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Scandaleux

8 mai 2012, 20:00

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Dans le quotidien l’express en date du 17 avril 2012, est publié un article ayant pour titre : «Ail : Pourquoi ne pas libéraliser ?» Pour les lecteurs qui ne sont pas familiers avec ce sujet, il serait opportun de faire ressortir que le pays importe la totalité du volume d’ail consommé localement (autour de 1 600 tonnes), essentiellement de Chine, qui est le plus gros producteur mondial de ce condiment. L’importation de l’ail est jusqu’ici le monopole exclusif de l’Agricultural Marketing Board (AMB), qui est une institution parapublique.

Ceci dit, l’article dont je fais référence donne quelques éclaircissements très intéressants sur l’importation de ce condiment par l’AMB. Ainsi, nous savons que celui-ci importe actuellement ce produit au prix de US $ 1 000 la tonne (Rs 30 000 la tonne ou Rs 30 le kilo), excluant les frais de dédouanement et de transport de Port-Louis à ses entrepôts à Moka. Normalement, l’entreposage d’une cargaison d’ail ne devrait pas dépasser six semaines dans les chambres froides de l’AMB. Par ailleurs, le stockage entraîne normalement un dessèchement du produit, que nous évaluons à 1 %, vu la courte période sur laquelle celui-ci est stocké.

Tenant compte de ces facteurs, on peut avancer que le coût de revient de l’ail à l’AMB ne devrait pas dépasser Rs 37 000 la tonne ou Rs 37 le kilo. A ce prix, nous ajouterons une marge de profit de 15 %, ce qui semble raisonnable pour un produit qu’on considère comme étant un fast mover. Ainsi, nous estimons que l’AMB aurait dû vendre son ail aux grossistes au prix de Rs 43 000 la tonne ou Rs 43 le kilo, soit une augmentation de 43 %, comparé au prix d’achat. Le prix au détail aurait dû être de l’ordre de Rs 62 le kilo. Or, que fait ressortir l’article de l’express du 17 avril 2012 ? L’ail est vendu aux grossistes au prix de Rs 110 le kilo (dixit le directeur de l’AMB). Ainsi, cette organisation, tombant sous la juridiction du ministère de l’agro-industrie, fait une marge de profit faramineuse de 156 % (Rs110/ Rs 43). Devinez au détriment de qui ?

Et cela ne s’arrête pas là, car l’AMB vend aussi ce même ail directement aux consommateurs à Rs 132 le kilo (prix avancé par le directeur de l’AMB) dans ses points de vente situés dans différents marchés, notamment, Port-Louis, Vacoas et Curepipe, ainsi qu’à Moka, engrangeant donc des profits astronomiques de 206 % (Rs 132/Rs 43), sur le dos des consommateurs. Connaît-on des produits similaires qui peuvent rapporter aussi gros en termes de pourcentage ?

Si nous poussons notre analyse un peu plus loin, nous noterons que ce même ail, commercialisé par l’AMB auprès des grossistes à Rs 110 le kilo, est vendu aux consommateurs, les éternels tondus, au prix de Rs 160 le kilo, 158 % (Rs 160/ Rs 62) plus cher que le prix de vente auquel il aurait dû normalement être vendu. Bien évidemment, ce prix de vente au détail comprend les frais d’opération et autres marges de profit des grossistes et des détaillants qui, eux, s’élèvent à 45 % du prix de vente ex-AMB.

Plus grave encore, c’est que les ministères de l’Agro-industrie, des Finances, du Commerce et de l’Industrie, ainsi que celui des coopératives, sont dûment représentés au sein du conseil d’administration de l’AMB. Et dire que, dès que le ministère du commerce s’aperçoit qu’un commerçant trop zélé outrepasse ses recommandations en appliquant une marge de profit supérieure à celle consentie sur certains produits spécifiques, il est rapidement rappelé à l’ordre.

L’ail est considéré comme étant la «vache à lait» de l’AMB, en raison de la situation monopolistique de ce dernier. C’est le seul produit qui permet à cette organisation d’amortir quelque peu ses déficits, comparé à la pomme de terre et à l’oignon, dont les importations sont libéralisées à hauteur de 50 % et sur lesquels très souvent l’Office des Marchés accuse des pertes conséquentes. Cependant, est-ce normal que ce soit aux consommateurs de payer pour l’inefficience d’une organisation qui est aujourd’hui dépassée et dont la législation la gouvernant, qui date de 1963, est aujourd’hui caduque ?
Depuis 1998, les importations de pomme de terre et d’oignons qui, jusqu’alors étaient le monopole de l’AMB, ont été libéralisées à hauteur de 50 %. Cette décision a eu pour effet que ce corps parapublic a vu ses revenus réduits de moitié.

Malgré cela, l’organisation continue à opérer de la même façon, avec un personnel de plus de 150 personnes pour un volume d’importation qui a, Entre-temps, diminué de l’ordre de 10 000 tonnes. Ceci sous-tend qu’aujourd’hui, il faut deux travailleurs pour faire le même travail qui nécessitait un seul travailleur il y a de cela douze ans. Et dire qu’une des principales responsabilités de l’AMB est de s’assurer que les intérêts des consommateurs sont protégés en appliquant un prix de vente juste et équitable pour les produits tombant sous sa responsabilité. Est-ce cela, de la bonne gouvernance ?

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