Publicité

CT Power, les IPP et le processus MID

4 février 2013, 20:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Quelles transitions énergétiques pour Maurice ?

La génération d’électricité est un enjeu majeur pour le pays, ce qui explique l’intérêt grandissant que tout le monde porte à ce créneau car le contrôle financier de ce secteur serait très profitable.

C’est pour cela que le capital sucrier local investit massivement dans la construction de centrales électriques et passe des contrats confidentiels avec le gouvernement. Ainsi la part d’électricité vendue par les IPP passe de 22 % en 1993 à 49 % en 2001, pour atteindre 55 % en 2011.

Il est indéniable que les IPP ont été favorisés par tous les gouvernements depuis bien longtemps.

Mais soyons bien clairs, il n’y a rien de mal à favoriser le capital local dans un secteur stratégique comme l’énergie, car il se peut que le gouvernement ait eu de la peine à lui- même assurer de tels investissements.

Le problème réside dans l’opacité des contrats signés et arrivera un temps où les clauses de ceux-ci devront être divulguées pour dissiper les doutes que la confidentialité génère. Voila qu’apparaît le projet CT Power sans appel d’offres, dans un contexte plutôt opaque.

Après de maintes péripéties, CT Power est rejetée pour des raisons environnementales, nous dit-on. Mais, les promoteurs font appel à l’Environment Appeal Tribunal qui renverse la décision de l’EIA Committee. En attendant, le gouvernement annonce qu’il va construire une centrale à charbon sur un terrain, déjà identifié, appartenant à Médine qui, d’ailleurs, annonce qu’il n’a aucun projet de cette sorte en voie. Si tel est le cas, pourquoi avoir rejeté le projet de CT Power ? L’un n’est- il pas aussi polluant que l’autre ? Ce ballet est extrêmement préjudiciable au concept de Maurice: île durable (MID).

Comme pour rendre la situation encore plus trouble, le gouvernement annonce qu’il va se lancer dans un projet de production d’électricité à partir du gaz naturel liquéfié (GNL), importé du Qatar ou d’Australie.

A-t-on besoin de CT Power et d’un projet GNL en même temps ? Nulle réponse à cette interrogation. La contradiction entre le MID et CT Power est préjudiciable à celui- ci car le projet perdrait toute crédibilité et deviendrait une coquille vide. L’engouement pour le charbon fait fi de certaines considérations élémentaires en ce qui concerne la production et les prix sur les marchés mondiaux. En 2011, le monde produisit et brûla 7,7 milliards de tonnes de charbon et la Chine produisit et en consomma la moitié. Depuis 2000, la consommation annuelle chinoise de charbon augmente de 8,8 %, à ce rythme la consommation chinoise devrait doubler en 8- 9 ans ! Pour l’instant, la production chinoise parvient tout juste à satisfaire la demande intérieure. Mais, si la demande chinoise continue à augmenter comme par le passé, il est fort probable que la Chine ne pourra en produire suffi samment et devra donc importer des quantités grandissantes de charbon sur le marché international.

Le marché chinois, de par sa magnitude, pourrait évincer les autres importateurs, surtout des petits pays tels que Maurice.

Il est également important de comprendre que les prix du charbon sur le marché international tendent à suivre ceux du pétrole. Donc, toute envolée pétrolière va tirer vers le haut les prix du charbon.

Ainsi, en 2000, une tonne de charbon coûtait au pays Rs 877 et un baril de pétrole coûtait US$ 28,50. En 2011, une tonne de charbon revenait à Rs4 758, soit une augmentation de 440 % et un baril de pétrole arrivait à US$ 111,26, soit une augmentation de 290 %. En fait depuis 1987, les prix du charbon et du pétrole se suivent de très près.

CONTRAINTES ÉNERGÉTIQUES

Avec une production mondiale de pétrole qui peine à augmenter et une demande mondiale croissante, les prix du pétrole peuvent potentiellement demeurer élevés, tirant de facto vers le haut les prix du charbon. Nous avons donc deux facteurs externes au pays qui conjointement peuvent maintenir les prix du charbon élevés: la Chine et les prix du pétrole. Il s’en suit que d’augmenter notre dépendance vis-à-vis du charbon peut nous coûter très cher.

Ceux qui poussent le pays vers le charbon devraient venir démontrer, chiffres à l’appui, si l’approvisionnement en charbon à un prix acceptable est garanti dans les 20 prochaines années. Le pays ne peut se permettre de se laisser mener, dans un secteur aussi critique que la production électrique, par des personnes qui ont été incapables de voir venir les envolées des prix du pétrole et qui risquent de se révéler tout aussi incapables de voir venir les contraintes énergétiques majeures dans le domaine du charbon.

Il est donc clair que nous devons graduellement nous défaire de notre dépendance sur le charbon et sur l’huile lourde pour la production électrique et faire de la place aux énergies renouvelables.

Mais, celles- ci ont une faiblesse qui est leur variabilité, car le soleil ne brille pas tous les jours et le vent ne souffle pas toujours.

Pour pallier à la variabilité des énergies renouvelables produisant de grandes quantités d’électricité, il faut des centrales électriques à énergies fossiles pouvant être flexibles dans leur production.

Une des façons d’intégrer énergies fossiles et renouvelables dans le réseau électrique est l’utilisation du gaz naturel brûlé dans des turbines, dont la puissance peut être augmentée et réduite rapidement.

La flexibilité du gaz naturel permet une plus grande intégration des énergies renouvelables dans le réseau électrique et d’en augmenter la contribution sans mettre à risque la stabilité du réseau. Notons au passage que la combustion du gaz naturel ne rejette que du dioxyde de carbone gazeux et de la vapeur d’eau. Pas de cendres à être traitées comme c’est le cas avec le charbon.

D’ailleurs, à l’heure actuelle, personne ne sait exactement ce qu’il advient des cendres des IPP et de leur toxicité.

C’est un aspect qui mérite éclaircissements de la part de ceux- ci et du gouvernement.

Avec le gaz naturel, le pays pourra graduellement réduire sa dépendance sur le charbon, donc se passer des impacts sur la santé et l’environnement.

Un autre point à considérer est que depuis 2005, les prix du gaz naturel semblent se dissocier des envolées des prix pétroliers. Nous pensons également que l’idée de Rezistans ek Alternativ d’une taxe sur le charbon à l’importation est très judicieuse, pourvu que les sommes récoltées soient exclusivement dédiées aux énergies renouvelables.

Karim Jaufeerally - Institute for Environmental and Legal Studies –
Email: iels.intnet.mu

Publicité