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Des germes de division

Bousculé, décontenancé par l’accélération des événements autour de la recherche d’unifi cation e l’opposition, le Premier ministre n’est, en apparence, pas au bout de ses peines. Mais ça pourrait bien n’être qu’une apparence.
Au départ de ce genre de contestation, les choses pour le pouvoir s’améliorent rarement ; souvent, elles ne font qu’empirer et les mauvaises nouvelles se succèdent alors. C’est le « temps médiatique », quand tout est amplifié par les médias et la rumeur publique. Navin Ramgoolam va donc essuyer quelques semaines de forte tempête, au moins jusqu’au 2 mai.
Cela le réveillera, d’ailleurs, du confort politique dans lequel il s’est coulé depuis plusieurs années, face à une opposition schizophrène, qui ne savait plus si elle voulait le fi nir ou, au contraire, se joindre à lui et le renforcer. Mais après ?
Navin Ramgoolam est aujourd’hui à l’une des périodes les plus délicates de son primeministership. Pour la première fois depuis neuf ans, il a face à lui, en sir Anerood Jugnauth, un challenger de poids qui (à l’inverse de Paul Bérenger) ne part pas battu d’avance dans au moins la moitié des circonscriptions du pays, qui est en mesure de lui disputer son leadership de l’électorat majoritaire et qui n’a ni l’envie ni le besoin de lui faire des faveurs politiques.
Plusieurs facteurs rendent SAJ potentiellement très vulnérable après sa démission, mais l’exprésident livre vigoureusement jusqu’ici le dernier grand combat de sa vie. Et à en juger par le ton de ses premières interventions publiques, SAJ va boxer sans gants. Ça va saigner !
Plusieurs autres facteurs pourraient aussi aller mal pour le Premier ministre. Il est aujourd’hui, davantage qu’hier, l’otage de quelques parlementaires frustrés et des groupes de pression gravitant autour de lui. Il va lui falloir regarder en permanence par-dessus son épaule et vivre dans l’obsession du complot (réel ou imaginaire). Avec l’éloignement ou le décès de plusieurs amis personnels, sa garde rapprochée s’est modifiée, renforçant son isolement ; elle est aujourd’hui moins sûre, moins « rouge ». Son « joker MMM », qui jusqu’à récemment lui offrait un fi let de sécurité autant psychologique que politique, s’écroule, à force de procrastination. Paul Bérenger, excédé, s’éloigne de lui et SAJ veillera probablement à élargir le gouffre entre les deux hommes. Les soutiens extra-parlementaires du gouvernement, sentant le vent se lever, pourraient bien être tentés de couvrir leurs paris. La certitude a, en effet, beaucoup d’amis ; le doute, lui, entame les loyautés...
Navin Ramgoolam ne semble pas, pour autant, indument inquiet, même si l’opposition lui prête des poussées de panique. Pourquoi ? Parce qu’il contrôle le moyen et le long termes. Dans les circonstances actuelles, Navin Ramgoolam n’a qu’une seule stratégie : laisser passer l’orage et gagner du temps. Dans l’espoir qu’une actualité chassant l’autre, la pression rebaissera. Mais surtout dans la certitude que la nouvelle alliance de l’opposition, hâtivement conclue, porte en elle même ses propres contradictions et germes de division et s’évaporera dans une succession de controverses.
Le Premier ministre dispose, par ailleurs, de nombreux atouts pour contrer la menace MMM-MSM. D’abord l’attrait et les leviers du pouvoir. Tant que sa majorité tient, toutes les ressources, tous les mécanismes de la Constitution sont à sa disposition. La pratique, peu glorieuse, de débauchage des élus de l’opposition, va sans doute se poursuivre. A défaut d’élargir sa majorité, Ramgoolam voudra sans doute négocier – sur une cruciale motion de censure – des abstentions (OPR et FSM) ou des « absences et voyages commodes » qui priveraient l’opposition de votes que Bérenger, un peu imprudemment, additionne déjà dans le camp anti-Ramgoolam.
Le Premier ministre va aussi faire traîner les choses, autant pour les municipales et d’éventuelles partielles que pour les prochaines élections générales fin 2015, en espérant épuiser SAJ dans ce marathon politique.
Son leitmotiv va se résumer, dès lors, en un seul mot : tenir. Tenir jusqu’à l’implosion possible, dans le temps, de la nouvelle alliance de l’opposition. Ramgoolam sait, en effet, que Bérenger s’enflamme pour un script politique et presque aussitôt le déchire pour passer à autre chose ; que le catalogue des récriminations entre SAJ et Bérenger depuis 1982 est impressionnant et que, malgré un petit vernis d’estime mutuelle, leurs rapports ont toujours été tumultueux ; que s’il respecte et craint le père, le leader MMM ne porte pas dans son coeur Pravind Jugnauth et travaillera en fait à réduire l’influence du MSM dans l’après-SAJ ; que Bérenger peinera aussi à expliquer au pays pourquoi, après avoir été au top avec l’affaire Medpoint, il brade aujourd’hui son parti au MSM et lui consent deux fois plus de tickets que l’offre « inexplicablement généreuse» en 2010 du PTr.
Nous assistons aujourd’hui à une décrédibilisation totale du discours politique à Maurice. Tout est dit et renié dans le même souffle. Les chefs politiques estiment n’avoir aucun compte à rendre à leurs troupes et à l’opinion publique, sinon quelques platitudes dont personne n’est dupe. Ils croient pouvoir impunément faire ingurgiter n’importe quelle potion à un électorat blasé. L’alliance MMM-MSM, conclue dans des circonstances anormalement bâclées, peu expliquées, va tester jusqu’à la limite le cynisme de l’opposition. Déjà, avant même les premières manifestations communes, des lézardes apparaissent, des positionnements font problème.
Peut-être Navin Ramgoolam n’aura-t-il finalement même pas à batailler très dur pour semer la zizanie dans le camp adverse et faire reculer la menace. Le couple infernal MMM-MSM commence déjà furieusement à s’en charger lui-même. Comme d’habitude.
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