Publicité
«Qu’importe la couleur du chat … »

Nous attendons avec impatience un programme électoral pour évaluer la stratégie de chaque parti politique qui se présente au scrutin du 5 mai. Il nous reste à peine 15 jours pour en débattre !
Avec l’avènement des technologies de l’information et des outils à notre disposition, il est normal que chaque parti politique qui se respecte dévoile sa stratégie et son programme bien à l’avance. Les politiciens devaient savoir que 2010 allait être l’année électorale. A contrario, la stratégie des alliances a pris le pas, au détriment d’un programme. C’est un peu se moquer des gens. A l’écoute des quelques rassemblements publics des partis en lice, il y a un sentiment de déjà vu, déjà entendu - business as usual. On ne voit pas d’orateurs qui se distancent de la politique de ricanement et des critiques futiles pour aborder les véritables problèmes auxquels la nation est appelée à faire face dans les années à venir. Un vrai parti devrait scruter l’avenir au-delà des prochaines cinq années, surtout dans un monde en pleine mutation où Maurice doit se joindre à des forces régionales et internationales pour défendre sa vision stratégique et maintenir sa survie. Tel est l’enjeu de notre petite île, maintenant convoitée par des puissances émergentes en plus des anciens colons qui n’ont pas fi ni de dire leur dernier mot, à l’instar de l’occupation illégale et honteuse de l’archipel des Chagos.
Confronté à un taux démographique élevé par rapport à la superficie terrestre de son territoire, un gouvernement devrait se défendre bec et ongles pour gérer le côté mer de celui-ci. Ceci voudrait dire une application stricte du Droit de la Mer et la non-violation de sa Zone économique exclusive (ZEE). Pendant longtemps, nous nous sommes orientés uniquement vers le développement terrestre, laissant la mer aux mains de pillards qui exploitent notre territoire sans vergogne. Ce qui fait dire ironiquement que les
Mauriciens ont le dos tourné à la mer ! Une politique de pêche hauturière devrait s’inscrire dans un programme électoral. La poissonneuse zone de l’archipel des Chagos pourrait garantir à chaque citoyen un plat frais trois fois par semaine, à un prix défiant toute concurrence.
C’est quand même paradoxal que le poisson soit un plat de luxe à Maurice. Une politique de pêche hauturière est en outre génératrice d’emploi. Nous sommes en plein droit d’exercer notre souveraineté sur cet immense espace. Cette sous-exploitation reflète un déficit sérieux de volonté politique. Le moment est venu de se ressaisir. Les enjeux, j’en vois, entre autres, trois. Maurice doit mieux s’insérer sur l’échiquier régional et international en jouant un rôle beaucoup plus actif au sein du système des Nations unies. Il ne suffit pas d’installer une représentation diplomatique dans chaque capitale importante du monde et de participer à des réunions internationales en jouant un rôle passif de figurant. On pourrait faire mieux, en mettant en place une cellule au sein du ministère des Affaires étrangères pour assurer un «monitoring» des événements internationaux. La technologie de l’information nous permet aujourd’hui de rester en contact en temps réel avec de grands événements. Un centre d’excellence doté de techniques de vidéo-conférence permettrait à ce «think thank» de participer à distance à des conférences sans se déplacer.
Cette plateforme permettrait à nos diplomates d’échanger des points de vue avec le gouvernement de Port-Louis et entre eux. Ainsi, on parlerait d’une seule voix dans le concert des nations. Maurice pourrait, dans sa politique de cyber-île, se placer en tête pour gérer un centre virtuel connecté à l’Europe, aux Amériques et à l’Asie. Ce centre pourrait aussi bénéficier aux pays du Sud-Ouest de l’océan Indien et à d’autres pays africains. La formation des jeunes dans le domaine de la diplomatie et des relations internationales est primordiale.
Le progrès des technologies de l’information continuera à influencer notre mode de vie, si bien que derrière la porte se profile la technologie des nuages - «Cloud computing » - qui viendra assurer cette couverture universelle et démocratiser le flux d’informations à la disposition de chaque citoyen de la planète. Le système commercial s’en trouvera bouleversé. Il en sera de même pour les autres services publics et les universités. Le coût exorbitant de la communication interne et internationale volera en éclats. Le pays pourrait en bénéficier, par exemple en installant des centres connectés aux universités les plus prestigieuses du monde. Cela permettrait aux étudiants d’avoir accès à leurs prestations sans aller à l’étranger. L’Université de Maurice devrait jouer ce rôle de rassembleur des universités prestigieuses du monde et en faire bénéficier en temps réel nos futures générations d’étudiants. Un gouvernement averti devrait suivre cette évolution et prendre des mesures pour s’insérer dans cette nouvelle logique. Alors que le monde a mis 75 années pour que la radiocommunication atteigne 50 millions de personnes, nous sommes aujourd’hui dans un monde où l’on atteint cette cible de 50 millions en trois mois ! Cette vitesse de pénétration ira en s’accentuant. Il faudra s’attendre à ce que lors des élections de 2015, mais certainement de 2020, on adopte l’«e-voting system», qui permettra à chaque électeur de voter à domicile! Quand les dinosaures quitteront la scène politique, une nouvelle génération, jeune et informatisée, au regard différent, prendra la relève. Une nouvelle «e-Maurice» se profile à l’horizon. Il faudra y songer et préparer le terreau.
Dans le même ordre d’idées, le gouvernement doit surveiller de près la protection de son infrastructure critique. Toutes les informations critiques d’un Etat sont sujettes à des attaques et ce sera la bataille cruciale de demain. Récemment, plusieurs incidents au niveau mondial nous ont démontré que notre survie en dépend. Le monde n’est pas à l’abri d’un «cyber- tsunami». Les pays européens, les Etats- Unis ont déjà un programme de surveillance pour protéger leurs infrastructures critiques. Maurice doit se doter de compétences pour se défendre dans le cyber-espace et protéger son infrastructure critique. Ce qui veut dire une surveillance «24-7-365». Ceci pourrait se réaliser à travers une politique de régionalisation, en collaboration avec des pays de la région, pour diminuer le coût. Cette politique sensible requiert une planification minutieuse et c’est le rôle essentiel d’un gouvernement.
Tout ceci pour dire sans exagération que notre pays est en sursis, d’abord en raison de sa petitesse, de sa fragilité écologique et de l’absence d’une politique agressive au niveau international pour défendre, comme il se doit, la survie des petites îles et notre droit d’existence en tant que nation. Tels sont les enjeux, parmi tant d’autres, qui auraient dû être au coeur d’un débat télévisé et public, entre les leaders des partis en présence, avant l’échéance du 5 mai. Les électeurs mauriciens ont mûri. A la veille du
5 mai, beaucoup souhaiteraient lire et analyser votre programme et les mesures que vous proposez pour sa mise en oeuvre. Plus que vos échanges souvent folkloriques et répétitifs, c’est sur les grands dossiers que l’électeur jugera et votera. «Qu’importe la couleur du chat, pourvu qu’il attrape des souris», disait Deng Xiaoping. On est tenté de rappeler cela à nos deux aspirants Premiers ministres. L’avenir de notre pays nous intéresse plus que la couleur de la peau. Que la meilleure équipe dirige, gère et protège notre pays !
Venen PARATIAN
(Source : l’express iD – jeudi 22 avril 2010)
Publicité
Publicité
Les plus récents




