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Interview

Kaviraj Sukon : «Tir prevocational en lan 2000 ti enn gro erer»

27 avril 2025, 13:00

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Kaviraj Sukon : «Tir prevocational en lan 2000 ti enn gro erer»

Kaviraj Sukon, ministre de l’enseignement supérieur.

🟥Kaviraj Sukon, voilà plus de cinq mois que vous êtes au ministère, comment ça se passe?

Je suis content car je gère un ministère que je connais car c’est le milieu où j’ai commencé ma carrière. J’étais chargé de cours à l’Université de Maurice dans les années 90. La première fois que je suis entré dans un amphithéâtre pour donner un cours, c’était en 1994 donc je connais le milieu très bien et je connais beaucoup de personnes dans le secteur ainsi que les procédures. Il y a de nombreux défis. Jusqu’à présent, on n’a pas pu attirer des étudiants de l’étranger à Maurice. Certaines institutions ont des bilans financiers très lourds que nous devons revoir et assainir. Nous sommes aussi en face des pays qui attirent beaucoup d’étudiants et nous n’arrivons pas à le faire. On a une population en déclin. Imaginez-vous en l’an 2000, 29 000 élèves prenaient part aux examens du CPE. Les chiffres de l’année dernière démontraient seulement 13 800 élèves pour le PSAC.

🟥Comment faire pour attirer les étudiants étrangers à Maurice dans un contexte où notre île est vue par les étrangers pour son aspect touristique ?

Nous avons mis en place un comité qui fait du branding et du marketing car Maurice n’est pas connu pour l’enseignement supérieur. On doit faire le branding et je le dis d’entrée, nous sommes très en retard à ce niveau. Nous avons une équipe qui travaille sur le branding et une autre le marketing, ainsi que sur l’internationalisation. Mon but c’est que des parents issus d’une famille modeste, comme en Tanzanie, au Kenya ou en Inde, incluent Maurice sur la liste des pays où ils peuvent envoyer étudier leurs enfants. C’est à travers un proper branding et marketing que nous pouvons mettre ce choix en avant. Des équipes travaillent dessus et vont présenter leurs recommandations prochainement lors du Higher Education Summit.

🟥Quand on parle de «branding» pour attirer des étudiants, comment fait-on pour enlever le côté «sea, sand and fun»? C’est ancré dans la culture mauricienne.

C’est vrai mais il faut commencer quelque part. Je suis d’accord que ça prend du temps mais ça aurait été mieux si on avait démarré cela depuis belle lurette. Néanmoins ça reste une de mes priorités.

🟥Qu’en est-il des étapes pour mettre cela en place ? Ça démarre peut-être par le fait d’essayer de retenir nos jeunes à Maurice ou tout simplement revoir notre système d’éducation pour l’améliorer ?

Les deux. À Maurice aujourd’hui, il faut comprendre qu’il y a beaucoup d’étudiants dans ces secteurs. On a environ. 40 000 d’étudiants. Nous ne pourrons jamais empêcher les étudiants mauriciens de quitter Maurice. Notre but est de valoriser l’enseignement supérieur que nous offrons. Je veux que les gens sachent que nous avons des chercheurs mauriciens et des académiciens classés parmi les meilleurs au monde. Nous avons des chercheurs de classe mondiale, inconnus du grand public. Tout cela va s’intégrer dans le branding, le marketing, pour montrer qu’on est à un certain niveau. Tous, ensemble, en faisant un effort, nous pourrons donner un enseignement supérieur de grande qualité.

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🟥Certains aspects peuvent être compliqués pour les étudiants, comme le logement…

Je crois dans l’offre et la demande. Ce n’est pas pour la première fois car on a déjà vu cela dans le passé. Il y a certains pays qui proposent des bourses aux étudiants qui n’ont pas eu de difficultés pour trouver un logement. Dans le passé quand j’étais professeur, il y avait une soixantaine d’étudiants qui avaient des difficultés pour trouver un logement. Souvent il y a des personnes qui vivent dans de grandes maisons avec des chambres libres. C’est possible de louer ces chambres à des étudiants. Le locataire va se faire un peu d’argent et aussi il y a l’aspect sécurité notamment pour les personnes âgées. Nous avons aussi parlé avec des personnes dans l’immobilier. Ils disent que si jamais il y a un flot d’étudiants qui arriveront à Maurice, des investissements seront faits. J’ai aussi un projet de résidence universitaire à l’université de Maurice.

🟥En parlant de ce projet, où en est-il ?

Le lieu pour la construction a déjà été identifié. Les tests de faisabilité aussi ont été complétés. Il n’y a plus qu’à trouver le financement.

🟥En termes de finances, les membres du gouvernement le répètent souvent : le pays va mal.

Le pays ne va pas bien financièrement car nous avons hérité d’un héritage très lourd. Néanmoins, je crois que nous sommes dans une situation où nous devons investir. Quand j’ai quitté l’Open University, elle était financièrement indépendante. Toutes les universités doivent faire un effort, car nous n’avons pas le choix. Il faut investir dans d’autres secteurs de développement, comme les nouvelles technologies. Nous allons revoir les gestions financières dans les secteurs actuels de l’éducation supérieure ainsi qu’investir dans de nouveaux secteurs.

🟥Parlons des étudiants mauriciens, quels projets, quelles révolutions pour améliorer la qualité d’enseignement ?

D’abord, on revoit les fonctionnements des universités. Par exemple, le nombre d’heures de cours en présentiel varie. Nous allons regarder quel minimum est nécessaire et à respecter dans les universités publiques. Nous allons aussi instaurer un quality coat dans les universités. Je reçois des lettres des étudiants disant que la climatisation est cassée et autres doléances. Donc, on revoit les infrastructures car je suis conscient de la situation. Dès que nous recevrons le nouveau budget, nous allons améliorer les infrastructures et rendre notre campus plus agréable.

Pour moi, le projet le plus important c’est la Digitalisation. Savedir nou pe amenn liniversite dan lakaz etidian la. Il y aura un mix de cours en présentiel et en ligne. Nous avons plusieurs systems à mettre en place : le système de Student Information System qui permet de garder les données de l’étudiant de la rentrée à sa graduation. Un système qui lui permet de suivre son cursus, de savoir quels modules il a complétés et quels modules il n’a pas complétés. Une plateforme qui permet à un étudiant d’interagir avec d’autres étudiants, avec ses tuteurs. Dans un deuxième temps, c’est le Learning Management System qui permet de donner des cours en ligne. Un étudiant qui suit des cours en ligne s’attend à avoir sa vidéo à la fin pour pouvoir réviser. Il veut une plateforme pour interagir avec ses collègues, le tuteur ou le chargé de cours.

En plus de ça, l’enseignement supérieur dans le monde va dans une direction qu’on appelle l’enseignement personnalisé. Qu’estce que ça veut dire ? On identifie les faiblesses et les forces de l’étudiant pendant le semestre. Le but est de lui donner un support adapté pour qu’il puisse réussir. Exemple : s’il y a 30 étudiants, chacun a ses propres faiblesses, et chacun a un support personnalisé pour qu’il puisse mieux apprendre. Chacun pourra avoir son avatar. L’intelligence artificielle peut nous aider pour tout ça.

🟥Comment pouvez-vous personnaliser l’enseignement avec l’IA ?

Quand nous avons un système d’IA, il peut tracker l’étudiant. Par exemple, dans un module on a plusieurs chapitres. S’il est allé ou non dans la bibliothèque pour lire ses manuels, il peut savoir précisément si certains concepts ne sont pas compris, et offre des liens vers des vidéos pour mieux comprendre lesdits concepts. Ce suivi sera fait pendant le semestre. A travers l’IA, l’étudiant trouvera ses faiblesses et recevra du support pour s’améliorer. Malheureusement nous en sommes bien loin ici.

🟥Il faudra trouver un juste milieu pour ne pas mettre le métier de professeur en danger.

Jamais, l’IA ne remplacera jamais les professeurs. Par contre, permettez-moi de dire : tous les professeurs qui se serviront de l’IA remplaceront les professeurs qui ne s’en servent pas.

🟥Parlons de la situation financière des universités à l’heure où vous avez annoncé que vous voulez rendre les universités autonomes dans la gestion de leurs finances. Comment le faire dans un pays où l’éducation est gratuite ?

Je crois que le gouvernement a toujours essayé de rendre l’éducation accessible. Nous re-regardons la gestion de nos universités. Nous regardons aussi comment accroître nos sources de financement. À travers l’internationalisation de nos écoles, et avec l’industrie, qui peut travailler main dans la main avec les universités pour créer de nouveaux produits et financer la recherche. Je lance un appel aux industries pour qu’elles collaborent avec les universités.

🟥Je reviens sur cette phrase que vous avez dite plus tôt ; les professeurs qui utilisent l’intelligence artificielle vont remplacer ceux qui ne le font pas. C’est inquiétant pour ces professeurs qui ont toujours recours aux bonnes vieilles méthodes en lisant et préparant les cours ?

Non, aucun professeur ne doit se sentir menacé. Mais ceux qui se servent de l’IA remplaceront ceux qui ne s’en servent pas. Exemple en littérature, on prépare un cours en soulignant les points forts. Imaginez, avec l’IA on met le texte en vidéo et permet aux jeunes de vivre les textes. L’IA ne permet pas simplement d’apprendre des choses aux élèves, elle permet de leur faire vivre ces choses. Il faut immerger les enfants dans ces choses-là pour qu’ils apprennent mieux.

🟥Avec l’annonce de trois crédits pour accéder à l’université, ne craignez-vous pas un nivellement vers le bas des étudiants ?

Il y a de la misinformation dessus. On n’a jamais dit 3 crédits mais 3 crédits et 2 A-Level. Un étudiant doit avoir 3 crédits et 2 A Level minimum. Il faut au minimum 3 crédits pour soumettre une candidature à une université. On est là pour corriger une injustice. Beaucoup de personnes ne parlent que de trois crédits. C’est faux. C’est trois crédits + 2 A Level minimum. Les allocations de places dans l’université sont toujours faites par méritocratie et ce sera toujours comme ça. Par exemple, si vous allez faire la médecine, le Medical Council a mis un minimum de 21 points pour faire de la médecine. Les enfants doivent comprendre que pour avoir les cours qu’ils veulent, ils doivent bien travailler avant. Un meilleur résultat aura de la place avant. Nous avons ouvert la porte aux étudiants sans baisser la qualité. Nous avons ouvert la porte et nous n’avons pas baissé le plafond de niveau. Nous avons ouvert la porte et permis à plus de personnes d’y entrer.

🟥Comment faire que les étudiants ne vont pas à l’étranger après les études ?

Nous ne pourrons pas les en empêcher. Ce sont des étudiants qui viennent de familles aisées ou qui ont reçu des bourses qui partent, et c’est normal. Notre but c’est qu’ils reviennent à Maurice après, pour développer les secteurs locaux. La porte est ouverte. Certains font leurs doctorats ici. Même un étudiant qui part à l’étranger faire sa licence, master, peut revenir faire son doctorat ici. Un chercheur est reconnu par sa publication car c’est son image.

🟥Il y a un besoin de revalorisation des cours à métier comme la plomberie ou la mécanique car la demande pour ce type de métier est.

Définitivement, nous essayons de valoriser cela. Erer kinn fer lan 2000 se tir prevocational ki MITD ti pe fer. Par exemple aujourd’hui, à Polytechnics Mauritius, si un étudiant suit une filière technique, il peut faire sa licence et son master ici. Mais, la plupart des formations sont revalorisées. Avec le gouvernement nous essayons de valoriser l’importance des études, dans n’importe quelle filière.

🟥Quels axes prioritaires pour le National Research Committee et son fonctionnement ?

Nous devons comprendre comment gérer la recherche, nous n’avons pas les moyens de financer, je l’avoue. Nous en avons mais peu. Le but aujourd’hui est de les gérer efficacement. Nous devons voir dans quelles filières il faut investir. Il y a 20 ans, Maurice n’était connu pour des recherches que dans un ou deux domaines. Le comité propose quelques nouvelles pistes. Par exemple, le tourisme. Le but c’est de dire que Maurice est un pôle d’excellence pour la recherche.

🟥L’Education Hub à Côte-d’Or, quelles avancées ? Il aiderait à rehausser le nouveau d’enseignement, non ?

Je dois être honnête avec vous. C’est un projet que nous devons revoir. Nous devons faire des tests géotechniques pour voir si le terrain est constructible. J’habite dans le quartier là-bas et je connais le climat.

Nous construirons un campus, mais pas forcément à Côte-d’Or. Nous regrettons ce projet. Demain, si nous savons que nous pouvons construire, nous le ferons. Mais aujourd’hui nous n’avons pas beaucoup de moyens, donc ce n’est pas dans nos priorités.

🟥En juin, il y a le Higher Education Summit, un mot ?

Pour moi c’est une consultation très importante. Nous mettons sur place plusieurs comités, comme l’internationalisation, comme les visas, la nourriture, le logement. Nos frères africains ne mangent pas de la même manière par exemple, c’est le but de notre comité international. De donner de bonnes conditions aux étudiants venus de l’étranger. Nous mettons en place des comités qui consultent directement les étudiants, pour améliorer la qualité pour les gens concernés. Dès que j’ai pris le ministère, j’ai pris en main les problèmes. Ça portera ses fruits un jour.

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