Publicité

Pas de ligne médiane

9 mai 2010, 20:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Réaction à : Pouvoirs et contre-pouvoirs


La conception des relations entre le pouvoir et les contre-pouvoirs, dont la presse indépendante, procède d’une vision politique, laquelle est soit démocratique, soit anti-démocratique. Entre ces deux visions antinomiques de la politique, il n’y a pas de ligne médiane. Soit on est pour la liberté de la presse avec ce que cela comporte de critique objective et de refus de la servilité, soit on est contre la liberté de la presse.

Historiquement, les trois partis formant l’alliance au pouvoir s’accommodent mal de la presse libre. Tandis que le Parti travailliste et le PMSD ont un passé liberticide éloquent avec la censure de la presse et l’interdiction de journaux qu’ils avaient pratiquées férocement dans les années 70, le MSM a fait preuve d’intolérance à la critique à chaque fois qu’il s’est retrouvé en compagnie de ces partis. Pour ces trois alliés qui ont une conception quasi-monarchique, voire dynastique du pouvoir, l’existence de la presse libre est forcément une aberration qui ne saurait être tolérée.

Contrairement aux autres contre-pouvoirs qui ont été soit neutralisés soit instrumentalisés à l’avantage du gouvernement, la presse indépendante qui s’autofinance grâce à son lectorat fidèle est la seule institution qui est restée en dehors du contrôle du pouvoir. Elle constitue l’unique espace de débat démocratique dans une société où l’accès aux réseaux sociaux de l’Internet demeure un luxe pour la grande majorité de la population. Si ce dernier rempart contre la tentation totalitaire du pouvoir devait tomber, le pays serait voué à une descente aux enfers où le délit d’opinion serait considéré comme un crime de lèse-majesté. Il n’y aurait plus personne pour exposer les gabegies, les scandales et les incartades de nos gouvernants.

Au cours des cinq dernières, malgré les élections qui sont supposées garantir l’alternance, l’espace démocratique dans le pays s’est rétréci comme une peau de chagrin. Les syndicats ont peur de faire des manifestations parce que la loi anti-rassemblement est une épée de Damoclès sur leur tête.

 La société civile est balkanisée en groupes et sous-groupes ethniques qui poursuivent des desseins égocentriques. Les leaders d’opinion sont marginalisés et décrédibilisés par des procès d’intention lancés par les apprentis-sorciers du pouvoir. Le mouvement écologiste ne peut susciter de l’idéalisme chez les jeunes trop occupés à chercher une place au soleil dans un pays où les opportunités d’emplois et d’affaires sont verrouillées pour ceux qui sont de l’autre bord politique. Les associations féminines se préoccupent davantage du nombre de femmes-députées que des problèmes de la femme. Entre deux élections, l’opposition peut seulement crier au Parlement lorsqu’elle n’est pas complaisante envers le pouvoir.

Au sein de la presse en général, on observe une pluralité de titres, mais un pluralisme rétréci. A l’exception de deux titres qui ont une ligne éditoriale indépendante, les autres journaux tombent dans deux catégories non-indépendantes. La première catégorie se compose de petits journaux qui se situent carrément dans le camp du pouvoir pour s’assurer les revenus liés à la publicité gouvernementale, leur principale source de financement. La seconde catégorie comprend les journaux à grand tirage qui ménagent la chèvre et le chou sur l’échiquier politique pour ne pas s’attirer les foudres des puissants du jour. Ce qui est plus inquiétant, c’est que certains titres de cette catégorie sont tombés sous le contrôle de groupes financiers proches du pouvoir qui leur dictent la ligne éditoriale à suivre.

Sans le soutien de la société civile, l’avenir de la presse libre ne s’annonce pas brillant à Maurice.

Démocrate

Publicité