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Mau(x-)dits guinéens

27 septembre 2010, 20:00

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Triste anniversaire. Et plus encore amer. Il y a un an, le 28 septembre 2009, les bérets rouge de la junte militaire au pouvoir en Guinée, sous l’autorité du putshiste Moussa Dadis Camara, investissent le stade de Dixinn à Conakry, la capitale, où se tient un meeting pacifique de l’ensemble des partenaires politiques de l’opposition et de la société civile. Le massacre relève de l’indicible. Officiellement, on dénombre 156 victimes, plusieurs dizaines de viols virant à la barbarie la plus vile et la plus veule à coup de baillonettes et armes blanches. Un an après, la justice piétine malgré les conclusions de la commission d’enquête internationale mandatée par les Nations Unies dépêchée en novembre 2009.

Quand le 22 décembre 2008 le Général-Président Lansana Conté meurt après 24 ans au pouvoir, c’est une bouffée d’espoir pour un peuple fataliste déjà meurtri des années Sékou Touré (1958-1984). L’arrivée au pouvoir de Dadis Camara, chef de la junte militaire, quasi-inconnu sorti des casernes, a vite rassuré la population. Ses discours populistes et son désir, disait-il, de rendre le pouvoir au peuple, ont même convaincu le président sénégalais Abdoulaye Wade qui l’a vit soutenu.

Hélas ! Dadis Camara a vite pris goût au pouvoir. Chef ubuesque et grotesque il officiait quotidiennement dans la Dadis show à la radiotélévision guinéenne et recevait les caméras du monde entier jusque dans sa chambre à coucher, affalé dans son lit au milieu de militaires en armes.

C’est le 28 septembre 2009 que tout a déraillé, alors que l’Union africaine, les chefs d’Etat de la région et la communauté internationale essayaient en vain de le convaincre de ne pas se présenter à des élections qui tardaient. Une manifestation pacifique d’opposants et de la société civile dans le stade de Dixinn à quelques encablures du centre ville a viré au cauchemar.

Depuis cet évènement tragique, Dadis a perdu de sa superbe. Son fidèle aide de camp, Toumba Diakité, qui dirigeait les exactions au stade, a été désavoué par son chef dès lors sali du sang des victimes. Lâché, Toumba se venge sans attendre et tire sur Dadis Camara qui est envoyé au Maroc pour des soins. Etétée, la Guinée aurait pu vite sombrer. Sékouba Konaté, numéro trois de la junte, est contraint à prendre la relève. Lui qui n’aime pas le pouvoir et les ors de l’Etat, se retrouve chef d’orchestre d’une transition qui dure depuis bientôt un an.

Les avancées sont notables. La société civile est partie prenante de la transition. Le premier ministre Jean-Marie Doré, issu de la société civile, bénéficie d’une marge de manoeuvre dans laquelle n’intervient pas Konaté. Les premières élections libres du pays depuis l’indépendance ont été lancées. Le signal est le bon. Reste aux deux prétendants à la magistrature suprême, Cellou Dallein Diallo et Alpha Condé, à s’entendre pour que l’issue du second tour n’entraîne aucun effritement des améliorations sociales, politiques et l’entente ethnique. Sékouba Konaté, toujours président de la transition, s’impatiente. Il se montre même péremptoire dans ses déclarations. Quitte à imposer par la force un civil, ce qui s’avèrerait une erreur de parcours.

Sékouba Konaté pourrait mériter une reconnaissance continentale surtout s’il parvient à pacifier le paysage politique guinéen vite ethnicisé dans lequel s’invitent facilement les hommes en armes. La Guinée est à un tournant de son histoire qu’on espère heureux. Peut-être qu’ainsi ce pays ne sera plus « la terre bénie des hommes maudits », comme nous le disait Paul-Aristide Lamah, un Conakryka impatient du changement.

 

 

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