aux syndicalistes

2 juin 2025, 12:00

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La parole aux syndicalistes

Les attentes de ce premier Budget de l’Alliance du changement sont nombreuses. [Credit: AFP]

• La classe travailleuse attend des mesures fortes et concrètes

Le jeudi 5 juin, tous les regards seront tournés vers l’Assemblée nationale. Pour la première fois depuis les élections générales de 2024, le gouvernement présentera son Budget 2025-2026. Un exercice économique et politique crucial, qui cristallise déjà toutes les attentes, notamment du côté de la classe travailleuse, plus que jamais en quête de justice sociale, de sécurité de l’emploi et de perspectives. Plusieurs voix syndicales se sont élevées pour exprimer, avec force et espoir, ce qu’elles attendent de ce grand rendez-vous.

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Fayzal Ally : «il est temps de donner un vrai visage humain au développement»

Pour Fayzal Ally, président de l’Union des travailleurs des industries textiles et alliées, la priorité est claire : le respect et la dignité pour les travailleurs migrants. «Cela fait des années que je dénonce les abus dont sont victimes des milliers d’étrangers à Maurice. Ce sont des gens venus chercher une vie meilleure et qui se retrouvent parfois traités comme de simples outils», déplore-t-il.

Le syndicaliste espère un changement de cap avec ce Budget. Il réclame un fonds d’assistance pour les travailleurs migrants en détresse, un renforcement des inspections sur les sites industriels et un encadrement plus strict des agences de recrutement. Mais ce n’est pas tout. «Il faut des services d’accompagnement adaptés, y compris dans leur langue. Ces travailleurs doivent pouvoir faire valoir leurs droits sans peur, ni silence.»

Pour lui, la question dépasse la seule condition des migrants. «Il faut que le concept de travail décent pour tous devienne une réalité. Ce pays ne peut pas parler de croissance en laissant de côté la dignité humaine.» Il plaide aussi pour une meilleure inclusion des syndicats et organisations non gouvernementales dans les discussions économiques. «Nous ne sommes pas là pour créer des conflits. Nous sommes là pour construire. Ce Budget est une opportunité : il faut en faire un acte de justice sociale.»

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Stéphane Maurymoothoo : «revaloriser les métiers, redonner espoir aux artisans»

Stéphane Maurymoothoo, président du Regroupement Artisan Morisien, se bat pour la reconnaissance et la relance du secteur des petits métiers, durement frappé ces dernières années. «Beaucoup d’artisans ont perdu confiance. On les a oubliés, délaissés. Pourtant, nous contribuons à l’économie de manière significative. Le gouvernement doit revoir la façon dont fonctionne la SME Mauritius et catégoriser les différents types de petites entreprises, notamment celles à vocation artisanale», dit-il.

Il pointe aussi les dérives du système de stage et de formation. «Prenez une jeune fille formée en pâtisserie. Elle reçoit une allocation de l’État pendant sa formation. L’entreprise la garde jusqu’à la fin de son stage, mais refuse ensuite de l’embaucher, préférant prendre une autre stagiaire… Résultat : la jeune est sans emploi. C’est un cercle vicieux.»

Il demande donc des mesures concrètes : soutien au financement par les banques, facilité de mobilité professionnelle, système de retraite propre aux artisans, décentralisation des services publics comme la Mauritius Revenue Authority ou la DBM, et surtout, promotion de l’enseignement technique et vocationnel. «Il faut former nos jeunes pour qu’ils deviennent ingénieurs agricoles, techniciens en bâtiment, ébénistes ou mécaniciens. Il faut redonner de la valeur au savoirfaire manuel.»

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Amarjeet Seetohul : «le personnel de santé a aussi droit au bien-être»

Du côté du secteur public, les attentes sont tout aussi pressantes. Amarjeet Seetohul, président de la Ministr y of Health Employees Union, tire la sonnette d’alarme : «Le manque de personnel est criant dans nos hôpitaux. Il faut un recrutement massif.» Mais il ne s’arrête pas là. Il veut aussi des mesures favorisant le bien-être du personnel de santé : «Pourquoi ne pas créer des salles de gym dans les hôpitaux ? Ou encore installer des garderies pour les employées-mères ? Cela permettrait une meilleure conciliation entre travail et vie familiale, et une meilleure rétention du personnel.» Il plaide pour un Budget spécifiquement dédié au welfare du personnel de la santé : «On parle toujours de manque de fonds. Mais il faut investir dans les ressources humaines. Ce sont elles qui font tourner le système.»

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Ashvin Gudday : «ce budget doit être celui de la réparation sociale»

Ashvin Gudday, négociateur de la General Workers Federation (GWF), ne mâche pas ses mots : «La classe travailleuse est inquiète. Le pouvoir d’achat s’effondre. Les prix ne cessent d’augmenter, et les promesses faites pendant la campagne tardent à se concrétiser.» Pour lui, le gouvernement doit honorer ses engagements : hausse des pensions, augmentation de la Carer’s Allowance, maintien de la CSG Income Support Allowance… «Ce sont des promesses de campagne qui touchent les plus vulnérables. On ne peut pas les laisser tomber maintenant.»

Par ailleurs, il propose une refonte des structures fiscales : «Il faut taxer davantage les grosses fortunes, les grandes entreprises, les banques qui engrangent des milliards. C’est la seule façon de soulager la population et de remplir les caisses publiques.» Le syndicaliste appelle également à une diversification de l’économie, en intégrant davantage l’environnement, l’innovation et l’emploi durable. «On a besoin de nouveaux piliers économiques. Et il faut inclure les syndicats dans les choix stratégiques.»

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Girish Gopaul : «le service public est à bout de souffle»

Girish Gopaul, secrétaire de la Government Services Employees Association, résume la situation en quelques mots : «Trop peu de personnel, trop de charge, et trop peu de reconnaissance.» Selon lui, des recrutements urgents s’imposent dans tous les ministères, surtout ceux de la Santé, de l’Éducation, du Logement et de la Sécurité sociale. «On fait le travail de trois à quatre personnes, pour un seul salaire. Et parfois, on fait des heures supplémentaires non payées.» Il demande que les heures supplémentaires soient compensées dans des domaines comme la santé ou les pompiers, où le personnel est constamment sollicité. Il souhaite aussi une revalorisation du pouvoir d’achat et une nouvelle méthode de calcul pour les pensions, basée sur 30 mois de salaire plutôt que 25 actuellement. «Nous avons aussi demandé que le rapport du PRB soit appliqué dès janvier 2025. Il faut tenir compte de la réalité sur le terrain. Les employés du public sont épuisés.»

Un vent d’attente et d’urgence

Ce Budget est attendu comme un test majeur pour le gouvernement. Après six mois au pouvoir, les attentes sont immenses et la marge d’erreur étroite. La classe travailleuse, dans toute sa diversité – qu’il s’agisse d’artisans, de fonctionnaires, de syndicalistes, de jeunes stagiaires ou de travailleurs étrangers –, espère un signal fort, humain, et structurant. Au-delà des chiffres et des allocations, c’est une vision de société que beaucoup réclament : une île Maurice plus juste, plus inclusive, plus solidaire. Le rendez-vous est fixé au jeudi 5 juin. Reste à voir si ce Budget portera la voix de celles et ceux qui tiennent le pays debout.

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