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Behind the purple curtain : Un déballage candide

5 avril 2012, 20:00

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Une autobiographie est une invitation à voir derrière le rideau, son âme mise à nue. Le rideau que Jayen Cuttaree a choisi de tirer est tout autant la révélation du cheminement d’un écorché vif que celui de son parti en perpétuelle quête d’alliance.

Fervent porte-bannière «mauve» des années 80, il fut toutefois teinté de «rouge» au début de son éveil à la politique. Il demeurera ballotté entre ses amitiés conflictuelles. Ce déballage candide dévoile le tempérament d’un Sancho Panca prévenant, inquiet des rodomontades d’un Don Quichotte, dont la lance titille sans cesse ces moulins à vent que sont, à l’analyse de ses fréquentes déclarations, les partis politiques adverses.

D’abord l’enfance. Modeste mais heureuse. Active aussi. Résolument ambitieuse dans ce Rose-Hill d’autrefois somnolant à l’ombre de son rocher. Le père ne fut pas, loin de là, un Pierre Laurent des basses Plaines-Wilhems traçant dans le Dormeuil le plus fin, les contours des dignitaires du pays. Ni la mère coutumière de soyeux sarees importés de l’Inde. Le parcours scolaire est linéaire, au primaire comme au secondaire. Une ferme volonté de réussir le sous-tend.

Il recoupe celui de ces prestigieux devanciers que furent les Ramgoolam (père), Neerunjun, Seeneevassen, Hazareesingh, également issus de milieux défavorisés, mais déterminés à en sortir avec le soutien de parents prêts à maints sacrifices.

Au collège Royal de Curepipe, la cuvée des années 60 réunissait, beaucoup plus qu’auparavant, des élèves venus des campagnes besogneuses aux toits de chaume ou des cités ouvrières aux tôles cannelées. Emigration et dénatalité commençaient déjà à décimer les cohortes franco-créoles qui avaient longtemps occupé les bancs de l’alma mater des hauts plateaux.

Ce terroir nourricier de nos élites pendant deux siècles – «Terrae Quis Fructus Apertae» – subissait les derniers assauts d’une arrière-garde réactionnaire à la NMU. De bonnes âmes, et des grenouilles de bénitier, s’indignèrent qu’on puisse, dans la préparation des élèves pour le General Paper en Higher School Certificate, aborder en classe d’histoire, les causes profondes de la montée du communisme en Europe, à la fin du XIXe siècle. Leurs protestations auprès du département de l’Education de l’époque firent grand bruit. Vijay Joypaul, Jayen Cuttaree et d’autres camarades de promotion manifestèrent en la circonstance une maturité étonnante. Ils défendirent publiquement, et jusqu’à dans la presse, le droit d’être informés sur tout et l’avantage d’être appelés à réfléchir plutôt qu’à simplement apprendre et réciter. Le recteur anglais en fut singulièrement embarrassé…

Les germes d’une pensée contestataire qui conditionna, deux décennies plus tard, d’importantes innovations économiques et sociales, peuvent bien s’être trouvés dans la fraîcheur de cette révolte d’adolescents contre l’hypocrisie et la compromission. Les méandres de ses études universitaires ont un côté opportuniste prêt à tout prendre, même des cours sur les bois et forêts à Edimbourg... Une recherche post graduate à Uppsala, couronnée par l’obtention d’un doctorat, vint étayer ce premier curieux diplôme sylvestre.

Une étude sur le développement à Cambridge le rapproche de ses préoccupations futures. Et, finalement, il fait une immersion dans les milieux sibyllins de la basoche à Londres, formation mieux accordée à la carrière politique qui allait suivre. Jayen Cuttaree aborde ce très long itinéraire estudiantin sans vaine complaisance ou fausse modestie. Comme s’il était naturel d’en faire autant et de si varié avant d’aborder la vie active.

Un passage à l’UNESCO et dans certaines officines africaines enrichit son expérience des relations multilatérales. Il s’en référera au moment de briguer, bien plus tard, le poste de directeur général de l’Organisation mondiale du commerce. La défense de leur précarré par les grandes nations, la vénalité de certains chefs africains aidant, finirent par lui en interdire l’accès.

Ce long cheminement, que des responsabilités ministérielles vinrent trop brièvement agrémenter, aura, in fine, abouti à quoi ? A «A Dream Shattered ». Bien que ce titre du douzième chapitre se réfère à un épisode précis d’une épopée politique exaltante, il résume toutes les frustrations qui ont suivi 1982, l’année qui semblait tenir toutes les promesses d’une victoire électorale porteuse d’espoir et de renouveau.

Les titres qui suivent sont, hélas, révélateurs du mal-être de ce fantassin de la politique propre et cohérente en butte aux byzantines combines personnelles ou communales de ses confrères «mauves» ou amis «rouges» et «oranges» : A TraumaticExperience The Return Of Repression The Drug Connection The MMM Splits Again…

Que d’aveux d’impuissance. Et quel désolant déballage de tractations oiseuses. Symptômes d’un cynisme incommensurable de la part de dirigeants bien plus obsédés par leur survivance politique ou la conservation de leurs strapontins ministériels que motivés par l’intérêt du pays…

Behind the Purple Curtain révèle, en effet, qu’aussitôt qu’une alliance était conçue, qu’un programme était établi, ou même qu’un engagement solennel était plébiscité par les urnes, le soupçon s’installait chez les impétrants. En douce, d’autres combinaisons étaient explorées «just in case»... Il dévoile, en somme, un monde glauque de perpétuelle trahison où le «petit frère» du jour est qualifié le lendemain de «petit crétin », et où l’aveu «qu’il vaut mieux être dans ‘carro canne’ que d’aller travailler avec le MMM» s’avère creux, comme le sont, la plupart du temps, les aberrantes déclarations des politiciens.

Jayen le fidèle, le fervent, embarqué sur le radeau branlant de la politique, fait penser à ce héros d’une tragédie grecque qui rêvait d’orienter le cours de l’histoire vers plus de cohérence et de justice, mais constate qu’à ce jeu de poker piège où il a mis sa bonne foi, ce sont les combinards qui tiennent les cartes maîtresses. Et ces cartes sont truquées.

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