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Ils n’ont rien compris
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Ils n’ont rien compris

En analysant le budget 2012, présenté la semaine dernière par le ministre des Finances, l’on est en droit de se demander si la sécurité alimentaire est vraiment une priorité pour le gouvernement.
En effet, le montant alloué pour augmenter la résilience du pays vis-à-vis de l’augmentation des prix des produits importés et de toute nouvelle crise alimentairemondiale est insignifiant et ne représente que 0,2 % du budget national.
Et dire que l’on se vante que le «Food Security Fund» a été augmenté de 50 % (de Rs 100 m à Rs 150 m dont Rs 22 m pour Rodrigues). Que valent Rs 128 m (budget alloué pour Maurice) pour un secteur déjà mal en point et dont les services d’accompagnement requièrent un sérieux coup de bistouri pour sortir de leur léthargie. Pourquoi l’environnement, dont je ne conteste pas l’importance bien au contraire, bénéficiet-il d’un budget nettement supérieur ?
Mention a été faite que le «Marketing Board» financera l’achat des semences de pomme de terre, d’oignon et d’ail en vue de dynamiser la production de ces denrées. Est-ce que le ministre sait qu’il n’y a rien de nouveau dans cette mesure qui fut introduite en 2009 sous le «Food Security Fund». Le seul changement intervenu dans le budget 2012 concerne l’origine du financement de ce plan qui coûtera à l’AMB quelque Rs 25 m qu’il devra récupérer des planteurs à la fin de la récolte. Est-ce que l’AMB a les moyens fi nanciers solides pour soutenir un tel plan ?  En passant, Monsieur Duval devrait s’intéresser de près au prix auquel l’ail est acheté sur le marché chinois ainsi que celui auquel il est vendu aux grossistes et aux consommateurs.
Je ne conteste pas le fait qu’il faut continuer à encourager la production locale de pomme de terre, d’oignon et d’ail. Toutefois, les véritables enjeux sont ailleurs et une fois de plus le gouvernement a raté une occasion de rectifier le tir.
Sait-on qu’en 2009, les importations nettes de produits alimentaires ont coûté au pays la somme de Rs 20 milliards contre Rs 15 milliards en 2006 (+33 %) ?
Réalise-t-on que la consommation nette (excluant le sucre) s’élève à 650 000 tonnes, desquelles 75 % sont importés ?
Sait-on que les Mauriciens consomment de plus en plus de produits congelés et transformés qui représentent aujourd’hui 74 % de notre consommation totale ? La consommation de ces produits a connu au cours de ces 5 dernières années une croissance annuelle oscillant entre 5 et 7 %, avec comme résultat une dépendance accrue des importations.
Peut-on continuer à importer annuellement 100 000 tonnes de maïs de l’Argentine pour la fabrication d’aliments pour animaux alors que nous n’avons aucun contrôle sur les prix et les volumes ? Entretemps, le coût de production ne cesse de grimper avec pour résultat une hausse constante du prix d’achat du produit fini. Il y a une limite qu’on ne pourra franchir.
Sait-on que Maurice a importé pour Rs 2,5 milliards de lait et de produits laitiers en 2009, une hausse de près de 40 % comparée aux Rs 1,8 milliard dépensées en 2006 et ce pour un volume pratiquement inchangé ?
Qu’attendons-nous pour encourager la production industrielle de lait et de produits laitiers avec des technologies de pointe et l’importation de vaches à très forte productivité ?
Pourquoi aucune mention n’a été faite dans le budget sur la coopération régionale qui demeure notre véritable planche de salut ? Où en est-on avec la «Regional Food Company», créée en 2009 et dont plusieurs millions de roupies ont été dépensées jusqu’ici pour faciliter l’accès aux terres obtenues au Mozambique ?
Quid de la qualité, de la bio sécurité ? Continuera-t-on à appliquer un système de vente à l’encan de légumes archi-archaïque, où les légumes sont triés et entreposés à même le sol dans des conditions infectes dépourvues de normes d’hygiène les plus élémentaires ?
Depuis des années, les planteurs de légumes réclament une unité moderne de vente en gros qui leur permettra de commercialiser leurs légumes dans des conditions optimales.
On enlève la TVA sur les équipements agricoles pour les petits producteurs qui, dans la majorité des cas, ne possèdent qu’un demi à un arpent de terre et ne peuvent donc envisager l’achat de ce type de matériel alors que l’on accorde Rs 300 m pour encourager le regroupement des petits cultivateurs de canne à sucre. Pourquoi ne pas avoir étendu les mêmes facilités au secteur non-sucre afin de favoriser les économies d’échelle ?
Autre paradoxe : l’élimination de la taxe douanière de 10 % sur les véhicules réfrigérés alors que ce même équipement, essentiel pour maintenir la chaîne de froid et donc la qualité du produit, n’est pas exemptée de la TVA comme c’est le cas pour les équipements agricoles, pour encourager son utilisation.
Jusqu’à quand les économiquement faibles et les consommateurs en général continueront-ils à subir les augmentations continues des prix des produits alimentaires, lesquels prix continueront à augmenter en 2012 en attendant la prochaine envolée des prix, dont le précurseur pourrait, cette fois, être la Thaïlande ?
Voilà où se situent les véritables enjeux concernant notre sécurité alimentaire (dans tous les sens du terme). Tant qu’il n’y aura pas de réelle volonté politique comme cela a été le cas pour le «Seafood Hub», les TIC et le secteur financier, tant que la politique de production alimentaire fera l’objet d’un amateurisme flagrant, notre secteur agricole continuera à végéter alors que certains se contenteront des maigres résultats obtenus en disant que les objectifs sont atteints.
Une année de plus de perdu. Pour certains, ce n’est peut être pas grave. Entre-temps, la part de la nourriture dans le budget des économiquement faibles augmente inexorablement et représente aujourd’hui 45 à 50 % de leurs dépenses contre 30 % en 2007. Si c’est cela que nous voulons, nous sommes bien servis.
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