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La COI de M. de l’Estrac
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La COI de M. de l’Estrac

 En prenant la tête de la Commission de l’océan Indien, M. Jean Claude de l’Estrac fait honneur à son pays. Il ne fait nul doute qu’il a l’expérience et l’étoffe pour diriger avec panache cette instance.
Mais force est de constater, malgré son approche optimiste, qu’il hérite ici d’une organisation qui a souffert d’une carence depuis son existence. Si on se targue de la mise en œuvre de quelques projets menés par la COI, on ne peut pas en dire autant de l’impact de ces projets au sein des économies des îles du sud-ouest de l’océan Indien. Il est à craindre que M. de l’Estrac ne demeure que secrétaire général administratif pendant son mandat à moins que les Chefs d’Etat ne lui confient une mission géopolitique au sein de laquelle La France maintienne une présence soutenue dans l’océan Indien.
D’ailleurs son mandat reste flou. Avec un maigre budget, des ressources humaines inadéquates, un secrétariat en carence, des projets à portée limitée, la COI ne fait que vivoter. Le poids de la COI au sein de la SADC et de l’Union africaine reste très marginal. La voix de la COI est quasi inexistante malgré l’explication de M. de l’Estrac pour évaluer son impact dans la région.
Alors que le nouveau secrétaire général vient s’installer dans cette structure archaïque et lézardée, il ne va pas tarder à trouver son bureau envahi de projets souvent stériles à la solde d’un fonds à compte-gouttes en provenance de Bruxelles. Il finira alors par se lasser des études et investissements épars, par se gaver de recommandations et de résolutions sans lendemain, et par cultiver un terrain de prédilection pour des experts payés au tarif international. En d’autres mots, pratiquer une politique du « déjà-vu » à travers discours, promesses, sollicitations, séminaires et conférences.
Et pourtant la COI peut se transformer en une force de frappe redoutable au niveau politique et économique. Il faut sortir du schéma de l’immobilisme. En conjuguant la force économique des cinq îles, une force centrifuge propulsera ces îles au-devant de la scène dans le cadre du concept « Indianocéanie » que M. de l’Estrac voudrait « faire peser dans les affaires du monde ». Pour une fois, ces cinq îles ne peuvent-elles pas compter sur leurs propres forces ? Il ne s’agit pas de se trouver partout ou de transformer la COI en monstre à plusieurs têtes. Au niveau régional mieux vaut cibler un ou deux projets d’envergure au lieu de courir après plusieurs lièvres. On est arrivé aujourd’hui à compliquer le développement avec des mots. On parle de blé et de farine mais on ne voit jamais le pain !
A titre d’exemple, dotons la COI de deux missions phares à travers une exploitation réelle de la pêche hauturière par et pour les cinq îles, en prenant en main les ressources de la mer dans le cadre des dispositifs du Droit de la Mer et un développement d’agriculture intégrée entre les îles.
Une politique de pêche hauturière sous l’égide de la COI amènera des protéines dans les assiettes de la population, créera des emplois à long terme, protégera la région de la surpêche et fera éclater le monopole de la pêche qui enrichit honteusement une poignée d’hommes. Le poisson est devenu un luxe dans nos îles. Et un projet d’agriculture intégrée apportera le terreau pour une division de travail, d’accès à des milliers d’hectares pour la production et la répartition, un marché pour dynamiser l’économie et réveiller une synergie jusqu’ici dormante. On produira ainsi à un prix hors concurrent (en éclatant les barrières tarifaires et taxes douanières), des fruits et légumes tels que pomme de terre, oignon, ail, gingembre, mangues, noix de coco, letchis, produits laitiers et bien d’autres primeurs au détriment d’un quasi-monopole existant. Par extension, Madagascar pourra aussi alimenter les îles sœurs de viande bovine, de volailles et de riz — ce même « riz perle de Madagascar » de jadis. Le prix à la consommation baissera pour le plus grand bien de la population. Tout ceci reste nous semble-t-il dans le domaine du possible et se traduit par une volonté politique à travers des investissements importants.
Ministre des affaires étrangères de Maurice dans le gouvernement MMM et auteur de l’ouvrage L’An prochain à Diego-Garcia, le nouveau secrétaire général devrait pouvoir ramener la question chagossienne sur l’échiquier international surtout sur la décision unilatérale des Britanniques de déclarer la zone « aire marine protégée » et le droit de retour des Chagossiens. Ce contentieux trouvera bien sa place au sein de la Commission.
M. de l’Estrac pourra-t-il donner cette impulsion pour faire changer le cap ? Il a rendez-vous avec l’histoire et nous lui souhaitons bonne chance.
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