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L’histoire de la Fête du Travail

30 avril 2012, 20:00

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Cette année encore, les partis politiques et les mouvements syndicaux se sont affûtés pour célébrer la Fête du travail. Un rituel qui date de 1938, année où le Dr Maurice Curé et ses compagnons de lutte organisèrent une grande réunion au Champs-de-Mars.

Cette année-là, des milliers d’artisans et de laboureurs, sacrifiant un jour de paye, se rendirent dans la capitale. Certains par le train, d’autres par le bus et bon nombre à pied pour démontrer leur solidarité avec leurs leaders. La place Victoria, terminal de la Northern et Midland Lines, déversa des milliers de travailleurs, venus par le train, portant ostensiblement leurs oriflammes et bannières pour se diriger avec ardeur vers le Champs-de-Mars. La foule record, réunie en cet immense amphithéâtre de dame nature, ne fut pas le fruit du hasard, mais la résultante d’un travail savamment mené auprès de la classe des travailleurs, à la ville comme à la campagne. Une foule estimée à 30 000 personnes, bâtant tous les records d’assistance.

Seule la foule réunie à Sainte-Croix, le 10 septembre 1864, lors des funérailles du bienheureux Père Laval, avait occasionné un tel déplacement de personnes. Sur l’estrade, outre le Dr Maurice Curé et Emmanuel Anquetil, se trouvaient le Pundit Shadeo, Ramkelawan Battoo, Mamode Assenjee, Fritz Moutia, Dr Edgard Millien et autres Barthelemy Oshan.

Apres avoir, dans une atmosphère survoltée, écouté les différents orateurs, avec Emmanuel Anquetil volant la vedette grâce à son don oratoire, la foule vota un certain nombre de résolutions dont voici l’essentiel :

? Révision de la Constitution de la colonie pour faire place à une meilleure représentativité de la classe ouvrière et le droit de vote aux travailleurs.

? Mauvais choix des nominees au Conseil du gouvernement, les honorables Latiff Osman et Seerbookun étant jugés proche de l’oligarchie sucrière.

? Salaires et gages inadéquats aux travailleurs et la récente augmentation accordée, suite aux recommandations du rapport Hooper, est jugée inadéquate.

? Plein pouvoir accordé au Dr Maurice Curé pour négocier, au nom du Parti travailliste, tout changement devant être apportés aux lois industrielles. Après ce grand meeting du 1er Mai 1938, le mouvement syndical, enhardi, allait passer à la vitesse supérieure pour forcer le gouvernement à la reconnaissance du mouvement syndical. L’administration coloniale resta en état d’alerte. Le 2 mai 1938, le gouverneur, sir Bede Clifford, fit expédier une dépêche au Secrétaire d’Etat aux colonies. Il y écrit : «Dr Curé, as you know, is the nominal head of the Party, but the organizing genius and the brain directing its action is, in my opinion, Anquetil.»

Le soulèvement des travailleurs et des petits planteurs à l’Union Flacq, en 1937, même s’il avait causé mort d’hommes, et le rassemblement sans précédent des travailleurs au Champs-de-Mars marquent tous deux un tournant décisif dans la lutte pour une meilleure reconnaissance du mouvement syndical à Maurice. Politique et syndicalisme étant dorénavant devenus indissociables. Notons que, suivant une motion de Guy Rozemont, président du Parti travailliste, le 1er Mai deviendra férié en 1950.

Le 1er Mai dans le monde

En parlant du 1er Mai et du mouvement syndical dans le monde, notons qu’une journée dédiée aux travailleurs syndiqués fut observée pour la première fois aux États-Unis, à New York, le 5 septembre 1882. Elle fut rendue possible grâce à l’initiative d’un certain Peter Mc Guire. Ce dernier était le Secrétaire général de la Brotherhood of Carpenters and Joiners et devint plus tard le co-fondateur de la Fédération américaine du travail. Mais le Labour Day ne fut proclamé jour férié qu’en 1894. C’est en souvenir à de nombreuses victimes tombées aux cours des émeutes, liées à des actions syndicales dans les villes de Cleveland et de Chicago, que le premier congrès de l’International Socialiste décréta le 1er Mai comme le jour de la Fête du travail, à être observé dans tous les pays socialistes et communistes du monde. Cette journée est généralement marquée par des rassemblements monstres et des parades militaires, surtout dans les pays totalitaires.

Le 1er Mai nous rappelle surtout le combat des travailleurs pour plus de dignité et de respect, depuis la Révolution industrielle, qui a marqué l’exode de millions de travailleurs, en quête de travail, vers les villes. Que d’eaux ont coulé sous les ponts de l’Histoire pour la reconnaissance de leurs droits, en l’absence des lois les plus élémentaires concernant leurs conditions d’emploi. Mais les travailleurs savent qu’ils doivent être vigilants, car la perte du pouvoir politique peut signifier une érosion du pouvoir syndical, fragilisant l’emploi et le pouvoir d’achat.

Alors que les États-Unis célèbrent cette journée, dédiée à la mémoire des travailleurs tombés pour une plus grande reconnaissance de leurs droits, le premier lundi du mois de septembre, c’est le 1er Mai qui est férié dans toute l’Europe et dans ses anciennes colonies pour marquer la Fête du travail.

Il faut remonter dans l’Histoire de la vieille Europe, voire dans le temps de l’Empire romain, pour constater que le mois de mai était consacré à la déesse Flora. Il annonce l’arrivée du printemps, marqué par des célébrations folkloriques, des danses rituelles dédiées à la déesse de la fertilité et à la beauté. Dans les villes et villages en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne qui ont connu l’Occupation romaine, le mois de mai est encore marqué par des concours de reine de beauté, comme pour rappeler le culte à la vierge Marie à la place de la déesse Flora.

La fleur du muguet, que tout bon socialiste portera lors des grands rassemblements du 1er Mai, décrété férié dès 1947 en France, nous rappelle surtout la lutte épique de la classe des travailleurs liés aux mouvements de gauche.

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