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Avortement : Ne plus accepter une loi si cruelle et un tel outrage à la dignité humaine des femmes
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Avortement : Ne plus accepter une loi si cruelle et un tel outrage à la dignité humaine des femmes

Comme annoncé au public la section mauricienne d’Amnesty International a entamé un processus de restructuration et de remise sur pied. Cependant, compte tenu de l’importance du projet de loi sur la dépénalisation de l’avortement dans certains cas spécifiques, la section mauricienne se doit, en accord avec le Secrétariat international, de contribuer à ce débat qui concerne au plus haut point la défense des droits humains.
Il est, en effet, fondamental de comprendre la situation strictement inacceptable dans laquelle se trouve la République de Maurice en raison de sa législation sur l’avortement.
En 2005, le Comité des Droits de l’homme des Nations unies qui veille à l’application du Pacte International relatif aux Droits civils et Politiques par les États parties disait ceci à propos de notre pays :- «The Committee notes with concern that section 235 of the Penal Code penalizes abortion even when the mother’s life is in danger, and thus may encourage women to resort to unreliable and illegal abortion, with inherent risks for their life and health (Covenant, art. 6).
The State party should review its legislation to ensure that women are not forced to carry pregnancies to term in violation of the rights guaranteed by the Covenant. »
La loi mauricienne interdit à la femme de recourir à l’avortement alors même que sa vie serait en danger. Le recours à l’avortement, «quelles que soient les circonstances», est punissable de servitude pénale allant jusqu’à 10 années. Les médecins et personnels soignants qui auraient procuré l’avortement, «quelles que soient les circonstances», sont passibles d’une condamnation à la servitude pénale allant jusqu’à 30 années. Amnesty International appelle les femmes mauriciennes à ne plus accepter une telle violation de leur dignité humaine. Nous appelons également les membres de la profession médicale à ne plus accepter cette loi qui empêche l’application des protocoles obstétriques enseignés dans les facultés de médecine en cas de mise en danger de la vie de la femme en raison de sa grossesse.
Seuls 3 % des Etats dans le monde imposent une interdiction totale de l’avortement, même dans les cas où la vie de la mère est en danger.
La République de Maurice fait partie de cette petite minorité de pays violant les droits humains les plus élémentaires des femmes et interdisant aux professionnels de la santé d’exercer la médecine. Les autres Etats concernés sont le Nicaragua, les Philippines, le Chili, le Salvador, Malte et la Cité du Vatican.
Le cas du Nicaragua est particulièrement éclairant sur les forces et les idées qui agissent dans le monde pour l’interdiction de l’avortement, quelles que soient les circonstances.
Avant 2006, et depuis plus de 100 ans, la loi pénale du Nicaragua permettait le recours médicalisé à l’avortement en cas de mise en danger de la vie de la mère. En Novembre 2006, Daniel Ortega revint au pouvoir après 16 ans dans l’opposition. En raison de l’incertitude quant à l’issue du scrutin, les deux principaux partis furent particulièrement attentifs aux demandes de puissants groupes de pression, dont l’Eglise catholique romaine et d’autres groupes religieux.
Le 6 Octobre 2006, l’Eglise Catholique mena une importante foule devant l’Assemblée nationale pour demander aux Parlementaires de criminaliser l’avortement, en toutes circonstances, en enlevant de la loi pénale l’exemption s’appliquant à l’interruption médicalisée de grossesse.
En Octobre 2006, peu avant les élections générales, les parlementaires votèrent la loi interdisant l’avortement en toutes circonstances. (Amnesty International’s Report on “The total abortion ban in Nicaragua, Women’s lives endangered, Medical Professionals Criminalized” 2009)
Les mêmes dynamiques politiques sont à l’oeuvre à l’île Maurice pour qu’ici l’interdiction de l’avortement en toutes circonstances demeure dans la loi pénale. Et ce en dépit des conventions internationales et du bons sens en terme de santé publique. Ainsi que le soulignait la Pan-American Health Organization en 2006 : «Access to therapeutic abortion is a universally accepted principle which transcends cultural differences, religious creeds and political ideologies. In most countries legislators have taken the framework of human rights into account, but at its heart, therapeutic abortion is a matter of common sense and humanity.»
Le projet de loi prévoit donc un amendement au Medical Council Act pour autoriser, enfin, aux médecins de pratiquer légalement l’avortement thérapeutique et sans que des hésitations légitimes de leur part ne puissent mettre en danger la vie des femmes. C’est ce à quoi certains s’opposent de façon si véhémente.
La nouvelle loi permettra également l’avortement médicalisé au cas où une grossesse aurait suivi un acte criminel contre la femme :- il s’agit des cas de viols, de relations sexuelles avec une mineure de moins de 16 ans et de relations sexuelles interdites comme l’inceste. Dans ces cas également il s’agit pour Amnesty International de protéger les droits des femmes. Une femme qui est enceinte après avoir subi un acte criminel ne doit pas se retrouver dans une situation où elle est contrainte à avoir recours à un avortement clandestin afin de ne pas porter le fœtus de son violeur ou de son père incestueux.
Forcer une femme à mener à terme une telle grossesse représente un grave risque pour sa santé mentale et physique, un supplice relevant de la torture morale et physique.
L’interdiction de l’avortement médicalisé en cas d’acte criminel dont a été victime une femme, revient très concrètement et cyniquement, à la pousser à mettre en danger sa vie en ayant recours à un avortement non médicalisé. Après un tel avortement non médicalisé, la femme, victime d’un acte criminel, encourra en plus le risque d’une peine de servitude pénale de 10 années…
Amnesty International appelle les femmes mauriciennes à ne plus accepter une loi si cruelle à leur encontre et un tel outrage à leur dignité humaine. Certains cherchent à maintenir ce traitement indigne de la femme mauricienne sous prétexte de conceptions morales particularistes.
Conceptions morales que nous ne jugeons pas, mais dont ne devraient subir les conséquences que ceux et celles qui choisissent librement de se les appliquer. Imposer un tel supplice à celles qui ne partagent pas ces conceptions, relève d’une violation de la liberté de conscience et d’une forme de fondamentalisme à laquelle nous devons nous opposer en démocratie.
L’injustice est d’autant plus grande qu’elle met en danger la vie de femmes et d’adolescentes appartenant à des catégories sociales où l’on n’a pas les moyens de se rendre à l’étranger pour avorter en toute sécurité et en toute discrétion.
Nous ne pouvons donc qu’encourager le gouvernement mauricien à maintenir fermement sa résolution à se mettre en conformité avec les conventions internationales protégeant la dignité humaine et les principes élémentaires de santé publique.
Amnesty International ne prend pas de position sur l’interruption volontaire de grossesse. Mais cette ONG demande aux Etats de ne pas emprisonner les femmes dans les cas d’avortements illégaux car cela les dissuade à recourir aux soins de santé publique en cas de complications. L’avortement clandestin continuera à concerner des milliers de Mauriciennes, tous les ans, même si ce projet de loi est voté.
Or, le texte maintient des peines privatives de liberté très lourdes de 3 à 10 années pour les femmes. La section mauricienne d’Amnesty demande aux parlementaires de revoir ces sanctions archaïques. Il s’agit, là encore, d’une priorité de santé publique à laquelle doit céder la politique pénale.
Par Michel AHNEE
Amnesty International Mauritius Section
 
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