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IVG : les trois ‘P’ d’une exception (III)

10 juin 2012, 20:00

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Le débat sur la dépénalisation de l’avortement dans des cas spécifiques ne doit pas concerner la religion, selon certains. Certes, nous pouvons évidemment aborder tout le sujet sans aucune référence religieuse, uniquement à la lumière de notre rationalité, à partir de nos valeurs universelles et de la réalité de notre contexte. D’ailleurs, c’est ce que beaucoup de protagonistes font, au-delà des références qu’ils ont, accessoirement, à leurs croyances.

L’Etat est laïc, mais pas les femmes et les hommes. Certes, il est pertinent de s’interroger si c’est le rôle des députés d’imposer leurs convictions, faites en âme et conscience, aux autres. Un référendum ne fera pas mieux : c’est la majorité qui décidera. Mais la question n’est pas si simple car il y va du modèle de société que nous voulons, de l’orientation des politiques et des dépenses publiques, des cas exceptionnels où une interruption volontaire de grossesse (IVG) serait justifiable.

Les élus doivent être à la hauteur de leur responsabilité. S’ils sont d’accord avec la totalité de la proposition de loi, qu’ils votent pour. S’ils ont des doutes, ils doivent voter contre. Evidemment toujours en leur âme et conscience, une formule qui devrait s’appliquer à toute prise de décision. S’ils ont le sentiment qu’ils ne sont pas habilités à se prononcer car c’est une question intime et personnelle, c’est le vote blanc — à défaut de s’abstenir physiquement — qui serait de mise.

Et c’est quand même étrange qu’on parle d’‘’âme et de conscience’’ sans se demander ce que cela veut dire ? C’est quoi une âme ou une conscience ? Quand apparaissent-elles ? Peut-on les tuer ?

Et il n’y a que la religion qui répond, un peu, à notre interrogation particulière sur l’âme. Aussi beaucoup à propos de la conscience. Ainsi nous ne pouvons éviter la référence à elle quand il s’agit de la vie, de la mort, du sens de notre existence.

Pour ne pas mentionner la vie avant ou après cette vie…

Chez les musulmans, l’âme précède la vie mais elle n’est pas insufflée au moment de la conception. D’où la possibilité de permettre l’IVG dans des cas exceptionnels. Est-ce que la proposition au Parlement correspond aux exceptions permises ?

Les plus favorables diront que c’est le cas à 50 %, mais il n’est pas possible d’approuver une loi partiellement. D’aucuns affirment qu’une exception mal définie n’est plus une exception. Beaucoup craignent qu’il y ait des abus, à l’instar de l’article 2 (b) qui ne spécifie pas la gravité d’une blessure mentale ou physique chez la mère, ni encore la limite où l’IVG serait acceptable. L’absence d’une prise en charge de l’Etat, d’un panel indépendant et d’une stratégie préventive laisse la porte ouverte. Si on a recours à des avortements clandestins malgré le danger que cela représente, et son illégalité, on hésitera encore moins à exploiter la flexibilité de la loi. Mais à quel prix ! D’ailleurs, ceux qui sont pour la légalisation pure et simple de l’avortement ne manquent pas une occasion pour rappeler que ce projet de loi donne le choix à la femme, pas seulement aux victimes tombant sous des cas exceptionnels.

Pour revenir à l’islam, rarement a-t-on vu une telle unité au sein de la communauté musulmane. Même si leurs objections ne sont pas similaires, même s’ils admettent des exceptions, même s’ils appartiennent à des écoles de pensée différentes, les musulmans, semble-t-il, rejettent partout les amendements proposés. Autour du briani d’un mariage ou lors de funérailles, dans les mosquées ou en famille, aux coins de rue, sur les radios, dans les journaux, partout des hommes, mais aussi des femmes de la communauté musulmane, s’expriment contre la proposition. Des professionnels aux oulémas, en passant par la jeunesse musulmane à l’Université, partout c’est visiblement le refus. Cette unité doit étonner quand nous savons que l’islam n’est pas aussi intransigeant que l’Eglise sur la question, qu’il n’y a pas d’autorité centrale en matière religieuse et qu’il n’y a eu aucune campagne orchestrée visant à contrer le ‘’oui’’.

Peut-être, faut-il tout simplement remercier l’Unique qui a permis ainsi l’unité de nos cœurs sur l’essentiel, même si nos intelligences divergent sur les détails. Le temps d’une réflexion, nous avons oublié toutes nos différences. Il n’y a pas eu de mot d’ordre ou de concertation pour dire ‘’non’’, mais l’unanimité s’est imposée en dépit des analyses parfois contradictoires à la lumière de la loi et la jurisprudence islamique. Il y a une conscience musulmane qui s’est affirmée. Elle est non moins citoyenne, respectueuse de la liberté et des autres. Elle se distingue par sa proximité avec l’Unique, sa fidélité à l’exemple prophétique, son intelligence du contexte local. Il y a bien une conscience collective qui s’est éveillée pour défendre l’âme dans le respect de la vie, de l’enfant comme celle de la mère. Qu’elle soit ou non une victime, la liberté de celle-ci est reconnue mais aussi sa responsabilité comme celle qui revient au père, à l’Etat, à la société.

Quand l’âme embrasse la vie pour dire à la conscience que rien ne peut la tuer, il y a lieu d’être fier d’être Mauricien et Musulman…

 

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