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Hommage à Deepchand Ganesh, chauffeur de l’autobus 4263 AG 07 : Mon chauffeur, ce héros
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Hommage à Deepchand Ganesh, chauffeur de l’autobus 4263 AG 07 : Mon chauffeur, ce héros

Ashok Dhurbarrylall, l’un des rescapés de l’accident de Sorèze, survenu le 3 mai dernier, revient sur ces instants traumatisants. Il rend un vibrant hommage au chauffeur du Blueline qui est mort en tentant de sauver la vie de ses passagers.
44 rescapés de la mort. C’est le bilan positif qu’on peut faire de cette calamité qui a cruellement frappé tant de familles en ce jour sombre du vendredi 3 mai 2013. Cela aurait pu être encore plus désastreux si le chauffeur Deepchand Ganesh et le receveur Ram Bundhoo n’avaient pas su agir en vrais commandants de bord pour sauver leurs passagers lors de ce crash annoncé.
Dès le premier instant quand il constata que les freins n’obéissaient plus à ses commandes, Deepchand Ganesh donna les instructions à son receveur de faire évacuer tous les passagers des premières rangées vers l’arrière de l’autobus. Et Ram Bundhoo s’exécuta avec autorité. Dans une poignée de secondes l’ordre presque martial était suivi.
C’était une décision bien calculée. Deepchand voulait stopper son bus contre un obstacle au péril de sa vie tout en protégeant ses passagers. Il avait, selon moi, deux options faciles. Ouvrir la portière de sa cabine et sauter par-dessus bord en délaissant le bus dans sa course folle avec ses passagers. Ou tamponner les quelques voitures qui roulaient devant lui pour amortir sa descente et immobiliser l’autobus.
Ces décisions auraient certainement causé beaucoup plus de morts et de blessés graves tant parmi les occupants de l’autobus que parmi les autres usagers de l’autoroute M1 qui étaient sur son passage à ce moment fatal. Sans compter les nombreux ouvriers qui travaillaient aux alentours pour l’agrandissement de la route.
Mais le chauffeur n’avait qu’une idée en tête. Ne pas faire de victimes, sinon de minimiser le plus possible les «casualties» et autres dégâts matériels. C’est dans ce but qu’il refusa d’abandonner son bus et se fraya un passage à travers les véhicules qui roulaient insouciants devant lui. Ce n’était pas une tâche facile en vue de la densité du trafic routier à ce moment-là, la vitesse qu’avait prise l’autobus dans cette descente, et les passagers qui s’affolaient. Il y avait aussi, mélangé aux cris de détresse, la sirène du bus qui s’est déclenché et dont le son strident amplifiait davantage la peur et la panique qui régnaient.
Dans ce but précis, Deepchand Ganesh, en vrai commandant de bataillon qui avait à coeur la survie de ses troupes, ne perdit pas son sang-froid. Il contrôlait avec une forte détermination ce bus fou qui fonçait sur l’autoroute en zigzaguant et secouant sur son trajet, tout en évitant tout obstacle sur son passage qui pouvait causer mort d’homme.
Finalement le tournant de Sorèze lui apparut comme un salut. Comme la voie était dégagée il en profita pour s’y diriger et chercher un point d’impact qui pouvait caler l’autobus. L’idée était bonne et la décision bien réfléchie. Malheureusement la tragédie a eu raison sur sa volonté – celle de protéger la vie d’autrui.
L’autobus en empruntant le tournant de Sorèze, pris par la vitesse et déséquilibré par le déplacement de tous les passagers vers l’arrière se renversa. Le drame s’est joué dans une fraction de seconde. Deepchand Ganesh est parti prématurément, accompagné d’une dizaine de ses passagers qu’il désirait mener à bonne gare. Mais le destin en a décidé autrement.
Il est parti certes, mais il est parti stoïquement. Dans une situation aussi catastrophique que celle-là, ou d’autres auraient peut-être essayé de sauver leur peau en abandonnant l’autobus et ses occupants à leur sort, il a essayé dignement et courageusement de faire tout ce qui était dans ses possibilités pour épargner les souffrances humaines au détriment de la souffrance de sa propre famille.
Son épouse, ses enfants, sa famille et tous ses proches le pleurent. Pleurez autant que vous voulez. C’est normal. Les larmes atténuent la douleur. Mais soyez fiers de lui. Il est mort pour une cause honorable – celle de vouloir protéger les autres. Il est mort comme un brave. Il est mort en bon serviteur. Il est mort sur le champ de bataille – en bon patriote. Il est mort en héros.
Son âme mérite amplement de reposer en paix après avoir accompli ce qu’il a accompli. Adieu, monsieur le Chauffeur. Nous ne nous reverrons jamais. Mais le souvenir de vos actes héroïques restera à jamais gravé dans ma mémoire et dans celle de l’île Maurice entière. Je profite de cette occasion pour dire aux autres familles affligées par ce drame que je suis de tout coeur avec elles dans leur douleur. Ce sentiment ne s’effacera pas de sitôt.
Merci à Ram Bundhoo, le receveur qui dirigeait avec bravoure l’opération dans l’autobus avant l’accident. Aussi un grand merci à tous ces anonymes qui sont accourus en premier sur le lieu du drame pour apporter, selon leurs moyens, de l’aide et du réconfort aux victimes. Et pour terminer, un grand bravo au service hospitalier qui a été à la hauteur de la difficile tâche ce vendredi noir.
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