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Les années 1830: esclaves libérés et premiers «coolies», histoires d’amour et de coups de foudre
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Les années 1830: esclaves libérés et premiers «coolies», histoires d’amour et de coups de foudre

Incroyable : c’est en 2015 que l’Angleterre a soldé l’emprunt de 20 millions de livres sterling pris en 1833 pour compenser les propriétaires d’esclaves pour la libération de ces derniers. C’est révélé dans la presse britannique, par le Guardian. Il a fallu 180 ans pour payer cette somme qui, aujourd’hui, vaudrait 20 milliards de livres. Il y a eu, en fait, deux libérations, à savoir abolition de l’esclavage, en 1835, à proprement parler, selon l’Abolition of Slavery Act de 1833 votée en Angleterre. Et encore, les esclaves ne furent libérés ni 1833, ni en 1835, à Maurice comme ailleurs. Ensuite, la vraie abolition de l’esclavage, survenue le 1er février 1839.
L’Encyclopaedia Britannica rappelle que «Slavery Abolition Act (1833), in British history, act of Parliament that abolished slavery in most British colonies, freeing more than 800,000 enslaved Africans in the Caribbean and South Africa as well as a small number in Canada. It received Royal Assent onAugust28,1833 and took effect on August 1, 1834. For most enslaved people in British North America, however, the Act resulted only in partial liberation, as it only emancipated children under the age of six, while others were to be retained by their former owners for four to six years as apprentices. The British government made available £20,000,000 to pay for damages suffered by owners of registered slaves, but none of the money was sent to slaveholders in British North America. Those who had been enslaved did not receive any compensation either.»
Ainsi, l’abolition que nous célébrons ne marque pas réellement la libération des esclaves. La vraie libération est survenue le 1er février 1839. «The emancipation order took effect on February 1, 1835, but it was four years later, on February 1, 1839, that the slaves were really declared free. The government had, by then, decided that the period of apprenticeship in all cases, including the plantation workers, would be terminated on that same date. But, despite the improvement promised by Governor Nicolay to the apprentices, conditions of work and life on the plantations remained extremely difficult and painful for them. The “slavery mentality” of the employers was the same as be-fore abolition.»
Ce qui fait que nous célébrons la proclamation, à Maurice, de la loi votée à Westminster en 1833, plutôt que la libération finale, le 1er février 1839. Car l’appren-tissage était toujours une espèce de garde à vue des esclaves sur les lieux de leurs horribles souffrances depuis leur naissance. Et les maîtres, eux, n’avaient pas changé de mentalité.
Rappelons que si les propriétaires d’êtres humains touchèrent le gros lot, leurs victimes ne furent jamais compensées. Aujourd’hui, nous pourrions traîner les Anglais devant une Cour internationale pour demander compensation pour les familles des descendants d’esclaves – un argument, peut-être, pour Pravind Jugnauth, face à Boris Johnson dans les discussions sur les Chagos dont les habitants descendent, d’ailleurs, des esclaves.
«The relationship between the apprentices and the Indian workers were good to excellent and there is ample evidence of that.»
Dans mon livre en trois volumes lancé par le président de la République le 10 octobre dernier, j’évoque le refus des Anglais de prendre des mesures pour reloger les esclaves libérés, en créant des villages avec infrastructures. Or, ce fut à leurs propres frais que les esclaves créèrent des villages et des plantations et élevages. Suite à quoi, ils inondèrent de légumes et viandes en tous genres le marché de Port-Louis.
Ces produits incluaient le riz, cultivé surtout par les affranchis Malgaches, comme mentionné dans son livre par l’évêque anglican de Maurice, Mgr Vincent Ryan, qui parle de riz cultivé au Camp Malgache, au pied du Trou-aux-Cerfs. Le Camp Malgache existe toujours, tout comme les tombes malgaches sur cette colline, où les descendants déposent encore des fleurs. Ces petits planteurs créoles, répandus dans le pays, ont eu, à Port-Louis, des descendants qui, dans les années 60, comme je l’ai vu dans mon enfance, produisaient encore, dans les faubourgs de la capitale, comme Roche-Bois et Cassis, du lait, des légumes, des viandes diverses, cabri, bœuf, porc, poulet, canards, oies, pintades, etc. Mes souvenirs d’enfance sont toujours intacts et vivaces.
Ryan écrit ceci: «A large district to the right of the road to Mahébourg goes by the name of Vacoas. The country, some years ago, was covered with forest trees. Now a great deal of it is cleared, especially on the slopes of the Trou-aux-Cerfs and here, the emancipated slaves and their descendants have purchased small plots of ground, built their “cazes” (or cabins) on them, and cleared the ground to cultivate rice, potatoes and even sugar-canes, on the sale of which articles they make their living.»
Mais, outre le livre de Mgr Ryan, il y a une dépêche officielle du Gouverneur William Nicolay, datée du 7 janvier 1846, à Lord Stanley, ministre des Colonies, à Londres, où il parle de la productivité exceptionnelle de ces planteurs et éleveurs créoles. Nicolay écrit ceci: «the meagre Bazaar of Port-Louis, so meagerly in former years, now daily affords an abundant display of wholesome fruits and vegetables...» Le premier leader politique à évoquer la nécessité d’une enquête fut sir Gaëtan Duval vers le début de sa carrière politique, en 1959-1960. La pression des financiers du PMSD le stoppa, dit-on, sur sa lancée.
Il y eut une très forte opposition des propriétaires d’esclaves contre la loi quand le texte arriva à Maurice. Les propriétaires contrôlaient le Council of Government et le gouverneur était seul face aux autres membres, dont j’ai les noms, et leurs votes hostiles pour bloquer la loi d’émancipation. J’ai mis la main sur les registres d’esclaves, avec leurs noms, etc. J’ai aussi les correspondances originales entre le gouverneur, sir William Nicolay, et son ministre, à Westminster. La composition du «Council» était la suivante et le gouverneur était en minorité, seul à défendre la loi d’émancipation contre les réactionnaires:
- His Excellency the Gov-ernor, The Chief Judge and First President of the “Cour d’Appel”.
- The Officer second in com-mand of the troops.sThe Colonial Secretary.
- The Collector of Customs.
- The Procureur and Advocate-general.
- The Auditor-general.
- The Treasurer and Paymaster-general.
- Messrs. Bourgault, Du Cou-dray, Pitot, Blyth. Kcenig. Maure, Lahausse.
Il est intéressant de parcourir ici la correspondance entre le gouverneur, sir William Nicolay, et son supérieur à Westminster, le ministre des Colonies. La vérité historique est qu’il y eut une résistance des propriétaires dans les deux cas, tant contre l’abolition de l’esclavage que contre celle des apprentis. Cette vérité se trouve dans les dossiers, aux archines, en Angleterre, dans les Colonial Papers d’où j’ai obtenu les nombreuses pages y relatives. Voici cette vérité telle qu’elle a été archivée, soit des extraits sélectionnés de la correspondance entre le gouverneur de Maurice avec le ministre des Colonies à Londres, notamment Lord Glenelg (en poste jusqu’à sa démission en février 1839), et, ensuite, son successeur, le Marquis de Normanby, qui approuvera la libération finale des esclaves en ces termes:
Copy of a DESPATCH from the Marquess of Normanby to Lieutenant-General:
No. 41.
Sir W. Nicolay, c. b., k. c. h.
Sir,
Downing-street, 14 July 1839.I have received your des patch, No. 30, of the 15th of March last, transmitting printed copies of the proclamations which you had is-sued for bringing into operation in Mauritius the Orders of Her Majesty in Council for the termination of the apprenticeship, and for the regulation of «marriages», «vagrancy», «contracts», and «unauthorized occupation of lands», and I have, in reply, to convey to you my approbation of these proclamations.
I have, &c.
(signed)
Normanby.
Qu’est-ce qui s’est passé entre les anciens esclaves et les laboureurs qui, durant leur libération, arrivaient dans l’île? Ceci, exactement, comme je l’ai décrit déjà, soit beaucoup d’histoires d’amour et de coups de foudre : «At the end of the apprenticeship period, only about 4,000 of the former slaves accepted to sign one-year contracts with the plantation owners to continue to work in the sugar industry. About 28,000 slaves had been working on the sugar estates on a total slave population of 67,000. The others worked in sectors other than sugar. 14,000 to 15,000 left the sugar estates after having quietly toiled side by side with the incoming salaried Indian workers brought over from India during the apprenticeship period. The relationship between the apprentices and the Indian workers were good to excellent and there is ample evidence of that.
Inter-marriages were even contemplated, in some cases, according to a contemporary witness who was an official of the Bengal Civil Service, J.P. Woodcock, and who wrote, in a report dated 19 November 1836 addressed to the Governor General of India (we have respected the original writing): “Some of the Indian labourers have formed illicit connexions which will probably prevent their return; and two young Hindoos on one estate have already adopted the costume of the Mozambique negroes, and so many of their customs as to lead to a belief that they will marry young negresses on the same estate, who are already beginning to enjoy the advantage of Indian admirers in the more ornamental attire that they have assumed. The Indians are generally on excellent terms with the negroes, with whom they are constantly brought into contact into their daily labour and in reply to some queries circulated by the Governor during my stay at the Mauritius, and addressed to the planters employing Indian labourers, the reports, I understand, were considered extremely satisfactorily as regarded the general good feeling that existed between both parties.” Woodcock also observed in his report that the apprentices and the Indians were separated by their employers.»
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